Par Hiba Morad
En pleine tension croissante entre les États-Unis et l'Arabie saoudite, de nouvelles dynamiques bilatérales ont fait surface entre la Chine et l'Arabie saoudite. Le dernier rapprochement en date est la remarquable visite du président chinois Xi Jinping au cours de laquelle les deux parties ont signé une série d'accords stratégiques.
Dans un geste qui signale un approfondissement des liens, l'Arabie saoudite et la Chine ont signé jeudi un « accord de partenariat stratégique global », dont un avec le géant de la technologie Huawei, que les États-Unis ont sanctionné en 2019 par crainte de l'accès à la technologie chinoise.
Le mémorandum avec le chinois Huawei Technologies porte sur le cloud computing (en français l'informatique en nuage) et la construction de complexes de haute technologie dans les villes saoudiennes. Huawei a déjà participé à la construction de réseaux 5G dans la plupart des États du golfe Persique.
Les accords entre l'Arabie saoudite et la Chine s'élèvent à plus de 30 milliards de dollars et visent à renforcer les relations entre les deux pays, selon des informations.
Les entreprises chinoises et saoudiennes ont signé mercredi 34 accords d'investissement dans les énergies vertes, les technologies de l'information, les services cloud, les transports, la construction et d'autres secteurs, selon des informations.
Le dirigeant chinois est arrivé mercredi en Arabie saoudite pour assister au sommet inaugural Chine-États arabes et à une réunion avec les dirigeants des six membres du Conseil de coopération du golfe Persique (CCGP) dans la capitale Riyad avant de conclure sa visite samedi, a indiqué le ministère chinois des Affaires étrangères. Les dirigeants des deux pays ont également convenu de tenir une réunion entre les nations à tour de rôle tous les deux ans.
Coup de poing contre accueil somptueux
Depuis la décision de l'OPEP + dirigée par l'Arabie saoudite de réduire la production de pétrole de deux millions de barils par jour, dans ce que Riyad a qualifié de décision nécessaire et économiquement motivée, la Maison Blanche a annoncé qu'elle réexaminerait les relations américano-saoudiennes, affirmant que la réduction du pétrole était un geste politique pour soutenir Moscou dans son offensive contre l'Ukraine.
Suite aux tentatives américaines de faire pression sur Riyad pour qu'il annule la décision, qui a été décrite par la Turquie comme une tentative américaine d'intimider l'Arabie saoudite, plusieurs États membres de l'OPEP+, le groupe de producteurs comprenant l'Organisation des pays exportateurs de pétrole et ses alliés, ont réitéré qu'il y avait un consensus parmi les pays de l'OPEP+ que c'est la meilleure décision ; un geste préventif à la lumière de l'incertitude et du manque de clarté qui se profilent à l'horizon.
Alliés depuis des décennies, Washington et Riyad gardent leurs différends à huis clos. Mais la tension sur la coupure de pétrole de l'OPEP+ a éclaté au grand jour, démontrant des relations brisées et un manque de confiance. Les deux alliés n'ont pas pu cacher la querelle passionnée sur la production de pétrole, au milieu des inquiétudes saoudiennes concernant l'administration Biden et sa position.
Deux mois après la montée des tensions entre Riyad et Washington, le pays riche en pétrole a déroulé le tapis rouge au président chinois, lui offrant un somptueux et chaleureux accueil contrairement à son homologue américain.
Les chaînes de télévision saoudiennes ont diffusé une grande cérémonie au palais Al-Yamamah, au cours de laquelle le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, également connu sous le nom de MBS, a reçu le dirigeant chinois. Des drapeaux chinois et saoudiens affichés sur les lieux alors que des membres de la garde royale saoudienne s'alignaient avec des épées et jouaient de la musique.
En outre, l'Université King Saud a décerné au président Xi un doctorat honorifique en gestion, pour souligner les contributions importantes du président Xi à l'amitié et à la coopération entre l'Arabie saoudite et la Chine.
L'accueil chaleureux du président chinois vient contredire l'accueil glacial du président américain Joe Biden il y a quelques mois. Bien sûr, il est également important de rappeler que l'Arabie saoudite n'a pas félicité Biden pour son investiture officielle et son entrée à la Maison Blanche.
Les analystes ont déclaré que le contraste entre le grand accueil réservé au Xi Jinping et le «coup de poing froid» de Biden lors de sa visite dans le Royaume montre à quel point l'Arabie saoudite se voit avoir plus en commun avec la Chine qu'avec les États-Unis.
Alors que les États-Unis ne cherchent que leurs propres intérêts, le golfe Persique regarde vers l'Est
Au moment où les États-Unis sont perçus comme cherchant leurs propres intérêts au nom de toutes les autres nations, les pays [arabes] du golfe Persique, menés par l'Arabie saoudite, recherchent apparemment une approche plus orientée vers l'Est qui défie les diktats américains.
L'analyste stratégique saoudien Wajdi al-Quliti a déclaré que Riyad avait tendance depuis des années à diversifier ses alliances, ce qui est la même approche pour les États du golfe Persique, d'autant plus que Washington peut toujours se retirer si son intérêt unilatéral est atteint sans penser aux autres.
L'expert saoudien a déclaré à Sputnik que « la réingénierie des relations dans le golfe Persique et la région arabe prend en compte les intérêts communs, et non les intérêts unilatéraux, comme le font certains pays, dont Washington ».
« La Chine a pour objectif d'améliorer son image dans le monde arabe dans le cadre de la commercialisation de son projet de “Route de la soie”, et elle tient à renforcer ses relations avec les États du Golfe [Persique] et le Moyen-Orient », a-t-il déclaré.
Le ministère chinois des Affaires étrangères a décrit le voyage de Xi comme « l'activité diplomatique la plus importante entre la Chine et le monde arabe ». Une telle activité, selon les analystes, suscite des inquiétudes à Washington DC.
La récente coopération bilatérale sino-saoudienne n'est qu'une inauguration des relations avec les pays de la région du golfe Persique. Xi doit rencontrer d'autres producteurs de pétrole du golfe Persique et assister à un rassemblement plus large de dirigeants arabes vendredi.
Le président chinois a déclaré que la Chine s'efforcerait de faire des sommets auxquels il participera avec les dirigeants du golfe Persique et arabes, des « événements marquants dans l'histoire des relations sino-arabes », et que Pékin considère Riyad comme « une force importante dans le monde multipolaire ».
Il a noté que la Chine, le plus grand consommateur d'énergie au monde, et l'Arabie saoudite, le premier exportateur mondial de pétrole, ont également décidé d'adopter le yuan dans leurs transactions pétrolières, un changement jugé nécessaire par les observateurs des deux pays à la lumière de la militarisation croissante du système financier dominé par le dollar et de la nécessité d'approfondir les liens entre la Chine et les pays du golfe Persique dans les années à venir.
De tels développements indiquent le rôle décroissant des États-Unis en tant que puissance dominante et centre de gouvernance. L'occurrence de telles rencontres en soi est considérée comme historique et indique qu'un nouvel ordre mondial devient de plus en plus réaliste.
Hiba Morad est une universitaire et analyste politique basée à Téhéran, qui poursuit actuellement un doctorat en linguistique à l'Université de Téhéran.
(Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l'auteur et ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)
