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Les analyses de la rédaction :
1. Mozambique : TotalEnergies veut créer son propre « micro-État sécuritaire » au nord ?
La multinationale française cherche à relancer son mégaprojet gazier à Cabo Delgado au milieu d’une situation sécuritaire toujours très dégradée. TotalEnergies pourrait-elle passer outre l’autorité de l’État mozambicain afin de tenter de « résoudre » la situation « à sa manière » ?
TotalEnergies possède un investissement gazier de 20 milliards de dollars dans la province de Cabo Delgado, au nord du Mozambique. Depuis avril 2021, les travaux de préparation à l’exploitation du gaz mozambicain par TotalEnergies et ses partenaires sont à l’arrêt. En effet, la multinationale a dû se résoudre à déclarer un cas de « force majeur », suite à une attaque meurtrière par une insurrection terroriste dans la ville de Palma à quelques kilomètres du site de Mozambique LNG (le consortium à la tête duquel se trouve TotalEnergies).
Depuis, les affrontements armés et les attaques contre les civiles se sont multipliés, et la militarisation de toute la région s’est accentuée. Des milliers de soldats rwandais, mozambicains, sud-africains et d’autres pays de la région y ont livré des combats contre les terroristes. La mission de ces opérations étrangères au Mozambique, qui devait durer une courte période, s’est éternisée et aujourd’hui leur départ ne semble pas du tout à l’horizon.
Cependant, les forces étrangères et l’armée mozambicaine ont repoussé les terroristes des zones côtières, entraînant le retour progressif d’une partie des centaines de milliers de déplacés internes. Bien que les combats et les attaques contre les civiles continuent, cette petite amélioration de la situation sécuritaire est suffisante pour que les spéculations sur la reprise des travaux de Mozambique LNG explosent.
Les autorités de TotalEnergies ont à plusieurs reprises répété que les travaux ne reprendraient que quand la situation sécuritaire serait stabilisée. C’est en ce sens qu’en février dernier TotalEnergies a engagé Jean-Christophe Rufin, ancien dirigeant de l’ONG Médecins sans frontières et ancien ambassadeur de la France dans plusieurs pays africains, pour qu’il mène une mission « indépendante » et rédige un rapport sur la situation socio-économique et humanitaire à Cabo Delgado.
Le rapport, rédigé avec la consultante Ingrid Glowacki, a finalement été rendu public fin mai. Au-delà des discours de la part de TotalEnergies elle-même, le rapport est avant tout un outil de communication. Celui-ci sert à légitimer vers l’extérieur une éventuelle reprise des travaux dans le site d’Afungi, où Mozambique LNG développe son projet. Cette recherche de « légitimité humanitaire » se fait également à travers une série de recommandations pour la mise en place d’un plan de développement socio-économique, dont TotalEnergies serait à la tête, afin d’apaiser les tensions sociales qui alimentent le conflit.
Quant au contenu du rapport, on y trouve certaines vérités sur les profonds problèmes sociaux et économiques historiques, mais aussi provoqués par le lancement du projet d’exploitation gazière dans le Cabo Delgado. Mais ces éléments étaient connus et dénoncés depuis des années par les organisations écologiques, des droits des populations locales, par des journalistes et chercheurs. La véritable « originalité » du rapport réside dans la disparition complète de la responsabilité du projet de TotalEnergies et de ses partenaires dans l’approfondissement du conflit armé, la paupérisation des populations locales, la destruction de leurs modes de vie et de leurs moyens de subsistance, et dans l’altération de l’environnement.
Ainsi, même si l’exploitation des ressources naturelles est mentionnée comme l’un des facteurs du conflit armé, les auteurs ont décidé de se focaliser sur l’extraction de rubis et sur les responsabilités de l’ancienne entreprise en charge de l’exploitation du gaz, l’Américaine Anadarko. TotalEnergies est mentionné à la marge, voire elle est totalement dédouanée de toute responsabilité.
Or, le problème des personnes déplacées est plus complexe et profond. Comme les auteurs du rapport le reconnaissent eux-mêmes, beaucoup de ces familles n’ont pas été complètement consentantes à céder les terres qu’elles occupaient depuis des générations, voire elles y ont été forcées. Dans ces cas-là, les indemnités sont totalement insuffisantes pour résoudre le problème.
L’autre question, aussi pointée dans le rapport, est celle des pêcheurs. En effet, le terrain où se trouve le site gazier occupe une zone où des pêcheurs de la région menaient leurs activités. La relocalisation de ces pêcheurs constitue un désastre et une véritable humiliation. Non seulement leur zone de pêche a été réduite, en partie détruite par l’infrastructure gazière, mais ils ont été installés à l’intérieur des terres alors qu’ils habitaient traditionnellement sur la côte.
Des problèmes similaires se posent également pour les agriculteurs : les terres arables ont été confisquées pour laisser la place au projet gazier, réduisant les possibilités des agriculteurs de continuer à mener leur activité économique traditionnelle.
Sur le plan sécuritaire aussi, TotalEnergies fait partie du problème. En effet, même si par le plus grand des hasards, l’insurrection terroriste a précédé l’arrivée de TotalEnergies dans la région, les conséquences sur le mode de vie des populations mentionnées ci-dessus contribuent à préparer un terrain propice pour les terroristes, afin de justifier par la même occasion, l’arrivée des militaires français au Mozambique.
À cela il faut ajouter les failles dans la sécurité que TotalEnergies est en principe tenue de pourvoir à ses salariés, les salariés des entreprises sous-traitantes et à la population de la zone en général. En ce sens, le journaliste et écrivain anglo-américain, Alex Perry, a mené une investigation mettant en cause la responsabilité de TotalEnergies lors du massacre de Palma, au nord du site d’Afungi, en mars 2021. Ce dernier a coûté la vie à plus de 1 300 personnes. Pour Perry il s’agit de « la pire attaque terroriste depuis le 11 septembre et la catastrophe la plus sanglante en 164 ans d’histoire du pétrole et du gaz ».
Dans ce contexte on comprend l’intérêt de TotalEnergies de commander un rapport sur les questions socio-économiques, qui constitue une base d’argumentaire en vue de forcer les autorités mozambicaines d’accepter l’arrivée des militaires français sur son territoire. Car n’oublions pas que le but serait surtout de sécuriser le projet gazier de TotalEnergies et non de combattre le terrorisme.
Un point du rapport a provoqué un certain malaise au Mozambique. La recommandation des auteurs d’une autonomisation de TotalEnergies vis-à-vis des forces armées mozambicaines. En effet, la multinationale française et le gouvernement mozambicain ont signé un accord de sécurité pour la protection du site d’Afungi. TotalEnergies, en plus de faciliter des questions logistiques, a aussi mis en place une « prime de bon comportement » pour empêcher que les soldats mozambicains se retournent contre la multinationale française.
Pour certains, cette recommandation signifierait le départ des forces mozambicaines de la zone et leur remplacement par des soldats choisis par l’État français.
Le ministre mozambicain de la Défense a également déclaré ne pas avoir connaissance des rapports de TotalEnergies et a d’une certaine façon critiqué la multinationale qui ne l’aurait pas envoyé au gouvernement mozambicain.
Ces déclarations laissent entendre qu’il existerait un certain malaise entre la multinationale et le gouvernement. Un agacement qui pourrait être réel d’un côté comme de l’autre. En effet, le rapport ne mentionne que légèrement l’État mozambicain comme un acteur capable de résoudre la situation socio-économique de la région. Dans ce contexte, TotalEnergies pourrait être en train de chercher à gagner une certaine autonomie par rapport à l’État et au gouvernement mozambicain, assumant en partie certaines « prérogatives étatiques » en termes de programmes de développement social dans la province. Pour certains il s’agirait bien là d’un « État dans l’État » au nord du pays avec sa propre force de sécurité, son « gouvernement » etc.
Même si pour le moment il n’y a pas de critiques exprimées très ouvertement en public, il est clair que plus la situation de crise sécuritaire durera, plus TotalEnergies aura la possibilité de se mettre en place.
Ce qui se passe à Cabo Delgado est une affaire qui concerne en premier lieu les populations locales et les travailleurs du Mozambique, mais bien au-delà. En effet, comme nous l’avons abordé ici ce projet affecte le mode de vie de milliers de personnes, sans qu’aucun progrès ne soit garanti pour elles. Mais il va affecter aussi fortement l’environnement au niveau mondial. Le gaz extrait du Mozambique contribuera au réchauffement climatique global. Face à cela, les plus cyniques répondent qu’on ne peut pas exiger aux Mozambicains de ne pas exploiter leurs ressources naturelles au nom de l’écologie alors qu’ils sont dans l’un des pays les plus pauvres au monde. Dans le contexte d’un monde capitaliste, où une poignée de puissances dominent et exploitent la majorité des États dans le monde, cet argument dit une partie de la vérité. Mais il s’agit d’un argument pour justifier l’exploitation des ressources par des multinationales, non pas pour défendre les intérêts des populations démunies du Mozambique.
Pour garantir le développement nécessaire pour la classe ouvrière et les classes populaires mozambicaines sans avoir à exploiter des ressources fossiles, il faudrait remettre en cause les intérêts des multinationales, les exproprier et utiliser ces ressources pour le développement du Mozambique et de toute l’Afrique, une forme de « réparation historique » face à des siècles de domination coloniale et impérialiste.
Malgré tout, cela ne peut être réalisé seulement par les travailleurs et les classes populaires mozambicains, il s’agit d’une tâche internationaliste et révolutionnaire centrale aussi pour le prolétariat des États impérialistes, à commencer, en ce qui concerne la France, par le mouvement ouvrier français.
2. Le réveil de l’Afrique commencera par l’Ouest
Le Niger tient tête avec réussite à la France appuyée par certains pays à l’instar de la Côte d’Ivoire, le Nigeria, le Bénin... Les menaces et autres ultimatums ont glissé sur les nouvelles Autorités nigériennes installées au palais présidentiel comme eau sur les plumes d’un oiseau.
Le président Tinibu du Nigeria a essuyé son premier revers de chef d’État avec le cinglant refus du Sénat de valider le déploiement des militaires nigérians au Niger.
La France est devenue subitement plus conciliante, moins arrogante et paternaliste comme lors des premières heures du coup d’État. Les États-Unis disent préférer une solution politique à cette crise au lieu de l’option militaire envisagée.
En réalité, ces grandes puissances ont compris que « les temps changent ». L’époque de l’Afrique dont le sort était discuté hors d’Afrique, par les non-Africains pour les Africains est révolue.
À preuve : le Mali, le Burkina Faso, la Guinée ne sont pas passés par quatre chemins pour dire qu’ils seront partis en cas d’usage de la force militaire. Ces trois États, dont la superficie représente une bonne partie de l’Afrique, démontrent depuis quelques années que l’on peut se passer de cet Occident ou de cette communauté internationale sangsue, criminelle, manipulatrice, intéressée. La Guinée, le Burkina, le Mali, le Niger ont enfin compris que ces Occidentaux n’étaient que des pêcheurs en eau trouble.
L’instabilité, l’insécurité dans le Sahel font l’affaire de ces pays. Ils exploitent allègrement l’or, l’uranium, le pétrole, le cobalt et autres. Le capitaine Ibrahim Traoré au Burkina, Mamadou Doumbouya en Guinée, Assimi Goita au Mali, Tiani au Niger disent à raison ne pas comprendre que malgré la présence militaire américaine, française, allemande, britannique, italienne sur le terrain au Sahel, cette zone soit toujours le sanctuaire des terroristes.
Qui arme finalement ces criminels ? La France, les États-Unis, et autres n’ont-ils pas de moyens logistiques pour localiser les campements terroristes et en finir avec une fois pour tout ? Kidal, région malienne fut interdite d’accès à l’armée malienne par la France contrairement à de multiples groupes terroristes qui y installaient tranquillement même leur administration.
Au Niger, Mohamed Bazoum a démoralisé sa propre armée en déclarant qu’elle était incapable de remporter la victoire devant les terroristes. Les jeunes militaires qui ont pris le pouvoir dans ce pays ont vite compris que la libération de l’Afrique passe par ce refus assumé de se plier aux exigences machiavéliques de cette communauté internationale.
L’Afrique est riche, très riche d’ailleurs. Le paradoxe est cinglant : Une Afrique très riche des Africains très pauvres. Des Africains dont les cadavres trouvent sépulture dans le désert tunisien, algérien, libyen, morts sur le chemin de l’Eldorado européen.
Avec le Niger, le Burkina, le Mali, la Guinée, l’espoir renaît. Sankara, Kadhafi, Lumumba pour ne citer que ceux-là ont été tués parce qu’ils avaient voulu dire à l’humanité que l’Afrique ne mérite pas cet asservissement. Elle ne mérite non plus l’étiquette de « continent maudit ».
Le contentieux colonial n’est pas toujours vidé, encore moins celui de l’esclavage. Mais passons avec cette génération de jeunes, rebelles aux injonctions et diktats de la communauté internationale, dociles aux aspirations légitimes du bonheur de leur population, le réveil de l’Afrique partira de l’ouest. Tout le monde y croit, tout le monde le soutient et tout le monde y contribuera.
3. Niger : Paris libère des terroristes...
Les nouvelles autorités du Niger ont accusé mercredi la France d’avoir libéré des terroristes et violé l’espace aérien du pays, à la veille d’un important sommet sur cette crise.
Les dirigeants des pays membres de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), opposés au coup de force au Niger, donnent toujours la priorité à la diplomatie, tout en maintenant la menace d’intervention armée.
Ils doivent se réunir jeudi lors d’un sommet de la Cédéao à Abuja, la capitale du Nigeria, pour évaluer la situation au Niger.
Mercredi soir, un ex-émir de l’État de Kano (nord du Nigeria) et proche du président nigérian Bola Tinubu, qui dirige actuellement la Cédéao, a tenté une médiation avec Niamey.
« Nous avons parlé avec le chef de l’État », le général Abdourahamane Tiani, nouvel homme fort du Niger, et « nous allons retourner au Nigeria pour transmettre au président » Bola Tinubu le « message » du général, a déclaré l’ex-émir, Sanusi Lamido Sanusi, à la télévision nationale nigérienne.
Mardi, une délégation conjointe de la Cédéao, de l’Union africaine (UA) et de l’ONU n’avait pu se rendre à Niamey, sa mission ayant été annulée par le gouvernement de Niamey pour des raisons de « sécurité », face à la « colère » des « populations ».
Le report de la visite de cette délégation s’ajoutait à la nomination lundi soir d’un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui semble être la première étape vers la désignation d’un gouvernement de transition.
S’envolant pour Abuja mercredi soir, le président de Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a lancé : « Le seul président que nous reconnaissons (au Niger), c’est (le président renversé Mohamed) Bazoum. »
« Si vous ne voulez pas d’un gouvernement ou d’un président, sanctionnez-le par les urnes (…) Les coups d’État doivent être bannis », a-t-il ajouté, estimant que la Cédéao, dont son pays et le Niger font partie, jouait son existence après les putsch dans trois autres États membres (Mali, Guinée, Burkina Faso) depuis 2020.
Le président de la Guinée-Bissau, Umaro Sissoco Embalo, a déclaré mercredi que l’existence de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) était en jeu dans la crise nigérienne, à la veille d’un nouveau sommet de l’organisation sur le coup d’État militaire à Niamey.
M. Embalo a déclaré à des journalistes que le président Mohamed Bazoum, destitué par les militaires nigériens, était le seul à être légitime, au moment de prendre l’avion pour Abuja, où la Cédéao tient sommet jeudi.
Les États-Unis ont exprimé mercredi leur inquiétude à propos des conditions de détention du président Bazoum, détenu depuis le coup d’État du 26 juillet dans sa résidence présidentielle.
Victoria Nuland, avait cherché à rencontrer le président Bazoum lors d’un déplacement inopiné au Niger lundi – en vain. Mme Nuland avait rencontré certains auteurs du coup d’État, une réunion à laquelle n’a pas participé le général Abdourahamane Tiani. Les discussions « ont été extrêmement franches et par moment assez difficiles », avait-elle reconnu.
Mercredi, le régime militaire a accusé la France d’avoir violé dans la matinée l’espace arien nigérien, fermé depuis dimanche, avec un avion de l’armée française venu du Tchad, et d’avoir « libéré des terroristes ».
Sans faire de lien direct avec cette « libération » de terroristes, mais dans un même communiqué, Niamey a annoncé que, mercredi matin, « la position de la garde nationale de Boukou », dans la zone des trois frontières entre Niger, Burkina Faso et Mali, « a fait l’objet d’une attaque » dont « le bilan n’est pas encore établi ».
« Nous assistons à un véritable plan de déstabilisation de notre pays », affirme le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) au pouvoir à Niamey, dont le but est de le « discréditer » et de « créer une rupture avec le peuple qui le soutient, de créer un sentiment d’insécurité généralisée ».
Les « forces françaises ont fait décoller » mercredi de N’Djaména, au Tchad, « un avion militaire » à « 6 h 1 locales », indique un communiqué du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), ajoutant : « Cet aéronef a volontairement coupé tout contact avec le contrôle aérien à l’entrée de notre espace de 6 h 39 à 11 h 15 locales ».
Dans le même communiqué, le CNSP accuse Paris d’avoir « d’une façon unilatérale libéré des terroristes prisonniers ».
La France, régulièrement vilipendée lors de manifestations en Afrique de l’Ouest, a fait savoir mardi de source diplomatique qu’elle appuyait « les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie » au Niger.
Le Mali et le Burkina Faso ont de leur côté affiché leur solidarité avec le Niger. Ils ont affirmé que si le pays était attaqué par la Cédéao, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux.
Mardi, ils ont adressé des lettres conjointes à l’ONU et à l’UA, les appelant à leur « responsabilité » pour empêcher « toute intervention militaire contre le Niger dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible ».