Par Ghorban-Ali Khodabandeh
Les Palestiniens ont marqué mercredi 15 mai, les 76 ans de la Nakba, l'exode palestinien qui a suivi la création de l’entité israélienne, pour dénoncer la nouvelle Nakba en cours à Gaza. Les commémorations de la Nakba se déroulent cette année alors qu'Israël force le déplacement de Palestiniens pour mener un assaut à grande échelle contre la ville de Rafah.
Il s’agit d’un génocide et d’un déplacement massif qu’Israël perpétue, sous nos yeux, avec la complicité de ses amis de longue date : les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Un nouveau chapitre du « génocide progressif », débuté avec la « Nakba », le nettoyage ethnique de 1948, et qui se poursuit par l’expansion coloniale et le projet non dissimulé du gouvernement Netanyahu d’annexer la bande de Gaza et d’expulser la population locale vers l’Égypte, une fois le massacre actuel terminé.
Ce qui se passe aujourd’hui à Gaza est la continuation de la Nakba, lorsqu’en 1948, des centaines de milliers de Palestiniens ont été déplacés de force. C’est la continuation de 76 années de violation du droit international par Israël, marquées par le colonialisme et l’apartheid contre l’ensemble du peuple palestinien, l’occupation de leurs terres et 16 années de blocus imposées aux Palestiniens vivant dans la bande de Gaza.
La Nakba, la mère des catastrophes pour les Palestiniens
La Nakba (catastrophe en arabe) est le nom donné au déplacement forcé, ponctué de toutes sortes de crimes, de la population palestinienne d’origine lors de la création de l’entité israélienne en 1948. Des millions de Palestiniens ont fui leurs maisons, qui ont été brûlées ou rasées. Certains se sont retrouvés dans des camps de réfugiés en Jordanie ou au Liban, et d’autres dans les territoires palestiniens eux-mêmes, en Cisjordanie occupée et à Qods-Est, ou bien dans la bande de Gaza, comme c’est le cas du camp de réfugiés de Jabalia, qui a été récemment brutalement bombardé par Israël.
À l’origine, le mot Nakba signifie selon les cas : catastrophe, désastre, calamité, fléau, sinistre. Si un même mot peut recevoir des sens différents selon le contexte, c’est définitivement le sens palestinien qui a investi le mot pour tous les locuteurs arabes. La Nakba ce n’est pas une catastrophe, c’est la catastrophe entre toutes, la mère des catastrophes. Il ne s’agit plus simplement d’un événement daté, fini, mais d’une « Nakba continue ».
L’actualité de la guerre contre Gaza lui donne aujourd’hui un retentissement international, les articles de presse évoquant une « nouvelle Nakba », une « seconde Nakba ». C’est désormais un mot-image, celui de Palestiniens cherchant les leurs dans les décombres, dans la grisaille d’un paysage lunaire.
De ce fait, le sens véritable de la Nakba n’est plus celui d’un simple « déplacement massif de Palestiniens », déplacement qu’Israël a longtemps tenté de présenter comme volontaire. Il est celui d’une politique de transfert qui ne recule devant rien, une épuration ethnique délibérée, réfléchie, méthodique, qui se poursuit aujourd’hui à Gaza et parallèlement en Cisjordanie.
Le génocide actuel à Gaza s’inscrit dans le prolongement de la Nakba
Depuis le 7 octobre, les civils de Gaza vivent leur catastrophe des temps modernes, une nouvelle Nakba. Deux millions de Gazaouis ont été déplacés et chassés de leur domicile, soit le plus grand nombre de déplacements forcés de Palestiniens depuis 1948. 1,4 million de personnes s’entassent tout au sud de la bande de Gaza, à Rafah, dans des conditions inhumaines, selon l’OMS.
Sous prétexte de démanteler le Hamas, le gouvernement Netanyahu répète sa volonté d’attaquer cette zone et demande aux civils d’évacuer. Mais pour aller où ? Au nord, Gaza n’est que ruines et combats ; à l’est se dresse la frontière des territoires occupés et à l’ouest les flots de la Méditerranée. Reste le désert du Sinaï au sud, bloqué par un mur avec l’Égypte.
Le gouvernement israélien avait multiplié depuis le 7 octobre les déclarations favorables à une « émigration volontaire » des Palestiniens et à un nouveau nettoyage ethnique de la bande de Gaza. Il semble aujourd’hui près de réaliser son vœu génocidaire, massacrant un peuple sans refuge jusqu’à ce que les atrocités contraignent l’Égypte à ouvrir les portes de Rafah. Alors qu’Al-Sissi dénonce les projets israéliens et refuse d’ouvrir la porte au sud de Gaza, Netanyahu choisit la diplomatie du carnage pour renforcer la pression sur le gouvernement égyptien.
L’idée d’une nouvelle Nakba, c’est-à-dire de forcer le déplacement de millions de Palestiniens pour les expulser directement de Gaza, est un secret de polichinelle, évoqué dans des documents du renseignement israélien. Une Nakba moderne ne provoquerait que soixante-seize années de souffrances supplémentaires.
Cette Nakba moderne ne serait que la répétition de la catastrophe de 1948, 76 ans plus tard. Avec des méthodes similaires à la première, les Palestiniens sont contraints de quitter leurs maisons et de fuir, pour être ensuite attaqués, bombardés et tués.
Tempête d'Al-Aqsa, une réponse à 75 ans de crimes israéliens
En riposte aux 75 ans de crimes et d’occupation israélienne et de la profanation de la mosquée Al-Aqsa ainsi qu’aux velléités de Tel-Aviv de déclencher une nouvelle Nakba à Gaza, la Résistance palestinienne a lancé le 7 octobre 2023 l’opération Tempête d'Al-Aqsa contre les positions israéliennes.
En représailles à l’opération du Hamas, Israël a ouvert un nouveau chapitre dans ses 75 ans d’histoire de crimes en attaquant la population sans défense de Gaza. Sans surprise, le régime sioniste n’a respecté aucune des lois internationales de la guerre lors de son offensive. Tout en attaquant des civils et en bombardant des hôpitaux, des écoles et des centres universitaires, en assiégeant complètement Gaza, en coupant l'eau, l'électricité et le carburant, et en détruisant toutes les voies de communication dans cette zone avec le monde extérieur, ils a fait usage de certaines armes, notamment des bombes au phosphore, qui, selon les protocoles internationaux, sont considérées comme des armes interdites.
L'action du Hamas était une réponse à 75 ans d'occupation, de massacre d'enfants et de crimes illimités commis par les sionistes en terre palestinienne. Alors que 56 ans se sont écoulés depuis la résolution de l’ONU sur la nécessité pour Israël de se retirer aux frontières d’avant 1967, ce régime n’a pas renoncé à l’expansion des colonies en Cisjordanie ni à ses revendications sur la bande de Gaza.
Alors que les crimes du régime sioniste sont condamnés principalement par les Nations Unies, l'Union européenne et de nombreuses autres institutions et pays appellent verbalement Israël à faire cesser la guerre, mais en pratique aucune mesure n’est prise pour garantir les droits des propriétaires originaux de la terre palestinienne. En attendant, ce sont les habitants de Gaza, sans défense et opprimés, qui doivent porter le fardeau de protéger une petite partie de leur terre et mourir pour défendre leur droit inaliénable.
L’émergence d’un mouvement anti-guerre sur les campus universitaires
La brutalité des attaques israéliennes contre Gaza a suscité des mobilisations de masse dans les pays arabes et musulmans, aux États-Unis, en Amérique latine et dans les pays européens, en particulier la Grande-Bretagne, l’Espagne et la France, défiant les politiques répressives des gouvernements qui persécutent et criminalisent tous ceux qui expriment leur solidarité avec la lutte du peuple palestinien, en utilisant dans de nombreux cas l’accusation d’« apologie du terrorisme ».
Nous sommes au début de l’émergence d’un mouvement anti-guerre en soutien à la cause palestinienne - une cause juste, anticoloniale et anti-impérialiste. C’est pourquoi beaucoup font une analogie historique avec le mouvement contre la guerre du Viêt Nam et, plus récemment, contre la guerre en Irak.
La consécration à l’échelle internationale du mot « Nakba » témoigne surtout du dévoilement, au grand jour, de la continuité de l’entreprise sioniste, une entreprise de plus en plus désavouée à travers le monde.
C’est tout cela que signifie désormais le mot Nakba aux yeux de l’opinion publique mondiale, avec le recours croissant au terme « génocide ». Si la Nakba est actuellement occultée par l’opinion publique israélienne, elle est revendiquée sans la moindre retenue par certains officiels israéliens, comme Ariel Kallner, membre du Parlement israélien, ou le ministre de l’griculture et ancien dirigeant du Shin Bet, Avi Dichter, qui se réjouit de « dérouler une nouvelle Nakba » contre les Palestiniens.
Si Israël utilise déjà la punition collective comme politique de terreur systématique contre les Palestiniens, une nouvelle Nakba serait le point culminant de cette action criminelle. Elle serait la confirmation palpable de ce que l’historien israélien Ilan Pappé et d’autres intellectuels et organisations internationales ont d’abord défini comme le « nettoyage ethnique » de la population palestinienne par Israël, puis, au fil des ans, comme un « génocide progressif ».