Par Ghorban-Ali Khodabandeh
La chambre basse du Parlement français a adopté le 7 juin en première lecture un budget militaire des armées record de plus de 413 milliards d'euros sur sept ans, destiné à préparer et moderniser les forces militaires.
Les députés à l'Assemblée nationale ont largement adopté mercredi 7 juin en première lecture un texte pour abonder le budget des armées de 413,3 milliards d'euros sur sept ans (2024-2030), afin de moderniser les forces militaires.
Malgré les critiques de l'opposition sur des effets d'annonce, et sur le report des investissements les plus importants après la fin du quinquennat Macron, le texte a été adopté à l'Assemblée nationale par 408 voix contre 87.
Ce document est désormais attendu au Sénat. L'exécutif espère une adoption définitive avant le 14 juillet.
Les 413,3 milliards de cette Loi de Programmation Militaire (LPM) représentent une hausse de 40% par rapport à la précédente. Ils doivent notamment permettre de moderniser la dissuasion nucléaire. Trente milliards doivent servir à couvrir l'inflation.
L'enveloppe consacrée aux armées s'élèvera à 413 milliards d'euros sur sept ans, dont 13 milliards de recettes extrabudgétaires qui serviront notamment à financer l'aide militaire à l'Ukraine. Un effort conséquent qui se justifie par la dégradation très rapide du contexte géopolitique marqué par la guerre en Ukraine, mais aussi l'apparition de nombreux sauts technologiques qui ont un coût, explique le ministre français des Armés Sébastien Lecornu.
La LPM, qui sera actualisée en 2027 par un vote du Parlement, entend aussi moderniser l'appareil militaire: dix milliards pour l'innovation, six milliards pour l'espace, quatre milliards pour le cyber, cinq milliards pour les drones, etc.
Après les débats houleux et controversés sur la réforme des retraites, l’Assemblée nationale a ainsi voté un budget record pour l’armée et le complexe militaro-industriel.
Alors que le gouvernement prépare une sévère cure d’austérité dans tous les secteurs, dont la réforme des retraites n’est qu’un avant-goût, l’argent continue à couler à grand flot pour l’armée et la politique militariste du gouvernement.
Ainsi, le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 fait consensus sur les bancs de l’Assemblée nationale, de la gauche qui se pense radicale jusqu’à l’extrême droite, pour la défense des intérêts de l’impérialisme français.
Il viserait avant tout à sécuriser les intérêts économiques des capitalistes français en Afrique, au Moyen-Orient, dans le Pacifique, en Amérique latine et à maintenir des dictatures sous la couverture « démocratique » de l’impérialisme français. À vrai dire, l’autoritarisme de la Ve République sur le plan policier et social est absolument indissociable de ses exactions à l’extérieur.
Ces dépenses se feront aux dépens des citoyens français en l’occurrence des travailleurs à qui on demandera toujours plus d’efforts, pour des salaires toujours plus bas et des services publics toujours plus maigres, à l’image de la santé, de l’école ou des transports, au profit du patronat et des riches.
C’est du jamais vu depuis la fin de la Guerre froide. En Europe, les dépenses militaires ont enregistré une progression record depuis plus de trois décennies, en grande partie due à l'invasion russe de l'Ukraine. Les débours militaires ont atteint en 2022 un nouveau sommet de 2240 milliards de dollars, soit 2,2% du PIB mondial, selon un rapport de référence de l'Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri), publié lundi 24 avril. Il s'agit, à l'échelle planétaire, de la huitième année consécutive de hausse pour les investissements dans les armées.
La guerre en Ukraine a par ailleurs confirmé une tendance observée depuis environ dix ans parmi les pays européens, notamment chez ceux s’estimant menacés par la Russie. Ainsi, en 2022, les dépenses militaires des États d’Europe centrale et occidentale ont atteint 345 milliards de dollars. Et, en termes réels, elles ont dépassé le niveau qui était le leur en 1989, soit à la veille de la fin de la Guerre Froide. Et elles sont supérieures de 30% par rapport à 2013.
Le président français parle de l'augmentation significative du budget militaire du pays alors que les programmes d'austérité économique de son gouvernement ont suscité un tollé général à travers le pays.
Le plan controversé de l’exécutif sur la réforme des retraites a provoqué, ces derniers mois, des protestations massives en France, mais le gouvernement Macron persiste et signe, faisant la sourde oreille à la voix de sa population.
L'augmentation de 40% du budget militaire de la France semble être une réponse à l'invasion russe de l'Ukraine ainsi qu'à d'autres conflits militaires, notamment en Afrique et aux tensions dans l'océan Pacifique.
La France, qui après l’opération militaire russe contre l’Ukraine, se dit plus que jamais préoccupée par la sécurité de l'Europe face aux agressions étrangères, estime que la montée des tensions entre les États-Unis et la Chine dans l'océan Pacifique pourraient également menacer les territoires d’Outre-mer.
Selon la « Loi de programmation militaire française (LPM) » moins de 300 milliards d'euros avaient été alloués à l'armée française entre 2019-2025. Selon les rapports, l'intégralité du budget militaire français a été financée ces dernières années, une première en France depuis des décennies.
Le président français avait appelé à l’été 2022 à passer à une « économie de guerre », c'est-à-dire permettre à l'industrie de défense de monter en puissance. Objectif : produire davantage et plus rapidement, également pour préparer l'armée française en cas de conflit majeur. Dans ce cadre, Macron a incité, les principales entreprises militaires françaises dont Dassault Aviation et Nexter, à une prise de risque accrue notamment sur les exportations d’armements. Selon le Financial Times, peu de progrès ont été réalisés dans l'augmentation de la production militaire française et il existe encore de nombreux retards dans la fourniture d'équipements militaires par le gouvernement français.
Emmanuel Macron a toujours soutenu l'indépendance militaire et sécuritaire de l'Europe vis-à-vis des États-Unis et de l'OTAN : en 2021, il a proposé la création d'une armée européenne commune en tant que force militaire indépendante au sein de l'Union européenne pour défendre le continent en parallèle avec l'OTAN. Depuis la sortie de la Grande-Bretagne de l'Union européenne, la France est le seul détenteur d'armes nucléaires au sein de l’Union des 27. À noter que ce pays n'a jamais soutenu l'idée de partager les armes atomiques et la possibilité d'étendre le parapluie nucléaire à d'autres États membres de l'UE. Le locataire de l’Élysée est d’avis que la dissuasion nucléaire distingue la France des autres pays européens, avançant que la dissuasion nucléaire était d'une importance vitale et contribuait aussi à la sécurité de l’Europe.
Macron a souligné que la France serait capable, si les circonstances l’imposaient, de construire et de commander une coalition de premier rang, avec ses partenaires, pour défendre les intérêts de l'Europe ou de ses alliés. « C'est une responsabilité qu'elle seule en Europe continentale serait capable d'assumer et nous devons en avoir les moyens », a-t-il ajouté.
Comme de nombreux autres partenaires, la France fournit de l’aide militaire à l’Ukraine. Canons Caesar, missiles antichars, antiaériens, véhicules de l’avant blindé, lance-roquettes… La France a déjà participé à l’effort de guerre en soutien à l’Ukraine.
Lors de la visite de Volodymyr Zelensky à Paris mi-mai, Emmanuel Macron a encore promis à son homologue ukrainien de nouvelles livraisons, notamment en matière de défense aérienne, sans en préciser les détails.
Reste que les efforts de la France semblent bien maigres pour un pays qui souhaite porter une nouvelle « Europe de la défense ». Selon les sources bien informées, la France ne participerait qu'à hauteur de 2% aux livraisons d'armes en Ukraine.
Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.