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Comment les États-Unis et leurs alliés financent le génocide à Gaza en supprimant le financement de l’UNRWA ?

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)

Par Maryam Qarehgozlou

Prise sous l'emprise impitoyable d'un blocus dévastateur, la mère de Jamal, cinq mois, berce son corps sans vie dans ses bras faibles, avec un poids angoissant sur son cœur.

Jamal Mahmoud Jamal Al-Kafarna, né en août 2023 à Beit Hanoun, ville du nord de la bande de Gaza, est mort de faim le 18 janvier.

Sa grand-mère, Samah Youssef Al-Kafarna, a déclaré à l'équipe Euro-Med des droits de l'homme qu'ils vivaient dans une tente dans une cour d'école de Jabalia, au nord de la ville de Gaza, au début de l'attaque militaire israélienne début octobre.

Cependant, ils ont été contraints de fuir leur abri alors que les bombes continuaient de pleuvoir et qu'ils étaient confrontés à une pénurie croissante de fournitures humanitaires.

Alors que les conditions se détérioraient rapidement, la mère de Jamal était gravement déshydratée en raison d’une grave pénurie de nourriture et d’eau causée par le siège paralysant du territoire, et elle luttait pour produire du lait pour son bébé affamé.

« Elle a dû boire de l'eau salée pour pouvoir allaiter, mais peu à peu elle a perdu son lait et le bébé est devenu flasque et déshydraté. Le blocus signifiait également qu’il n’y avait pas non plus de lait maternisé pour nourrir le bébé », a raconté la grand-mère de Jamal.

Les prestataires de soins conseillent aux mères qui allaitent de boire au moins trois litres d'eau par jour pour compenser l'eau supplémentaire utilisée pour produire du lait et de bien manger pour produire suffisamment de lait, mais trouver de l’eau potable et de la nourriture à Gaza devient de jour en jour plus difficile.

Une mère assiégée à Gaza a partagé sa lutte désespérée avec l'UNFPA, l'agence directrice des Nations unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive : « J'allaite mon bébé de 9 mois et je fais face à beaucoup de difficultés, même le bébé n'allaite pas comme d'habitude parce qu'il sent que quelque chose ne va pas ».

Selon Euro-Med Monitor, Baraa Al-Haddad, âgé d'un an et demi et résidant dans la ville de Gaza, est également mort de faim le 30 décembre 2023.

Jana Deeb Qudeih, une fille atteinte de paralysie cérébrale, est également décédée de malnutrition et d'un manque d'oxygène, nécessaire à son état, le 8 décembre 2023, à l'école Taiba, dans la ville d'Abasan Al Kabira, au sud de la bande de Gaza, à l'est de Khan Younès, a rapporté Euro-Med Monitor.

Jeunes et vieux meurent de faim

Les témoignages fournis au groupe de défense des droits de l’homme ont également révélé qu'un certain nombre de personnes âgées de la bande de Gaza sont également mortes de faim et de déshydratation, notamment Samira Abu Berber, 59 ans, Essam al-Najjar, 63 ans, et Joda Zidane Shaker Al-Agha, 81 ans. ​

Les enfants, les femmes enceintes, les personnes souffrant de maladies aiguës ou chroniques et les personnes âgées sont les plus vulnérables face au siège de Gaza où aucun endroit n'est à l'abri des bombardements incessants israéliens et les soins médicaux se font de plus en plus rares. 

Les agences des Nations unies avertissent que la famine s'étend à Gaza alors que les maladies se propagent à un rythme alarmant.

Le Programme alimentaire mondial (PAM) estime que 93% de la population de Gaza est confrontée à des niveaux de faim critiques.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) prédit que le nombre de morts dues à la famine et à la maladie dans les mois à venir pourrait dépasser le nombre de personnes tuées jusqu’à présent dans les bombardements israéliens.

Les chefs des organisations humanitaires ont souligné à plusieurs reprises que la fermeture des voies d'entrée à Gaza, qui limite le nombre de camions chargés d'aide et qui les empêchent d’accéder aux territoires assiégés ainsi que les restrictions prévues, qui affectent les activités des agents des agences humanitaires, ont tous aggravé la situation humanitaire à Gaza.​ ​

« Sous la pression internationale, Israël a rouvert le passage terrestre de Rafah ; cependant, le passage n’est ouvert en moyenne qu’à 100 camions par jour transportant des fournitures humanitaires en provenance d’Égypte. Ce nombre est bien loin du chargement moyen de 500 camions entrés dans la bande de Gaza avant le 7 octobre pour répondre aux besoins humanitaires », a déclaré EuroMed Droits dans un communiqué de presse la semaine dernière.

Pas de financement pour l’agence humanitaire de l’ONU

Pire encore, Israël a annoncé samedi qu'il empêcherait l'UNRWA, l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens qui fournit une aide humanitaire et une protection aux Palestiniens, d'opérer dans la bande de Gaza.

Le ministre des Affaires étrangères du régime israélien, Israel Katz, a déclaré sur X (anciennement Twitter) que l'objectif du ministère était de « s'assurer que l'UNRWA ne fasse pas partie du lendemain ».

Il affirme que l'UNRWA « fait obstacle à la paix » et que cet office sert de « bras civil du Hamas » à Gaza.

Cette décision a été prise après que l'UNRWA a licencié vendredi près d'une douzaine de membres de son personnel après qu'Israël a prétendu qu'ils étaient impliqués dans l'opération Tempête d'Al-Aqsa le 7 octobre.

Sur la base de la même allégation, les États-Unis, l’allié de tous les temps d’Israël, se sont empressés d'annoncer le même jour qu'ils suspendaient temporairement leur aide financière à l'organisation.

Vendredi, plus d'une douzaine d'autres pays, dont les principaux donateurs de l'UNRWA, l'Allemagne, la Suède, le Japon, la France, la Suisse, le Canada, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, ont pris position et ont suspendu leur financement à l'agence humanitaire.

Les plus grands donateurs de l'UNRWA en 2023 étaient les États-Unis et les pays de l'Union européenne qui représentaient environ 865 millions de dollars, soit environ 75 % du budget de 1,16 milliard de dollars de l'agence, selon l’ONG « UN Watch ».

Même si certains pays comme la Belgique, l'Irlande, le Danemark, l'Écosse, la Norvège et l'Espagne ont annoncé qu'ils poursuivraient leur financement à l'UNRWA, l'agence affirme qu'elle sera contrainte d'arrêter ses opérations d'ici quelques semaines.

Que fait l’UNRWA ?

Créé en 1949, l'UNRWA répond aux besoins civiques et humanitaires de près de 6 millions de Palestiniens dans la bande de Gaza, en Cisjordanie et dans les vastes camps palestiniens dans les territoires des pays arabes voisins.

Rien qu’à Gaza, l’agence des Nations unies compte 13 000 employés. Elle gère les écoles, les cliniques de soins de santé primaires et d’autres services sociaux de la bande de Gaza, et organise la distribution de l’aide humanitaire.

L’UNRWA est la principale agence supervisant la distribution de l’aide aux Gazaouis dans un contexte de crise humanitaire désastreuse dans le territoire, qui s’est détériorée au cours de près de quatre mois de guerre génocidaire menée par Israël dans la bande de Gaza.

Actuellement, l’ensemble de la population de Gaza, soit 2,3 millions d’habitants, dépend de l’UNRWA pour ses besoins de base, notamment la nourriture, l’eau et les produits d’hygiène.

Près de la moitié de la population de Gaza a cherché refuge dans les écoles, cliniques et autres bâtiments publics de l’UNRWA pour échapper aux bombardements aveugles d’Israël.

Jusqu'à présent, plus de 150 membres du personnel de l'UNRWA ont été tués depuis le début de la guerre, il s’agit ainsi du conflit le plus meurtrier jamais vu par le personnel de l'ONU dans les territoires palestiniens.

Vive réaction à travers le monde

Les responsables palestiniens ont critiqué l'action des pays donateurs visant à réduire le budget de l'UNRWA et ont exigé l'annulation immédiate de la décision.

Le secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), Hossein al-Cheikh, déclare à cet égard que « la décision de ces pays entraîne de grands risques politiques et humanitaires en matière d'aide ».

Le mouvement de la résistance islamique de la Palestine, Hamas, basé à Gaza a également dénoncé les « menaces » israéliennes contre l’UNRWA, exhortant l’ONU et d’autres organisations internationales à ne pas « céder aux menaces et au chantage ».

Dans une déclaration dimanche, le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres a exhorté les pays donateurs à reconsidérer leurs décisions afin d'assurer la poursuite des opérations humanitaires vitales de l'agence des Nations unies dans le contexte de la guerre de Gaza, imposée par Israël.

Philippe Lazzarini, le directeur de l'agence, « choqué » par cette décision, a déclaré que refuser l'aide à l'agence humanitaire, une « bouée de sauvetage » dont dépendent deux millions de personnes, est une « punition collective ».

Le rapporteur spécial de l’ONU sur le droit à l’alimentation a également averti dimanche dans un article sur X que la famine dans la bande de Gaza était « imminente » et qu’après la pause du financement de l’UNRWA, elle était « inévitable ».

Cette décision a également suscité des réactions négatives de la part des militants sociaux et politiques pro-palestiniens.

Ils ont critiqué sur les réseaux sociaux la décision des pays occidentaux de suspendre le financement de l'UNRWA, malgré un récent arrêt de la Cour internationale de justice (CIJ) contre Israël qui a qualifié « plausiblement génocidaires » ses exactions à Gaza.

Heidi Matthews, professeure adjointe de droit à l'Osgoode Hall Law School, a déclaré : « Les pays qui ont suspendu le financement de l'UNRWA sont « complices » du génocide ».

« Tous les pays qui ont réduit le financement de l’UNRWA sont complices de la détérioration de la situation humanitaire des Palestiniens à Gaza, que la CIJ a jugée au moins plausiblement génocidaire », a-t-elle écrit dimanche dans un message sur X.

Le poète palestino-américain Remi Kanazi a fait écho aux propos de Matthews, soulignant : « Les pays qui ont interrompu le financement de l’UNRWA sont non seulement « complices » du génocide israélien, mais aussi ils y donnent un coup d’accélérateur ».

« Soyons clairs, les pays qui réduisent aujourd’hui le financement de l’UNRWA sont complices du génocide. En même temps, ils souhaitent que le génocide se produise plus rapidement. Ils veulent que les habitants de Gaza meurent de faim. Ils veulent qu'ils meurent de maladie. Ils veulent qu'ils périssent dans la mer », déclare-t-il.

L'ancien responsable de l'ONU, Craig Mokhiber, a également déclaré qu'il n'y avait aucune restriction au « racisme » des pays qui suspendent le financement de l'UNRWA. ​

« Les États-Unis et d’autres États occidentaux sont désormais unis pour frapper les civils palestiniens alors qu’ils subissent un génocide brutal, en raison de suppression du financement de leur filet de sécurité humanitaire (UNRWA). Le racisme violent de ces pays n’a pas de limites », a déclaré l’avocat des droits de l’homme.

Hanan Ashrawi, un dirigeant palestinien chevronné, a critiqué les États-Unis et d'autres pays qui y ont emboîté le pas à Washington en supprimant l'aide à l'UNRWA, pour n'avoir pas attendu la fin des enquêtes avant d'agir.

« Ils ne demandent même pas une enquête indépendante et n’attendent pas les résultats de l’enquête de l’UNRWA. Ils prennent immédiatement des mesures contre toute une organisation qui fournit des services vitaux aux habitants captifs et massacrés de Gaza, sur la base d’accusations portées contre 12 d’entre eux », a-t-elle écrit.

Jeremy Corbyn, ancien chef du Parti travailliste britannique, a dénoncé dimanche dans un message sur X la « dépravation morale » du Royaume-Uni pour la suspension du financement de l’UNRWA, tandis que la CIJ juge « plausible » l’accusation de génocide commis par Israël dans la bande de Gaza.

« Récemment, Hier, la CIJ a évoqué un risque plausible de génocide à Gaza. Aujourd’hui, l’Angleterre s’est joint à d’autres pays pour suspendre le financement de l’UNRWA. « Il s'agit d'une punition collective – notre gouvernement devrait avoir honte de sa dépravation morale dans la famine des Palestiniens», a déclaré Corbyn.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV