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Le temps est écoulé : les menaces n’empêcheront pas l’expulsion des États-Unis d’Irak après des années d’occupation

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Wesam Bahrani

Tous les regards en Irak sont rivés sur les négociations qui ont actuellement lieu entre les responsables américains et le gouvernement de Mohammad Shia al-Soudani, visant à mettre fin à des années d'occupation militaire.

Le climat de ces négociations semble tendu. Une source proche des derniers développements en matière de sécurité dans ce pays arabe a déclaré que la Résistance irakienne avait menacé de fermer l'ambassade américaine à Bagdad qui a longtemps été accusée d'agir comme une base militaire américaine plutôt que comme une mission diplomatique.

Cela entraînerait également la fermeture de toutes les ambassades occidentales affiliées à la coalition militaire dirigée par les États-Unis si les forces d’occupation américaine rejetaient les appels populaires et croissants au retrait d’Irak, a noté la source.

Le gouvernement irakien peut également s'attendre à des menaces de la part de Washington lors des réunions. Alors que les revenus des ventes de pétrole irakien sont versés au Trésor américain dans une mesure très injuste, Washington peut menacer d'imposer des sanctions qui pourraient affaiblir le dinar irakien.

Ce sinistre stratagème viserait à dégrader le niveau de vie des familles irakiennes dans le but de retourner le peuple contre son gouvernement et la Résistance. Ils pourraient tous deux (comme Washington l’espère) être tenus responsables de tout dommage infligé à l’économie du pays, même si les États-Unis tirent les ficelles.

La Résistance irakienne attend du gouvernement un calendrier clair pour l’expulsion des forces américaines et n’est pas disposée à se contenter de peu, comme de vagues assurances sur les dates de retrait.

La manière dont la Résistance réalise sa menace contre l’ambassade américaine n’est pas claire, mais il semble que l’Amérique ait déjà décidé de se retirer du pays. La seule question est de savoir quand et comment.

Les Etats-Unis sont bien conscients que leur présence militaire en Irak déplaît profondément aux citoyens irakiens. Cela était évident lorsque la Maison Blanche s’est abstenue d’ordonner des frappes contre la Résistance qui avait attaqué des bases américaines en Irak et en Syrie environ 200 fois depuis le début de la guerre génocidaire israélienne contre Gaza, c'est-à-dire depuis le 7 octobre 2023.

Mais après les récentes frappes meurtrières américaines à la frontière irako-syrienne, suivies de l'assassinat du commandant militaire irakien Abou Baqer al-Saadi dans Bagdad, tout indique que rien ne reviendra à la normale pour l'armée d’occupation américaine, même si la guerre israélo-américaine contre Gaza prend fin.

Al-Saadi était un commandant très respecté au sein des Unités de mobilisation populaire  (Hachd al-Chaabi) dont les factions ont été intégrées aux forces armées nationales.

Le chef d'état-major des Hachd al-Chaabi, Abou Fadek, a affirmé que « venger la mort en martyr d'Abou Baqer al-Saadi revient à éliminer toutes les forces étrangères » ajoutant la Résistance « n'acceptera rien de moins que cela ».

Abou Fadek n’a pas donné de détails sur la manière dont les troupes d’occupation américaines seront supprimées ; disant seulement que les Hachd al-Chaabi se coordonneront avec « toutes les parties irakiennes concernées », avec y compris le gouvernement de Bagdad.

Les unités de mobilisation populaire irakiennes, créées en 2014, ont besoin du feu vert du gouvernement irakien pour mener des opérations militaires contre l’armée d’occupation américaine.

La Résistance irakienne a été créée fin 2003 pour faire front à l’invasion américaine. Beaucoup de ses factions ont ensuite rejoint les Hachd al-Chaabi dans sa lutte contre Daech et, à leur tour, se sont impliquées dans le système politique du pays.

La Résistance a également averti que les États-Unis cherchaient à ramener le terrorisme de Daech en Irak si leurs troupes quittaient le pays une seconde fois, et cette affirmation ne semble pas tirée par les cheveux.

Ce n’est pas une coïncidence si, lorsque la Résistance irakienne a chassé l’occupation américaine fin 2011, le Printemps arabe s’est transformé en un automne terroriste qui a vu la création de Daech américain (comme l’ont reconnu des autorités américaines elles-mêmes) et a permis à l’armée américaine de revenir en Irak par la porte dérobée.

La Résistance a mené des opérations de drones et de missiles sur les bases américaines en Irak et en Syrie sans la coordination du gouvernement et en solidarité avec Gaza et afin de mettre fin au partenariat des Américains avec Israël. ​​

Cela ne rend pas ses mesures militaires illégitimes dans la mesure où le pays a l’autorité légale de résister à une entité occupante. La Résistance coopère avec les responsables gouvernementaux dans le domaine de la sécurité. Au fond, le gouvernement sait qu'il ne siégerait pas à Bagdad aujourd'hui sans les sacrifices de la Résistance.

Dans le cadre de nombreuses batailles contre le terrorisme, la Résistance a livré de nombreux terroristes aux autorités gouvernementales compétentes pour qu'ils soient jugés. Une grande partie des terroristes incarcérés aujourd’hui dans les prisons irakiennes ont été capturés par la Résistance ; le pays doit donc sa sécurité à la Résistance.

Elle a également agi de manière indépendante lors de ses opérations contre l’armée d’occupation américaine, qui ont surgi sous la bannière de la Résistance islamique en Irak, à la suite de la guerre génocidaire israélienne contre Gaza.

Néanmoins, les récents bombardements tuant des Américains en Irak ont ​​violé toutes les règles d’engagement et tous les accords avec Bagdad et la soi-disant coalition militaire, dirigée par les États-Unis, pourrait envisager l'entrée potentielle des Hachd al-Chaabi dans la lutte contre l'armée américaine, si celle-ci ne quitte pas le sol irakien après les négociations en cours entre les responsables irakiens et américains.

Il ne serait pas surprenant de voir une suspension des attaques de la Résistance contre les bases américaines à l'approche du retrait américain du pays.

C’est ce qui s’est produit en 2011 lorsque Washington a demandé à des tiers de plaider auprès de la Résistance pour une pause de deux mois dans les attaques contre les forces américaines afin que le président Barack Obama puisse donner l’impression que les troupes américaines ne partiront pas sous le feu des tirs.

Les deux principales factions de la Résistance irakienne aujourd'hui, Kataib Seyyed al-Shohada (KSS) et Harakat al-Nujaba, opèrent - comme toutes les autres forces de la Résistance irakienne - indépendamment de toute partie tierce, contrairement aux affirmations américaines selon lesquelles ces factions reçoivent le soutien ou les ordres de Iran.​

Le secrétaire général du KSS, Abou Alaa al-Walai, a combattu l'ancien régime baasiste irakien de Saddam Hussein et plus récemment les terroristes de Daech et la deuxième occupation américaine.

Le haut responsable de la Résistance irakienne a été emprisonné pendant dix ans par le régime de Saddam, soutenu par l'Occident, et pendant trois ans sous l'occupation américaine.

«Nous sommes reconnaissants du soutien de l'Iran à la Résistance dans le passé, en particulier contre les terroristes de Daech. Aujourd'hui, nous avons nos propres opinions et prenons nos propres décisions. Ces questions répétées selon lesquelles « nous combattons au nom de l'Iran » ou « prenons les ordres de l'Iran » sont devenues irritantes », a-t-il déclaré.

L’Iran a souligné à plusieurs reprises que ces mouvements de résistance dans la région agissent de leur propre chef.

La réalité est que la Résistance irakienne a acquis une expérience significative sur le champ de bataille et le mérite en revient en grande partie à feu Haj Radwan (Imad Mughniyah), un haut commandant du Hezbollah libanais qui a été assassiné lors d'une opération conjointe israélo-américaine en février 2008.

L’expérience de la Résistance de type guérilla libanaise qui a mis fin à l’occupation du Liban par l’armée israélienne en 2000 est comparable avec la Résistance irakienne dans ses opérations contre la première occupation du pays par l’armée américaine de 2003 à 2011.

De plus, lors de toutes les frappes aériennes américaines contre les dépôts d’armes de la Résistance, aucune arme iranienne, comme les missiles à courte portée qui ont récemment touché des bases américaines, n’a été trouvée dans les cachettes.

L’ironie est que Washington lui-même en est pleinement conscient, mais a déclaré à plusieurs reprises que la Résistance irakienne était « soutenue par l’Iran » – répétant cette rhétorique creuse à plusieurs reprises depuis le 7 octobre.

Les Américains affirment que leur présence en Irak a marqué une transition d'une mission de combat vers un rôle « consultatif ». Mais il n’y a aucun signe de « consultation » à bombarder le pays des dizaines de fois et à tuer ses soldats.

Cela a été démontré par la mission de combat meurtrière menée par les États-Unis dans le pays.

Comme l'a déclaré le secrétaire général du Harakat al-Nujaba, Cheikh Akram al-Kaabi, « la fin des opérations de résistance dépend de Gaza et du retrait américain d'Irak ».

L’une des pierres d’achoppement au retrait américain d’Irak réside dans le fait que certains partis sunnites et kurdes soutenus par Israël ont montré peu de désir de mettre fin à l’occupation.

Cela était évident lors de la session parlementaire qui s'est tenue pour discuter de l'occupation à la suite de l'assassinat d'al-Saaadi par les États-Unis.

Les membres sunnites et kurdes n'étaient notamment pas présents à la session, qui a adopté un projet de loi permettant aux commissions parlementaires de défense et de sécurité d'examiner les violations commises par les occupants américains.

Il semble que certains partis kurdes se rendent complices de la déstabilisation de leur propre pays en invitant le Mossad israélien à opérer depuis les régions du nord qu'ils contrôlent.

Mais de nombreuses factions de la société irakienne, y compris la population de toutes confessions et de tous horizons, la majorité de son parlement, de sa présidence et de son gouvernement, ont publiquement exprimé leur rejet de l'occupation américaine et appellent au retrait rapide de son armée.

Les réunions gouvernementales avec les États-Unis permettront d’accomplir cette tâche. L’Amérique sait très bien que sa présence en Irak est terminée à moins qu’elle ne cherche une escalade majeure.

Alors que l’Irak approche du 21e anniversaire de l’invasion américaine qui a laissé une empreinte durable sur son infrastructure de sécurité, le chemin vers l’autosuffisance a été un défi pour le pays, avec des obstacles persistants entravant sa capacité à voler de ses propres ailes.

Derrière tous ces revers qu’a subis l’Irak se cachent les États-Unis

Les défis auxquels le pays est confronté sont multiples. L’occupation meurtrière américaine de 2003 à 2011 était étroitement liée à Al-Qaïda en Irak, qui a vu des attaques terroristes tuer des dizaines, voire des centaines de civils presque quotidiennement.

Pas un seul marché de Bagdad n’a été épargné. À un moment donné, 24 attentats terroristes ont eu lieu en une journée.

Cela a été suivi par le terrorisme brutal de Daech qui a marqué un autre chapitre sombre de l’histoire du pays, puis est arrivée la deuxième vague d’une occupation américaine très sinistre et perturbatrice en 2014.

Tout cela prouve que les gouvernements successifs ont été incapables d'assurer la stabilité. L'accord du gouvernement de Heydar al-Abadi pour permettre aux Américains de revenir en 2014 a été fortement contesté par la Résistance et le gouvernement d'al-Soudani.

L’Irak se trouve à la croisée des chemins, aux prises avec l’héritage du passé tout en luttant pour un avenir plus sûr et plus stable. Le chemin à parcourir est sans aucun doute difficile, mais la force de la Résistance reste une lueur d’espoir qui balise le terrain pour la prospérité du pays.

Le gouvernement en place a déclaré que les Hachd al-Chaabi et les autres forces armées irakiennes sont capables de garantir la souveraineté et l'intégrité territoriale du pays, et reconnaît qu’une occupation américaine déstabilisatrice, qui viole quotidiennement le ciel irakien, y fait obstacle.

L’Irak a besoin de la Résistance jusqu’à ce qu’il soit capable d’assurer la sécurité de son peuple et la souveraineté du pays. Bagdad doit acheter des systèmes de défense anti-aérienne capables de protéger son ciel contre les intrusions aériennes. Elle a besoin d’une armée plus forte pour sécuriser ses frontières.

La Résistance irakienne fait un travail efficace à la frontière syrienne malgré les bombardements américains. Mais toutes les frontières doivent être protégées. Cela contribuera à assurer la sécurité du pays et de la région dans son ensemble.

Wesam Bahrani est un journaliste et commentateur irakien.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV