Israël a organisé la première « Conférence d’Herzliya », puis a exécuté une série d’actions hostiles contre la région, avant d’en arriver à sa guerre contre le Liban en 2006.
Une agression sur laquelle ont misé les tenants du projet américano-sioniste comme point de départ de la création d’un Moyen-Orient contrôlé par les États-Unis où il n’y aurait plus place pour la Résistance et tous ceux qui pourraient y songer.
Mais le combat héroïque du Hezbollah a dissipé ses rêves hostiles. Il est sorti victorieux de cette guerre, instaurant les bases d’une « dissuasion active » douloureuse pour Israël.
L’une des conséquences de cette victoire de 2006 fut le virage des planificateurs de ce projet d’occupation colonisatrice vers la stratégie dite du «soft power », telle qu’adoptée par les Forces de l’OTAN en 2010, avec pour résultat l’incendie catastrophique présenté par l’Occident comme un « printemps arabe » qui est, en réalité, un printemps américano-sioniste censé anéantir l’« Axe de la Résistance » à partir de sa citadelle centrale : la Syrie.
Mais malgré la multiplication des plans et les stratégies successives, la Syrie, l’Axe de la Résistance et dernièrement, la Russie, ont réussi à créer une nouvelle donne fondée sur trois constats :
L’agression est incapable d’atteindre ses objectifs, la Syrie étant reconnue une et indivisible.
Le poids militaire et stratégique de l’Axe de la Résistance est désormais plus important qu’il ne l’était il y a cinq ans.
Le temps joue en faveur de la Résistance, le camp des agresseurs de la Syrie pouvant obtenir, aujourd’hui, davantage que ce qui lui resterait demain.
D’où la terrible déception et l’horrible frustration des agresseurs et de leurs alliés, chacun étant condamné à choisir la voie susceptible de limiter ses pertes et éventuellement d’inverser la donne au moment opportun. Ce qui explique la dispersion des prises de position et la discorde devenue la caractéristique dominante au sein de leur camp, divisé entre réalistes et ceux qui refusent les faits accomplis. Dans cette dernière catégorie se situent l’Arabie Saoudite et Israël couverts par les États-Unis, lesquels président pourtant la catégorie des réalistes se dirigeant vers une solution politique.
L’Arabie Saoudite a jugé que son échec en Syrie s’ajoutait à tous les autres dans la région, ce qui anéantit son espace stratégique vital et conduit inévitablement à la perte de sa capacité de contrôler les décisions du monde arabe et musulman.
Quant à Israël, cet échec signifie la fin d’un rêve auquel il a travaillé depuis au moins quinze ans, celui d’anéantir le Hezbollah et de démanteler l’Axe de la Résistance. Ce, d’autant plus que cet échec coïncide avec le renforcement des capacités militaires du Hezbollah, au point de lui permettre d’atteindre une nouvelle équation de dissuasion stratégique mettant Israël dans l’incapacité de mener, à lui seul, une guerre victorieuse contre lui.
Et pour couronner le tout et exacerber l’amertume des uns et des autres, voici que la question syrienne prend le chemin d’une solution politique qui risque, au cas elle serait appliquée par toutes les parties, de consacrer les bénéfices des gagnants et les défaites des perdants avec quelques cadeaux de compensation qui rendraient l’échec moins cuisant.
Un contexte qui a poussé Saoudiens et Israéliens à tenter de renverser la situation et à revenir sur le terrain pour compenser ces pertes et atteindre leurs objectifs en totalité ou en partie, d’où l’alliance israélo-saoudienne déclarée publiquement, après avoir été longtemps secrète, sans aucun égard envers les Palestiniens, les Arabes et les Musulmans ; une alliance dont le plan se résumerait en quatre points :
Le premier point : Diabolisation du Hezbollah et de sa résistance afin de le cerner de tous les côtés en faisant croire qu’il constitue un danger pour le monde entier et ainsi réussir à créer les conditions d’une coalition internationale contre lui, semblable à celle formée contre Daech [EIIL ou EI]. Dès lors, Israël pourra faire partie de cette coalition et, par conséquent, n’aurait plus à assumer seul la charge de le combattre et échapperait à la récente équation de dissuasion stratégique qu’il lui impose. Dans ce but, les deux alliés se seraient partagé les tâches.
L’Arabie Saoudite s’est chargée de le faire passer pour une organisation terroriste sous prétexte qu’il représente « une menace pour la sécurité nationale arabe». Elle a commencé à y travailler au niveau local avant d’aller au Conseil de Coopération du Golfe [CCG], puis au Conseil des Ministres arabes de l’Intérieur. Elle devrait poursuivre sa quête au Sommet arabe prévu en avril prochain, puis à l’Organisation des Nations Unies.
Quant à Israël, sa tâche a surtout consisté à se concentrer sur la menace que le Hezbollah représenterait pour « la population civile israélienne et pour la stabilité du Moyen-Orient », d’où ses déclarations sur ses capacités offensives de 41000 combattants hautement expérimentés et de 100 000 mille missiles dont la portée serait de 10 à 350 kilomètres.
Le deuxième point : Explosion de la situation sécuritaire libanaise et ouverture de plusieurs fronts contre le Hezbollah, associées à la coupure de ses moyens et renforts, d’où l’escalade dans le ton du discours politique à son encontre et l’acheminement d’armes vers le Liban.
Faisait partie de cette opération le cargo arraisonné actuellement en Grèce, puisque parti de Turquie, il se dirigeait vers Tripoli [Liban] avec, à son bord, 6000 armes à feu dont des fusils de précision sophistiqués et 45 tonnes de munitions et d’explosifs. Et, d’une certaine manière, l’annulation du « don » saoudien à l’armée et aux forces de sécurité libanaises [3+1 milliards de dollars, NdT] fait aussi partie de cette même opération, afin de les priver des moyens nécessaires au rétablissement de la sécurité une fois la déstabilisation réussie.
Le troisième point : Déclenchement de la guerre contre le Hezbollah après la création d’une large coalition internationale semblable à celles que nous avons connues au cours des trois dernières décennies, à commencer par celle levée pour libérer le Koweït de Saddam Hussein jusqu’à la prétendue coalition, toujours menée par les États-Unis, contre Daech ; l’idée des concepteurs de ce projet israélo-saoudien étant qu’une telle coalition infligerait au Hezbollah une longue guerre qui l’épuiserait à défaut de l’exterminer.
Le quatrième point : Torpillage de toute solution politique en Syrie en la reportant et en posant des conditions préalables inacceptables jusqu’à la fin du mandat présidentiel d’Obama, dans l’espoir de voir revenir les Républicains avant concrétisation de tout accord. Dès lors, il serait beaucoup plus facile de discuter du dossier syrien et de tous les autres, dont celui du Hezbollah. D’où l’obstination du ministre saoudien des Affaires étrangères à bloquer la solution envisagée en se cramponnant à la destitution du Président syrien.
La phase initiale de ce projet, développé par le régime sioniste en Israël, est actuellement mise à exécution par l’Arabie Saoudite qui use de toutes ses capacités médiatiques, financières et politiques. Malgré cela, nous écartons la possibilité que le plan saoudo-sioniste puisse réussir et aller au-delà de ce stade, car les évolutions sur le terrain syrien et régional ainsi que les cartes des relations internationales et régionales ne lui prédisent pas le succès. En effet, il suffit de rappeler les échecs successifs des plans saoudiens en Irak, en Syrie, au Yémen et au Liban, ainsi que l’échec de leur coalition arabe, de leur coalition islamique et dernièrement le refus d’obtempérer des Ministres de l’Intérieur des principaux États arabes, pour dire que la folie saoudienne ne le mènera pas vers le succès.
Quant à Israël, il pourrait se considérer gagnant quel que soit le dénouement, puisqu’il lui suffit de glaner les bénéfices de la «normalisation avec les Arabes» avec lesquels il se retrouverait dans une même tranchée contre le Hezbollah, vu comme l’ennemi qui l’a forcé à dépenser 80% de son revenu national pour sa défense et sa sécurité.
Reste que le plus dangereux est que cette alliance dite « israélo-arabe » puisse tourner la page de la question palestinienne et mener à l’abandon de la Palestine par les arabes, alors que nous croyons que le Hezbollah prépare pour chaque situation la réponse qui lui convient afin d’offrir à ceux qui le soutiennent la victoire qu’ils méritent.
Par Amin Hoteit, général de brigade à la retraite et expert libanais en stratégie militaire.
Source : Le journal syrien Al-Thawra [La révolution] ; traduit par Mouna Al-no-Nakhal