Les 11 vedettes rapides du CGRI qui ont merveilleusement troublé la fête de l'USS Puller et ses hélicoptères Apache le mercredi 15 avril et ce, alors que le bâtiment et les patrouilleurs l'escortant s'exerçaient justement à contenir "une attaque en essaim de ces mêmes vedettes rapides" n'ont cessé depuis trois jours de faire couler l'encre de l'autre côté de l’Atlantique. Certes le CentCom, culotté qu'il est à considérer le golfe Persique comme son chasse-gardée, a dénonce le jeudi dans son communiqué "une provocation iranienne", mais tout n'est pas dit dans cette simple phrase. Au fait pour les marines US, largement occupés à se battre contre la Covid-19, la démonstration de force iranienne du mercredi dit beaucoup plus que qu'elle en a l'air.
En été, la bataille des pétroliers a prouvé à quel point la présence "de navires de guerre" ou encore de "porte-avions" pourrait s'avérer paralysante et contre-productive dans le cadre d'une guerre asymétrique, l'incident du mercredi vient de prouver à quel point il est impossible de coordonner les "différents éléments d'une marine classique", aussi puissante soit-elle, quand il s'agit de faire face à un assaut "asymétrique".
The National Interest qui publie régulièrement les "hauts faits" que l'US Navy laisse manifester non loin des eaux iraniennes, en convient lui même. Dans un article daté du vendredi, la revue affirme que "l'Iran nous a habitué a utiliser une variété d'armes inhabituelles au fil des ans : des chasseurs F-14 Tomcat reconvertis de sorte à tirer des missiles russes, des mini-sous-marins qui tirent des missiles en immersion, des jets furtifs .... Et le coup du 15 avril ne fait pas l'exception à cette règle.
Les petits bateaux à un ou deux hommes semblent destinés à des fins de reconnaissance. Les petits véhicules peuvent survoler la surface à une centaine de nœuds (115 miles à l'heure). Ils sont équipés de lunettes de vision nocturne, de caméras et de liaisons de données en temps réel. L'armement comprend une seule mitrailleuse; des capacités de lancement de missiles ou de fusées ont été revendiquées, mais il n'y a guère de preuves à ce jour....Au fait, ces vedettes rapides que le CGRI nous en a envoyé le 15 avril alors que l'US Navy était en pleine manoeuvre navale, ne seraient probablement pas destinés à frapper directement l'ennemi, mais permettraient plutôt à la stratégie navale asymétrique de l'Iran de fermer le détroit de Hormuz et de déconcerter de gros bâtiments de guerre ennemis en cas de conflit dans le golfe Persique. Le principe est de contrer toute coordination entre les navires, les hélicoptères ou avions adverses. Avouons que c'est subtile comme stratégie de guerre! Au lieu d'activer de gros moyens, les vedettes rapides, qui ne sont équipés que de mitrailleuses, s'appuierait sur la géographie peu profonde et confinée du golfe Persique et en particulier sur le point d'étranglement qu'est le détroit d'Hormuz - à seulement vingt-neuf milles de la rive à la côte à son point le plus étroit - pour s'en prendre en "essaim" à la cible.
Et l'article d'ajouter : Mais ce n'est qu'un début... Les vedettes rapides iraniennes font partie d'un système d'attaque parfaitement subtile et déconcertant qui compte aussi les hydroglisseurs de gamme Bavar : Bavar-2 et Bavar-4. Le premier type a d'ailleurs été déployé à Bandar Abbas, une base navale directement face au détroit, où les bâtiments US sont largement présents. En 2006, la télévision iranienne a présenté ce hydroglisseur particulier, et quatre ans plus tard, Téhéran a doté de trois escadrons de Bavar la marine du CGRI. C'est avec raison que les Iraniens s'en sont vantés puisque l'Iran est l'un des rares pays «concevoir et produire de tels hydravions aussi avancés».
Et la revue poursuit : Bavar 4 suit le concept de Delta renversé, et c'est un véhicule à effet de sol. Fondamentalement, ceux-ci sont conçus pour voler à très basse altitude en capitalisant sur "l'effet de sol", le phénomène dans lequel les surfaces des ailes rencontrent moins de traînée plus elles sont proches de la surface. Après avoir généré une vitesse de portance pendant le décollage, ils peuvent rester en l'air tant qu'ils restent dans cette enveloppe à basse altitude. Cela les rend plus applicables aux opérations maritimes surtout qu'ils sont truffés de cameras infrarouge. Alors imaginez une bataille navale USA/Iran : A titre de gambit d'attaque de missiles, les Bavar survoleraient, acquerraient des données de ciblage sur les navires de guerre ennemis et transmettraient ces informations à des missiles rapides. Les patrouilleurs rapides iranien de classe Zulfiqar, pourraient alors rapidement atteindre la portée de tir maximale tout en se déplaçant à soixante-dix nœuds pour lancer leurs deux missiles de croisière Nasr-1 puis s'éloigner pour éviter toute représailles. Le Nasr-1 a une portée de 21 milles et transporte une ogive de 330 livres.
Photo: Bavar-4, Tasnim
Plus loin, l'article décrit : Le Bavar aurait des "caractéristiques furtives" : il survole à très basse altitude, ce qui lui permet de retarder la détection radar des navires de guerre, créant ainsi le temps nécessaire pour que les missiles de croisière iraniens soient tirés. Alors le danger iranien pour la flotte de guerre US ne se réduit pas uniquement à des rangés de missiles déployées à Qeshm sur la côte iranienne mais à tous ces tactiques, subtilement réfléchis et pesés. En décembre 2019, le commandant en chef de la marine du CGRI avançait l'idée "d'une guérilla maritime": "Un corps militaire composé de plusieurs milliers d’effectifs capables de mener des opérations asymétriques en pleine mer, et ce, dans le strict objectif d’assurer la sécurité de la côte iranienne et pourquoi pas de toute la région du golfe Persique suivant une logique de défense qui s’étend de la mer d’Oman au golfe Persique".
Le 15 avril, les 11 vedettes rapides iraniennes ont bien prouvé qu'elles savaient comment provoquer la panique à bord des navires US, les déconcerter, et créer les conditions d'un pré face-à-face. On ignore si ou ou non les Bavar et leurs missiles Nasr étaient prêts à fonctionner. Mais on sait qu'avec l'Iran la guerre n'est jamais trop loin.