En Algérie, un troisième vendredi de manifestation s'est déroulé le 8 mars et la quasi-totalité des médias y voit une marche sans précédent qui devrait faire décider le président sortant à jeter l'éponge. Plusieurs millions d'Algériens ont battu le pavé à travers les 48 wilayas du pays et ont participé à une journée de manifestations historique, rapporte le site algérien « Tout Sur l'Algérie » qui fait remarquer en passant « l'ambiance festive » qui a entouré le défilé sans toutefois préciser qu'à la fin du mouvement, des inconnus venus après la dispersion dans le calme des manifestants, ont tenté de forcer l’important dispositif sécuritaire et ont poussé les forces antiémeute à user de bombes lacrymogènes, ainsi que rapporte le site d'information « algériepatriotique ».
Pour TSA, « Il y a un enseignement et une conclusion à tirer de cette nouvelle journée de mobilisation » : « Il y aura encore des manifestations dans les jours et les semaines à venir, sans doute chaque fois plus impressionnantes, jusqu’à ce que le pouvoir cède et que la parole revienne au peuple souverain ».
Le « retour du pouvoir au peuple souverain » est le credo repris d'ailleurs par plusieurs autres sources algériennes qui s'en servent pour orienter les revendications populaires. Le TSA dit : « ... Mais l’absence de répression [de la part des forces de l'ordre, NDLR] ne constitue pas une réponse durable aux demandes des manifestants. Ces derniers, au regard de leur nombre impressionnant, sont en droit d’attendre des réponses concrètes de la part du pouvoir. Il y a eu la lettre de Bouteflika annonçant des réformes et une élection présidentielle anticipée. Mais elle est déjà dépassée. (...) Tenir l’élection présidentielle dans ces conditions est presque impossible. À moins de courir le risque de provoquer une confrontation entre Algériens dans la rue, l’Alliance présidentielle aura du mal à tenir ses meetings. »
La menace est à peine voilée : l'État algérien et l'armée, s'ils ne finissent pas par céder, risquent d'avoir à faire face, à nouveau, à une guerre civile. Dans ce contexte, il reste une ultime option : reporter l’élection présidentielle et engager dès maintenant le processus de transition promis par le chef de l’État pour l’après-18 avril. Sur le papier, l’idée est séduisante. Elle permettra de répondre aux attentes de la population et constituera pour le pouvoir une porte de sortie acceptable. (...) et comment sera conduite cette transition ? Les partisans du pouvoir (algérien) verraient bien un processus mené par l’actuel chef de l’État. Une idée qui a très peu de chances d’être acceptée par la rue. Pour cette dernière, le règne de Bouteflika est déjà terminé. Il doit passer le flambeau et laisser les Algériens gérer leur transition ».
Ainsi, les exigences formulées au fur et à mesure que le mouvement s'amplifie commencent à aller au-delà d'un simple retrait d'un président agonisant et incapable d'assumer dûment sa charge. Ces « organisateurs » qui agissent dans l'ombre veulent une « transition » sans quoi l'Algérie pourrait basculer dans le chaos.
Sans verser dans le complotisme, le scénario d'une révolution à l'ukrainienne ne parait pas bien loin. Le reste, les États-Unis s'en occuperont, eux qui continuent à agir par la France et Israël interposés dans la région du Sahel et aux portes de l'Algérie. À la veille de la troisième vaste manifestation populaire, le même TSA rapporte la visite à Alger du commandant des forces navales américaines en Europe et en Afrique, l’Amiral James Foggo, accompagné du commandant de la Force interarmées alliée de l’OTAN. La visite de l’amiral intervient alors que le navire de guerre américain USS Donald Cook a quitté ce jeudi le port d’Alger où il était accosté depuis le 5 mars, dans le cadre d’une visite programmée de longue date en vue de « renforcer les relations entre les États-Unis et l’Algérie ».
« Cette visite montre notre engagement et dévouement envers le partenariat États-Unis/Algérie », indique le département d’État sur son compte officiel, publiant des photos de la rencontre entre les deux responsables. Mais difficile de ne voir dans une visite survenue à un moment pareil un signe d'avant coureur dans la mesure où l'USS Donald Cook est le même navire qui a participé en 2003 à l'invasion de l'Irak ou en 2014 aux manœuvres antirusses en mer Noire en pleine crise de la Crimée.
L'amiral Foggo, commandant de @USNavyEurope est accueilli par un haut dirigeant militaire algérien à son arrivée à #Alger.
— USA en Français (@USAenFrancais) March 7, 2019
Cette visite montre notre engagement & dévouement envers le partenariat États-Unis - #Algérie 🇺🇸🇩🇿 @USEmbAlgiers pic.twitter.com/UCtM7jpSGo
Mardi, « ces mêmes États-Unis ont dit soutenir le peuple algérien et son droit à manifester pacifiquement ». L’ambassade des États-Unis à Alger a d'ailleurs appelé, jeudi 7 mars, les ressortissants américains en Algérie à la vigilance, dans un message posté sur sa page officielle sur Twitter. La représentation diplomatique américaine conseille aux ressortissants américains en Algérie d’éviter les foules lors des marches. Une consigne qui contraste étrangement avec l'hyperactivisme dont a fait preuve l'ambassadeur US, John P. Desrocher, à Alger juste avant le début du mouvement.