A peine quelques heures après la tonitruante fin du boycott militaire contre l'Iran qui, selon l'un des plus célèbres chroniqueurs militaires, « équivaut à un séisme puisqu'elle élargit sensiblement le coefficient de l'influence iranienne, profitant à l'ensemble des alliés de l'Iran en Asie de l'Ouest, voire plus loin en Méditerranée et aux Caraïbes » , Bahreïn a signé un accord intérimaire avec Israël. Paradoxalement, DEBKAfile, site proche du renseignement de l'armée sioniste, qui devrait s'en réjouir, est loin d'afficher de l'enthousiasme soulignant que cet accord « permettra aux forces américaines de tourner le dos au Moyen-Orient et de se concentrer davantage sur d'autres rivaux mondiaux, que sont la Chine et la Russie ».
Les échanges de sécurité maintenus secrètement entre Israël et plusieurs États arabes pourraient désormais briser la barrière de visibilité pour les États arabes du golfe Persique. Constamment conscients de la « menace iranienne », ces pays se sont révélés être un marché florissant pour les armes et la technologie militaire de pointe d'Israël, y compris la cyber-défense, les systèmes UAV et les logiciels espions.
Lundi, parallèlement à l'arrivée de la délégation USA/Israël, dirigée par le trésorier US Menuhin, Cohen, le chef du Mossad, a tenté de faire croire qu'il s'agit bien plus qu'une histoire de gros sous et qu’Israël, encerclé par des milliers de missiles de la Résistance, est parvenu à aller au-delà de ce carcan et s’offrir une profondeur stratégique : « C'est une nouvelle ère qui s'ouvre pour Israël car ce sont des accords historiques qui donnent à Israël une profondeur stratégique et ce, à tous les niveaux sécurité, renseignement, économie, agriculture... Cette profondeur stratégique nous permettra de faire face à l'axe du mal qu'est l'Iran et ses mandataires et à le contrer ! »
Mais même en Israël, on est enclin à contredire Cohen : « Ce qu'on nous vend comme une tentative d'ouvrir un nouveau front de combat contre l'Iran et ses alliés, front situé à des milliers de kilomètres de distance des frontières israéliennes dans le golfe Persique, n'est qu'un gros piège où Netanyahu a laissé tomber Israël, car comment croire que l'armée de l'air israélienne qui a déjà perdu la bataille face aux missiles du Hezbollah en 2006 et aux roquettes de Gaza en 2014, serait capable, ne serait-ce qu'une semaine, de tenir et d'offrir à Israël la capacité de riposter à des milliers de missiles que lui tireront d'abord l'Iran, ensuite ses alliés depuis le front nord et le sud.
« Les missiles peuvent être tirés rapidement, sans demander un long délai de préparation, ce qui n'est pas le cas des raids aériens. Aussi des centres villes israéliens, des cibles stratégiques et économiques ou des institutions gouvernementales pourront être saturés par des avalanches consécutives d'engins. Le processus de lancement pourra ainsi commencer peu de temps après la décision d'utiliser les missiles.
Et puis, entre le moment où les engins sont tirés et le moment où ils percutent la cible, l'écart n'est que de quelques minutes, ce qui en garantit l'efficacité et la précision et on sait que les missiles iraniens sont redoutablement précis.
Ces failles n'iront que croissant si Israël multipliait les fronts de combat pour les étendre au golfe Persique. Tout porte à croire que Washington est sur le point de se désengager du Moyen-Orient et de chercher à nous faire endosser la tache de protection de ses pays arabes du golfe Persique. Mais en sommes nous capables ? s'interroge le général Yizhak Brick.
« Depuis le 18 octobre, l'Iran se félicite de s'être délesté de l'une des plus importantes sanctions dont il souffrait, à savoir la sanction militaire. A l'heure où en Israël nous en sommes toujours à craindre l'anneau de missile des alliés de l'Iran, les Iraniens travaillent à des nouveautés, des missiles balistiques à fragmentation ! D'ailleurs ils n'en font aucun secret, ce sont des engins destinés à bousiller les bases aériennes US dans la région. Ce sont un genre de munition propre à détruire des nids d'avions et des hangars de drones fortifiés. En fait, cette concentration sur la précision, les Iraniens l'ont partout. Nos F-35 ou nos F-22 voire nos AWACS et nos avions de ravitaillement sauraient difficilement échapper à ces éclats qui percutent leur cible avec une extraordinaire vitesse et un impact destructeur.
Fidèles à leur stratégie de guerre asymétrique, les Iraniens cherchent à frapper fort, de façon à paralyser l'ennemi : nos avions, ils veulent pas le détruire mais faire en sorte qu'ils ne décollent plus. Que fera un F-35 s'il perd son système radar ou de commande ? Les "bombes" que le CGRI a exposé il y a peu, sert à ceci. Et dire que le missile Qiam, engin à l'aide duquel Aïn al-Asad a été frappée, en portera et qu'il attend les avions israéliens aux aguets », dit Yizhak Brick.
En entraînant Israël dans le golfe Persique sous prétexte d'une normalisation qui date de deux décennies, les États-Unis sont-ils en train de nous jouer un mauvais tour ? se demande-t-il.