Le dossier controversé des migrants engageant la France et l’Italie fait couler beaucoup d'encre. Les deux pays s’accusent mutuellement et refusent de reconnaître leur responsabilité dans la gestion de l’affaire.
Après les déclarations du ministre français de l’Intérieur, Gérard Darmanin qui avait dénoncé le comportement du gouvernement italien, c’est au tour de la ministre des Affaires étrangères, Catherine Colonna, de s'y coller.
Le 12 novembre, la cheffe de la diplomatie française est revenue, lors d’une interview avec Le Parisien, sur la gestion européenne de la crise migratoire. Elle dénonce avant tout le « manque d’humanité » de l’Italie. « Compte tenu du refus obstiné et du manque d’humanité de l’Italie, nous avons accueilli exceptionnellement le navire », explique-t-elle en évoquant « une très forte déception sur le fond ».
« Il y aura des conséquences si l’Italie persiste dans cette attitude. De notre côté, nous avons suspendu le dispositif de relocalisation de migrants provenant d’Italie et renforcé les contrôles aux frontières franco-italiennes. Il faut rappeler Rome à son devoir d’humanité. En espérant qu’elle comprenne le message », détaille la ministre, citée par le JDD.
Côté italien, la cheffe du gouvernement Giorgia Meloni plaide pour une « solution européenne ». « J'ai été très marquée par la réaction agressive du gouvernement français qui est incompréhensible et injustifiée », a-t-elle déclaré devant la presse. Paris a en effet annoncé des mesures de rétorsion envers Rome qui a refusé de faire accoster un navire transportant des migrants, contraignant la France à l'accueillir.
Certes, la crise des migrants demande une collaboration collective européenne. La spécialiste des questions de migrations du CNRS, Virginie Guiraudon l’a d’ailleurs affirmé, implicitement, vendredi 11 novembre devant la presse. « En fait, il s'agit plus de mettre en œuvre une décision européenne déjà prise », a-t-elle souligné, rappelant qu'un mécanisme de « solidarité » européen a été adopté en juin.
Ce mécanisme prévoit qu'une douzaine d'États, dont la France, accueillent de manière volontaire 8.000 migrants arrivés dans des pays dits de « première ligne » comme l’Italie. Mais seuls 117 migrants ont été relocalisés à ce jour, suscitant la colère de Rome.
Or face à cette gestion migratoire, l’Italie - avec Chypre, Malte et la Grèce - demande une intervention de la Commission européenne. Ces pays, les plus exposés avec l'Espagne à l'arrivée de migrants, plaident depuis des années en faveur d'un système de relocalisation obligatoire.
Dans une déclaration conjointe publiée à Rome, les ministres de l'Intérieur d'Italie, de Malte et de Chypre ainsi que le ministre des Migrations grec ont dénoncé l'idée que « les pays de première entrée puissent être les seuls points de débarquement européens possibles pour les immigrés illégaux » et ont pointé du doigt les ONG humanitaires dont les « navires privés agissent en totale autonomie par rapport aux autorités d'État compétentes ».
Ils ont également rappelé les engagements pris par l'UE en juin au Luxembourg avec l'instauration d'un « mécanisme volontaire de solidarité » qui aurait dû permettre la relocalisation de 10.000 personnes la première année dans d'autres pays que ceux de première entrée, les quatre ministres ont déploré un résultat « décevant ».
Des navires battant pavillon français, norvégien ou allemand accostent régulièrement en Italie au grand dam des autorités de la péninsule qui réclament, sans succès, que les États dont ces navires battent pavillon, prennent en charge les migrants.
L’afflux des migrants – venant des régions déstabilisées par les interventions euro-américaines – tentant la traversée périlleuse de la Manche a également défié le nouveau gouvernement anglais.
Selon les derniers chiffres publiés, plus de 40 000 migrants ont tenté la traversée de la Manche en 2022, un nouveau record selon le ministère britannique de la Défense. Pour la seule journée de samedi, les chiffres du gouvernement font état de 972 personnes ayant traversé la Manche à bord de 22 petites embarcations.
Ces chiffres, rendus publics après trois semaines de crispations européennes autour du navire humanitaire Ocean Viking, mettent sous pression le gouvernement alors que les conservateurs font de la lutte contre l’immigration une de leur grande priorité depuis le Brexit et que le système de demandes d’asile est plus que jamais débordé.
Depuis 2014, au moins 203 personnes sont mortes ou ont été portées disparues, en mer ou sur terre, en tentant de rejoindre l’Angleterre au départ du littoral nord de la France.
Fin 2021, 27 personnes ont perdu la vie en une journée seulement dans un naufrage, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM).