TV

Comment les forces israéliennes assassinent des Palestiniens à Gaza « par ennui»...

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Maryam Qarehgozlou

Les témoignages de plusieurs soldats israéliens confirment qu’ils ont opéré en toute impunité au milieu de la guerre génocidaire contre les Palestiniens dans la bande de Gaza, notamment en tirant à volonté, en incendiant des maisons et en abandonnant des cadavres dans les espaces publics, le tout, avec l’approbation de leurs commandants.

Des témoignages poignants, pour la plupart donnés de manière anonyme aux médias israéliens, montrent comment la violence arbitraire et « gratuite » a augmenté le bilan des pertes civiles et matérielles à Gaza, où plus de 38 400 personnes, pour la plupart des femmes et enfants, sont mortes depuis le 7 octobre.

Six soldats israéliens qui ont parlé à +972 Magazine et à Local Call après que leur service actif a pris fin ces derniers mois à Gaza – ont déclaré que les soldats étaient autorisés à exécuter systématiquement « à volonté » des civils palestiniens simplement parce qu’ils entrent dans une zone définie par l’armée comme une « zone interdite ».

Les soldats ont également déclaré qu’en l’absence de réglementation sur le tir, ils tiraient parfois simplement « pour soulager l’ennui », ce qu’ils qualifient de « tirs normaux ».

Selon eux, les corps des civils palestiniens morts sont éparpillés dans toute la bande de Gaza, le long des routes et sur les terrains vagues, et les chiens et les chats errants mangent les cadavres.

Les corps en décomposition, ont-ils révélé, ne sont enlevés par les bulldozers et les chars qu’avant l’arrivée des convois humanitaires, afin d’éviter que le monde ne voie « des images de cadavres à un stade avancé de décomposition ».

Ils ont également déclaré au magazine en ligne +972 qu’après avoir occupé des maisons abandonnées à Gaza, ils devaient les incendier sur ordre direct de leurs commandants supérieurs.

Leurs récits correspondent à des vidéos inquiétantes partagées sur les réseaux sociaux soit par les soldats israéliens eux-mêmes, soit par les réseaux d’information. Les témoignages corroborent également ceux donnés tout au long de la guerre par des témoins oculaires palestiniens, du personnel médical et des captifs palestiniens libérés.

« Il est permis de tirer sur tout le monde »

B., un soldat anonyme qui a servi dans les forces régulières à Gaza pendant des mois, y compris dans le centre de commandement de son bataillon, a déclaré à +972 Magazine et Local Call que les soldats étaient « totalement libres » d’agir.

« S’il y a [ne serait-ce qu’] un sentiment de menace, il n’est pas nécessaire d’expliquer - il suffit de tirer », a-t-il déclaré.

« Lorsque les soldats voient quelqu’un s’approcher, ils sont autorisés à tirer directement sur lui, pas en l’air », ajoute B. « Ils sont permis de tirer sur tout le monde, une jeune fille, une vieille femme. »

B. a en outre déclaré que « tout homme âgé de 16 à 50 ans » pouvait être une cible, affirmant qu’« il était difficile de distinguer les civils des combattants palestiniens à Gaza ».

« Toute personne se trouvant à l’extérieur est suspecte », a affirmé B., confirmant ce qui a été dit à plusieurs reprises par les organisations de défense des droits de l’homme. « Si nous voyons quelqu’un à une fenêtre qui nous regarde, c’est un suspect. Nous tirons. »

A., un officier qui a servi dans la gestion des opérations militaires, a déclaré que cette ambiguïté sur l’identité des victimes signifiait qu’on ne pouvait pas se fier aux rapports militaires sur le nombre de membres tués du Hamas.

« Le sentiment dans la salle de guerre, et c’est une version adoucie, était que chaque personne que nous tuions, nous la considérions comme un terroriste », a-t-il témoigné.

Depuis le 7 octobre de l’année dernière, Israël ignore les pertes civiles palestiniennes, les responsables et les hommes politiques israéliens déclarant ouvertement qu’il n’y a « aucun innocent » parmi les 2,3 millions d’habitants de Gaza.

Le ministre israélien, Itamar Ben Gvir, a exhorté en janvier les agents de la police des frontières à tirer sur tout « terroriste » qu’ils croisent, même s’ils ne représentent pas une menace.

« Vous avez tout mon soutien. Lorsque votre vie est en danger ou que vous voyez un terroriste - même s’il ne vous menace pas - tirez sur lui. Je vous soutiens », dit-il à l’époque.

Une étude récente réalisée par la revue Lancet estime que le nombre final des victimes de la guerre génocidaire à Gaza pourrait atteindre environ 186 000 personnes, bien plus que ce qui est rapporté.

Tirer « sans raison »

Certains soldats ont également déclaré que comme il n’y avait « aucune restriction » sur les munitions, ils avaient l’habitude de tirer « pour rompre leur routine ou vaincre leur ennui ».

S., un réserviste servant dans le nord de Gaza, a rappelé que ses camarades « tiraient beaucoup, même sans raison – « Quiconque veut tirer, quelle qu’en soit la raison, tirera».

Dans certains cas, a-t-il expliqué, cela « visait à… éloigner les gens [de leurs cachettes] ou à démontrer leur présence ».

« J’ai personnellement tiré quelques balles sans raison, dans la mer, sur le trottoir ou dans un bâtiment abandonné. Ils le signalent comme un « tir normal », qui est un nom de code pour dire « Je m’ennuie alors je tire », a déclaré le soldat S.

C., un autre soldat qui a servi à Gaza, a expliqué que lorsque les soldats entendaient des coups de feu, ils téléphonaient par radio pour préciser s’il y avait une autre unité militaire israélienne dans la zone et, dans le cas contraire, ils ouvraient le feu.

« Les gens tiraient à leur guise, de toutes leurs forces »

Cependant, les tirs sans restriction, comme C. l’a souligné, pourraient conduire à des « tirs amis » puisque jusqu’à présent, sur 324 soldats israéliens que l’armée prétend avoir été tués à Gaza, 28 ont été tués par des « tirs amis ».

Israël « profondément indifférent » au sort des captifs

Yuval Green, un réserviste de 26 ans originaire de [Qods occupée] qui a servi dans la 55e brigade de parachutistes en novembre et décembre de l’année dernière, et le seul soldat désireux d’être identifié par son nom, a déclaré à +972 Magazine et à Local Call que les règles d’engagement laxistes d’Israël montrent également la « profonde indifférence » d’Israël à l’égard du sort de ses captifs détenus à Gaza.

Green, qui fait partie des 41 réservistes signant une lettre déclarant son refus de continuer à servir à Gaza, suite à l’invasion de la ville de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, a déclaré : « Lorsque l’armée israélienne a annoncé qu’elle faisait sauter des tunnels à Gaza, il savait que s’il y avait des captifs à Gaza, eux, ils seraient également tués ».

« J’ai entendu des déclarations [d’autres soldats] selon lesquelles les [captifs] sont morts, ils n’ont aucune chance, ils doivent être abandonnés », a noté Green.

« [Cela] m’a le plus dérangé… qu’ils ne cessaient de dire : « Nous sommes là pour sauver les [captifs] », mais il est clair que la guerre nuit aux [captifs]. C’était alors ma pensée ; aujourd’hui, cela s’est avéré vrai.

Après que des soldats israéliens à Chujaiyeh ont tué trois captifs brandissant des drapeaux blancs en décembre, ils pensaient qu’ils étaient des Palestiniens, Green s’est dit en colère, mais on lui a dit « nous ne pouvons rien faire ».

D’autres soldats israéliens ont également déclaré qu’après les événements de Chujaiyeh, les règles militaires israéliennes en matière de tir ouvert n’avaient pas changé.

Le témoignage de Green est cohérent avec un récent rapport du quotidien israélien Haaretz qui a confirmé que la « procédure Hannibal » a été utilisée depuis le 7 octobre lorsque le mouvement de résistance du Hamas a mené l’opération Tempête d’Al-Aqsa dans les territoires palestiniens occupés.

La procédure Hannibal, également connue sous le nom de « Directive Hannibal », est un protocole militaire israélien conçu pour empêcher l’enlèvement de soldats par les combattants [de la Résistance].

Il donne la priorité à la prévention des enlèvements plutôt qu’à la sécurité des captifs et autorise des mesures agressives pour arrêter les ravisseurs, même si cela met en danger la vie des soldats captifs.

Selon le journal israélien Haaretz, le 7 octobre, l’armée israélienne a reçu l’ordre d’empêcher tout véhicule transportant potentiellement des prisonniers de rentrer dans Gaza.

Des témoignages et des documents révèlent que cette directive a été largement mise en œuvre dans plusieurs endroits des territoires occupés, conduisant à des tirs israéliens, mettant en danger des vies militaires et civiles : au kibboutz Beeri, 13 des 14 captifs d’une maison ont été tués.

Des réglementations laxistes

Les récits des soldats israéliens sur les lignes de front à Gaza confirment ce que disent les observateurs à propos des commandants du régime sioniste : « Ils font ce qu’ils veulent ».

L’armée israélienne prétend être l’une des « armées les plus disciplinées et morales au monde » – mais elle continue de tuer des innocents, ce que les groupes de défense des droits de l’homme estiment être dû à des règles d’engagement mal définies et à la propagation d’une culture de l’impunité parmi les commandants israéliens.

A., a témoigné que la salle des opérations de sa brigade – qui coordonne les combats depuis l’extérieur de Gaza, approuve les cibles et empêche les tirs amis – n’a pas reçu d’ordres clairs de tir ouvert à transmettre aux soldats sur le terrain.

« A partir du moment où vous entrez, à aucun moment il n’y a de briefing », a-t-il précisé. « Nous n’avons pas reçu d’instructions d’en haut pour les transmettre aux soldats et aux commandants de bataillon », a déclaré ce soldat anonyme.

A., a poursuivi : « L’esprit dans la salle des opérations était : « Tirez d’abord, posez des questions plus tard ». C’était le consensus…Personne ne versera une larme si nous rasons une maison alors que ce n’était pas nécessaire, ou si nous tirons sur quelqu’un que nous n’étions pas obligés de le faire ».

M., un autre réserviste ayant servi dans la bande de Gaza, a également expliqué qu’en l’absence d’ordres d’en haut, les militaires sur le terrain se font régulièrement justice eux-mêmes.

« Odeur de mort »

En raison de la politique de tir permissive de l’armée israélienne, les unités sont autorisées à tuer des civils palestiniens même lorsqu’ils sont identifiés comme tels au préalable, selon les témoignages de plusieurs soldats.

« J’ai vu beaucoup de civils [palestiniens] – des familles, des femmes, des enfants », a déclaré S.,.

« Il y a plus de morts que prévu. Nous étions dans une petite zone. Chaque jour, au moins un ou deux [civils] sont tués [parce qu’] ils marchaient dans une zone interdite. Je ne sais pas qui est terroriste et qui ne l’est pas, mais la plupart d’entre eux ne portaient pas d’armes. »

«Toute la zone était pleine de cadavres», s’empressa d’ajouter le réserviste inconnu. « Ainsi, vous voyez parfois des chiens se promener avec des parties du corps humain en décomposition. Il y a une horrible odeur de mort.

« Mais, note S., avant l’arrivée des convois humanitaires, les corps sont évacués ».

« Un D-9 [bulldozer Caterpillar] descend, avec un char, et nettoie la zone des cadavres, les enterre sous les décombres et les retourne pour que les convois ne les voient pas », a-t-il déclaré.

Le mois dernier, Guy Zaken, un soldat qui utilisait des bulldozers D-9 à Gaza, a déclaré devant une commission de la Knesset que lui et son équipe « avaient écrasé des centaines de terroristes, morts et vivants ».

Zaken a déclaré que son ami, Eliran Mizrahi, 21 ans, s’était suicidé à cause du traumatisme de la guerre une semaine avant son témoignage. ‘Il s’est tiré une balle dans la tête, pas une, mais deux fois. »

Des maisons palestiniennes incendiées

« Avant de partir, vous brûlez la maison – chaque maison », a ajouté B.,.

« Cela est soutenu par un commandant de bataillon. C’est pour que [les Palestiniens] ne puissent pas revenir».

Selon B., ils « ont incendié des centaines de maisons ».

Haaretz a révélé en janvier que les commandants militaires israéliens avaient ordonné aux soldats de mettre le feu aux maisons abandonnées de Gaza sans autorisation légale.

Green, dont la désillusion face à cette politique fait partie de ce qui l’a finalement conduit à refuser de poursuivre son service militaire, affirme que les dévastations issues de la guerre à Gaza sont « inimaginables ».

Partager Cet Article
SOURCE: FRENCH PRESS TV