Par Xavier Villar
L'une des doctrines clés qui ont guidé la politique étrangère du gouvernement du président Ebrahim Raïssi était le « bon voisinage »; l'établissement de liens plus étroits avec les pays de la région.
Cette doctrine doit être comprise avec deux autres positions de politique étrangère de son administration : le soutien à la Palestine et à l'Axe de la Résistance, qui était pour lui une priorité fondamentale, et la politique du « Regard vers l'Est », une stratégie qui visait à favoriser la promotion politique, des liens économiques et stratégiques avec les pays de l’hémisphère oriental, en particulier en Asie, tout en réduisant la dépendance à l’égard de l’Occident.
Du point de vue des défis et des menaces, le voisinage de l'Iran, composé de 25 pays, est considéré comme l'une des régions les plus conflictuelles au monde.
Par exemple, après la dissolution de l’Union soviétique en 1991, de nombreux changements de frontières ont eu lieu dans cette région, suscitant souvent des tensions entre ces nouveaux pays, comme l’Azerbaïdjan et l’Arménie.
De la même manière, le « Printemps arabe », qui a eu lieu entre 2010 et 2011, a également eu un impact sur l’environnement voisin de l’Iran. En outre, le groupe terroriste Daech a également émergé et s’est développé dans cette région.
Si l’on considère également les guerres civiles, les coups d’État et les conflits intergouvernementaux concernant les ressources et les frontières, on comprend pourquoi cette région est l’une des plus instables au monde.
En raison de cette situation régionale précaire, le gouvernement du président Raïssi a décidé de fonder sa politique étrangère sur la doctrine du « bon voisinage et de la convergence », ce qui a donné des résultats.
Le but de cette doctrine était de capitaliser sur les opportunités et de gérer les défis de l'environnement voisin, ainsi que de réorienter de manière appropriée la politique étrangère du pays.
La notion de voisinage peut avant tout être comprise comme la proximité entre des personnes vivant à proximité les unes des autres.
Dans une définition plus précise liée aux relations internationales, les pays voisins présentent deux caractéristiques bien définies : premièrement, ils sont situés dans un espace géographique spécifique, physiquement proche et contigu ; et deuxièmement, les changements et les politiques de l’un peuvent influencer l’autre et vice versa.
Selon la définition ci-dessus, la proximité ou contiguïté géographique est la caractéristique première et fondamentale qui définit la notion de voisinage.
Sur cette base, dans les relations internationales et le droit international, l'accent est mis sur le principe de « bon voisinage » pour réguler les relations entre pays voisins.
Ce principe est fondamental et mondialement accepté, et il est considéré comme un élément essentiel des relations pacifiques entre les États-nations.
Le principe de bon voisinage impose de s'abstenir de toute action susceptible de perturber les relations entre deux pays voisins.
En d’autres termes, cela implique le développement de relations normales et pacifiques entre nations adjacentes, ce que le gouvernement iranien considère comme essentiel.
Cependant, en politique étrangère et en relations internationales, le concept de « voisinage » est bien plus important que le simple fait d'être « voisins ».
Alors qu’être voisins est simplement une question géographique impliquant des questions de frontières, le voisinage marque le début d’une relation politique basée sur la confiance et le respect mutuel.
C'est pour cette raison que le gouvernement du président Raïssi a officiellement placé la politique de « voisinage et de convergence régionale » au cœur de sa politique étrangère pragmatique.
« Je tends la main en signe d'amitié et de fraternité à tous les pays de la région, en particulier à nos voisins, et je les embrasse chaleureusement », a déclaré le président Raïssi lors de sa cérémonie d'investiture, précisant explicitement quelle sera sa politique étrangère.
« La République islamique d'Iran considère les pays et les peuples voisins comme des parents, et sa principale priorité en politique étrangère est d'améliorer ses relations avec eux, souhaitant leur dignité et leur progrès. »
Lors de sa visite d'État au Qatar, et dans le cadre d'une réunion spécialisée avec des hommes d'affaires et des acteurs économiques qatariens et iraniens, il a souligné que la politique étrangère de l'Iran est « fondée sur le développement des relations de bon voisinage » et qu'il existe « de nombreuses capacités dans les pays voisins qui doivent être améliorées ».
La vision la plus importante et la plus complète du président Raïssi en matière de politique de voisinage a été présentée lors de son discours à la soixante-dix-huitième session de l'Assemblée générale des Nations Unies en 2023.
Dans ce discours, pour la première fois, Raïssi a mis l'accent sur le « voisinage » aux côtés de la « convergence », offrant une perspective plus claire sur la politique de voisinage et ses cadres :
« À l'heure où certaines puissances conduisent le monde vers davantage de guerres, la République islamique d'Iran a mis en avant la politique de « voisinage et de convergence », a-t-il affirmé lors de la conférence.
Selon lui, la politique de voisinage ne concerne pas seulement les relations avec les pays voisins, mais plutôt une politique régionale vaste, globale, axée sur les résultats et mutuellement bénéfique.
« La politique de voisinage est une politique bienveillante pour la région et, en ce sens, la coopération économique globale et le renforcement des liens infrastructurels sont au premier rang des priorités régionales », a-t-il déclaré.
Lors de ce discours à l'ONU, le président Raïssi a également souligné la nécessité d'une stratégie de sécurité régionale commune, basée sur la recherche de solutions intra-régionales et sans ingérence étrangère.
« En termes de sécurité, la politique de voisinage visait à assurer une sécurité durable grâce à la coopération intra-régionale et à empêcher les ingérences étrangères. Du Caucase au golfe Persique, toute présence étrangère n’était pas seulement une partie de la solution mais elle-même un problème. Nous considérions la sécurité de nos voisins comme la nôtre, et toute insécurité pour eux était une insécurité pour nous », a-t-il déclaré.
Pour sa part, le ministre des Affaires étrangères Hossein Amir-Abdollahian, qui a été à l'avant-garde de la mise en œuvre de la vision de politique étrangère du président Raïssi, a toujours souligné le développement global des relations avec les voisins comme l'un des axes fondamentaux de la doctrine de politique étrangère du gouvernement Raïssi.
L’une des principales priorités de la doctrine « voisinage et convergence » est le rétablissement de l’équilibre en politique étrangère. Cet objectif vise à préserver l'indépendance du pays et repose sur trois principes fondamentaux :
Tout d’abord, l’accent a été mis sur la notion d’équilibre. Du point de vue du gouvernement Raïssi, le système des relations extérieures ne pouvait pas être homogène. Du point de vue du treizième gouvernement, l’équilibre signifiait une interaction globale fondée sur la justice.
Dans ce contexte, tout pays plus conforme à la logique de la politique étrangère de la République islamique d'Iran et plus en phase avec ses intérêts avait une plus grande importance stratégique et avait donc plus de poids dans la politique étrangère du pays.
Le deuxième principe, l’équilibre entre les différents domaines de la politique étrangère, signifiait que l’accent n’était pas seulement mis sur le domaine militaro-sécuritaire mais englobait également les domaines économiques, culturels et technologiques.
Le troisième et dernier principe visait un équilibre entre la politique intérieure et la politique étrangère.
Du point de vue du gouvernement Raïssi, la politique étrangère doit servir à renforcer l’économie nationale. D’une part, il a poursuivi la politique intérieure et, d’autre part, il l’a renforcée.
Si la politique étrangère ne contribuait pas au renforcement de l’économie du pays et à la consolidation de sa position, elle était jugée incomplète et inefficace.
À cet égard, il est important de souligner que pour le gouvernement du président Raïssi, remplir le mandat du Leader de la Révolution islamique consistant à neutraliser les sanctions par tous les moyens nécessaires est devenu une priorité.
Son gouvernement considérait l'environnement voisin de l'Iran comme un vaste marché, avec de fortes affinités culturelles et sociales et, surtout, avec un accès direct aux voisins par des frontières contiguës et des contrôles de sanctions bien moindres par rapport aux frontières et corridors internationaux. Cela offrait le contexte le plus approprié pour la neutralisation des sanctions.
Un autre objectif clé de la politique de voisinage était l’intégration de l’Iran dans les corridors économiques. Cette intégration a transformé l'avantage géographique et géopolitique du pays en un atout géostratégique et géoéconomique.
Malgré la capacité géopolitique exceptionnelle de l'Iran à se connecter aux corridors économiques, le pays était pratiquement exclu de ce domaine, alors que les puissances mondiales se disputaient ces couloirs.
Les pays voisins tels que le Pakistan, la Turquie, l’Azerbaïdjan, l’Irak, le Qatar, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite ont été activement impliqués dans la conception et la mise en œuvre de ces corridors économiques.
Le gouvernement Raïssi s'est efforcé de remédier à l'exclusion et à la marginalisation de l'Iran de ces projets. Leur approche consistait non seulement à revitaliser et à développer les relations avec les voisins, mais jouait également un rôle central dans de tels projets, s'étendant d'est en ouest et du nord au sud, dans le cadre de la politique de voisinage.
Il est important de rappeler que l’une des politiques clés des États-Unis et de leurs alliés est de contrer l’Iran à travers l’idée de la sécurisation, créant ainsi une perception de menace régionale et mondiale.
La raison principale de cette politique est le comportement politiquement indépendant de la République islamique d’Iran à l’égard du système mondial, en opposition à l’hégémonie des États-Unis.
Ce projet de titrisation contre l’Iran était (et est) principalement destiné aux pays voisins de l’Iran. Ainsi, cette politique de voisinage a non seulement réussi à stopper le projet américain dans la région, mais a également positionné la République islamique comme l’un des principaux partisans de la stabilité dans la région.
Il devient donc clair que le gouvernement Raïssi a établi sa politique étrangère sur la base de la doctrine du voisinage et de la convergence, reconnaissant le fossé historique de la politique de voisinage de l'Iran et le manque d'attention portée à ses opportunités.
Dans ce cadre doctrinal, le développement des relations avec les voisins et la promotion de la convergence des intérêts régionaux sont devenus des éléments indispensables pour les futurs gouvernements.
Xavier Villar est docteur en études islamiques et chercheur basé en Espagne.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)