Samedi, en début d'après-midi, la police a mis fin au rassemblement à Istanbul de quelque 500 personnes devant le siège du plus grand quotidien de Turquie, hostile au président islamo-conservateur Recep Tayyip Erdogan, qui avait été investi dans la nuit par les forces de l'ordre.
Les policiers ont copieusement arrosé de gaz lacrymogène la foule, qui scandait "On ne fera pas taire la presse libre", utilisant aussi des canons à eau et des tirs de balles en caoutchouc, selon un photographe de l'AFP.
Cette affaire survient à deux jours d'un sommet lundi entre l'UE et la Turquie sur la crise des migrants, au cours duquel Ankara espère une accélération de sa procédure d'adhésion à l'Europe en échange d'efforts pour enrayer le flot des candidats à l'exil qui quittent clandestinement ses côtes.
"La Constitution est suspendue", affichait samedi Zaman en une, en gros caractères blancs sur fond noir. "La presse turque vient de vivre un des jours les plus noirs de son histoire", accuse le journal, qui tire à 650.000 exemplaires et a réussi à imprimer une édition juste avant l'assaut.
Mais les pays occidentaux se disent profondément inquiets pour la liberté de la presse en Turquie.
"La Turquie, en tant que pays candidat, doit respecter et promouvoir des normes et pratiques démocratiques élevées, dont la liberté des médias", a réagi le service diplomatique de l'UE.
Le président du Parlement européen, Martin Schulz, a promis d'évoquer ce "nouveau coup porté à la liberté de la presse en Turquie", lors de sa rencontre lundi avec Ahmet Davutoglu.
Washington a regretté "la dernière d'une série d'inquiétantes actions judiciaires et policières" du gouvernement turc contre les médias "et ceux qui le critiquent".
Et Moscou a souhaité l'ouverture d'une enquête internationale. "Nous espérons que nos partenaires occidentaux mettront de côté leurs craintes de déplaire à Ankara", a indiqué le ministère des Affaires Etrangères.
Le groupe Zaman, qui outre Zaman et Today's Zaman possède l'agence de presse Cihan, dont le site internet a été bloqué samedi, est considéré comme proche de l'imam Fethullah Gülen, ancien allié devenu l'ennemi numéro un de Erdogan depuis 2013.
Engagée profondément dans une guerre sans merci contre la Syrie, la Turquie est plongée dans une crise multi-face sans précédent. Les régions du sud-ouest kurde, près des frontières syriennes sont en proie à des violences de plus en plus grandissantes tandis que les terroristes et les armes continuent à être trafiqués vers la Syrie via les frontières turques. L'afflux des réfugiés qui fuient le conflit se rajoute à la liste des défis que Ankara devra relever.
En visite à Téhéran, le premier ministre turc a affirmé samedi que son pays " s'était tenu aux côtés de l'Iran " en temps des sanctions, et qu'il avait prouvé "son amitié aux Iraniens", laissant entendre qu'il appartenait désormais à l'Iran d'en faire autant.