À peine nommé à Matignon, François Bayrou a déjà dû affronter sa première crise. L'agence de notation Moody's, qui mesure le risque de non-remboursement d'un emprunteur, a dégradé la note financière de la France, passant de «Aa2» à «Aa3».
« Nous prévoyons que les finances publiques de la France seront considérablement plus faibles au cours des trois prochaines années», explique Moody’s, soulignant « la fragmentation politique » du pays.
La sanction de l'agence de notation rejoint celle des deux autres grandes agences, Standard & Poor's (S&P) et Fitch. Elle intervient donc après la censure du gouvernement de Michel Barnier et du budget 2025, censé faire économiser 60 milliards d'euros à la France. Cette décision aggravera-t-elle la crise politique ?
Alors que Bercy ne semblait pas s’attendre à une nouvelle dégradation aussi rapide, le ministre des finances démissionnaire, Antoine Armand, a dit, dans un message sur X, « prendre acte » de la nouvelle note annoncée par Moody’s. Selon lui, « l’agence a mis en avant les récents développements parlementaires et l’incertitude actuelle qui en découle sur l’amélioration de nos finances publiques ».
Alors que le gouvernement Barnier misait sur un déficit public de 6,1 % du PIB cette année, et avait construit ses textes budgétaires sur la base d’un déficit public de 5 % en 2025, pour revenir sous la limite des 3 % tolérée par Bruxelles en 2029, Moody’s n’y croit pas. L’agence de notation anticipe un déficit public stagnant à 6,3 % du PIB en 2025, et toujours à 5,2 % en 2027. Ainsi, au lieu de se réduire, la dette publique passerait de 113,3 % du PIB en 2024 à environ 120 % en 2027.
« Si la capacité d’endettement est depuis longtemps un atout relatif de la France en matière de crédit, cet atout s’érode par rapport à ses pairs bénéficiant d’une note similaire », observe Moody’s.
Michel Barnier et François Bayrou ont en effet montré une forte attention à ces questions lors de leur passation de pouvoir, vendredi après-midi. Le désormais ancien chef du gouvernement a voulu transmettre un message solennel : « On aurait tort d’oublier le déficit et la dette (…) faute de quoi ils se rappelleront brutalement à nous tous ».
« Nul plus que moi ne connaît la difficulté de la situation », lui a répondu M. Bayrou, rappelant avoir « pris des risques inconsidérés dans [sa] vie politique pour poser la question de la dette et des déficits », faisant référence à des élections, y compris présidentielles, auxquelles il se présentait. « Et tout le monde disait : “Il est complètement fou, on ne fait pas une campagne sur la dette” », a-t-il rappelé.
Jugeant qu’il s’agit d’un problème à la fois financier mais aussi « moral », avec le poids que la dette fait peser sur les enfants, le nouveau Premier ministre a promis que, devant cette situation « héritée de décennies entières », il aurait pour « ligne de conduite » de « ne rien cacher, de ne rien négliger et de ne rien laisser de côté ».