La police d’Haïti a fait part vendredi 4 novembre de la fin du blocus du plus grand terminal pétrolier, paralysé par des gangs. Il ne fait aucun doute qu'Haïti traverse une crise terrible, peut-être la pire de notre vie. Mais les récits que les États-Unis utilisent pour justifier leur intervention dans ce pays ignorent un fait crucial : Haïti a rarement, voire jamais, été autorisé à gérer ses propres affaires. Les experts d’Haïti estiment pour leur part que l'ingérence américaine conduirait au désastre dans ce pays.
La police nationale d’Haïti a annoncé, vendredi 4 novembre, avoir repris le contrôle du plus important terminal pétrolier du pays, jusqu’alors aux mains de gangs. Mais des affrontements étaient toujours en cours dans le secteur, selon deux sources concordantes.
« La police a mené une opération entre mercredi et jeudi dans le but de permettre la reprise des activités dans le principal terminal pétrolier qui était pris en otage par des hommes armés », a écrit la police nationale d’Haïti sur son compte Facebook, avec à l’appui des photographies attestant de sa présence sur les lieux. « Plusieurs unités de la police ont été déployées à l’aide de blindés afin de déloger les bandits » du terminal de Varreux, à Port-au-Prince, a ajouté la police.
Jeudi 3 novembre 2022, une opération de l’unité spécial anti-gang (UTAG) de la PNH, débutée mercredi, a permis de reprendre le contrôle du terminal de Varreux (70 % des réserves de carburant d’Haïti), qui était entre les mains des hommes lourdement armés du « G9 » dirigés par l’ex-policier Jimmy Chérizier alias « Barbecue », leader radical et Chef de la plus puissante coalition de gangs d’Haïti « G9 Fanmi et alliés », depuis près de deux mois, paralysant toutes les activités du pays. Cependant, une source policière a annoncé vendredi soir que « l’opération de la police se poursuit ».
En plein chaos à Haïti, la communauté internationale envisage le déploiement d’une « force multinationale d’action rapide » dans le pays, suivie à moyen terme d’une énième mission onusienne de maintien de la paix. Déjà, les États-Unis ont envoyé du personnel, des véhicules blindés et du « matériel » non divulgué pour « aider la police haïtienne à combattre un conglomérat de gangs qui ont pris le contrôle du pays ».
Mais maintenant le problème a doublé : de nombreux civils innocents seront pris entre deux feux, d’une part des crimes des gangs et de l’autre, les actions interventionnistes des forces d’occupation américaines, qui jusqu’ici n’ont eu d’autre but que de piller les richesses du peuple haïtien, un plan également reconnu par les milieux intellectuels occidentaux.
Dans un article récent, The Guardian a évoqué l’intervention désastreuse de l’Occident, y compris des États-Unis, en Haïti. Selon l’auteur Pooja Bhatia, « l’hypothèse sous-jacente est que les Haïtiens ne peuvent pas gérer leurs propres affaires. Le gouvernement est corrompu ou inefficace ou les deux. Ses habitants sont pris au piège dans un « réseau d’influences culturelles résistantes au progrès », comme David Brooks a été autorisé à donner son avis dans le New York Times juste après le tremblement de terre géant de 2010 dans le pays. Resté seul, Haïti sombrerait dans le chaos et la crise humanitaire : maladie, violence, mort. […] C’est le sens de la réflexion aujourd’hui ». Le quotidien souligne que la communauté internationale présente l’idée de l’intervention étrangère, mais « le point de vue d’Haïti est généralement différent : l’intervention étrangère provoque un désastre ».
Dans une partie de la note, on peut lire que « Haïti, après tout, est née de la détermination des esclaves à se débarrasser du joug génocidaire des Français, alias l’assujettissement étranger. Il a depuis subi de nombreuses invasions et intrusions, dont une occupation de 19 ans par les États-Unis, de 1915 à 1934. L’occupation américaine s’est justifiée comme étant pour le bien d’Haïti. Son héritage comprenait l’enrichissement des élites américaines et la préparation du terrain pour la montée de la dictature de Duvalier ».
À en croire l’analyste du quotidien, « il ne fait aucun doute qu’Haïti traverse une crise terrible, peut-être la pire de notre vie. […]Mais les récits que les États-Unis utilisent pour justifier l’intervention ignorent un fait crucial : Haïti n’a rarement, voire jamais, été autorisé à gérer ses propres affaires ».
Les gros titres ont rapporté qu’Haïti a demandé une intervention. C’est inexact. C’est le Premier ministre d’Haïti, Ariel Henry, qui l’a demandé. Henry s’est plus ou moins nommé Premier ministre après l’assassinat en juillet dernier du président Jovenel Moïse. Il n’a jamais eu aucune sorte d’autorité constitutionnelle et est en effet impliqué dans l’assassinat de Moïse. Les gens pour qui il prétend parler le méprisent. Sa seule circonscription est à l’extérieur du pays.
La dernière grande intervention a également commencé par une « demande » d’un fonctionnaire non élu. Cela a conduit à une force de maintien de la paix de l’ONU appelée MINUSTAH, amenée pour "stabiliser" Haïti après la destitution soutenue par les États-Unis du président Jean-Bertrand Aristide.
The Guardian reconnaît à cet égard : « En Haïti, l’intervention étrangère et la catastrophe humanitaire sont devenues si étroitement liées qu’il est difficile de distinguer l’une de l’autre. Ils sont enfermés dans un cercle vicieux. […] Plus subtilement, au cours de la dernière décennie, l’intervention étrangère a été utilisée pour soutenir des dirigeants qui ne représentent pas la volonté du peuple haïtien. »
Les experts des Caraïbes croient que bien que le peuple haïtien soit actuellement confronté à une crise interne causée par les actions illégales de gangsters affiliés aux gouvernements corrompus et inefficaces de Haïti, une intervention étrangère provoque pourtant un désastre dans cette ancienne colonie française.
Les États-Unis ont longtemps refusé de reconnaître l'indépendance d'Haïti vis-à-vis de la France, ils ont même parfois tenté d'annexer son territoire pour intimider d'autres pays.
Les États-Unis sont également accusés par divers États d'Amérique latine et des Caraïbes de s'ingérer dans leurs affaires internes pour en tirer des intérêts politiques et développer leur influence dans la région.