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Le contingent français en Syrie dénonce la stratégie d’enlisement occidentale

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le colonel François-Régis Legrier (à gauche) avec la ministre de la défense, Florence Parly (au centre), le général français Jean-Marc Vigilant, le général américain Paul La-camera et l’ambassadeur français en Irak, Bruno Aubert, sur une base près d’Al-Qaim, en Irak, le 9 février. © AFP

L’officier a commandé les artilleurs de la Task Force Wagram en Irak et met en cause la méthode et les résultats des Occidentaux contre les terroristes de Daech.

« Nous n’avons en aucune façon gagné la guerre. » En concluant ainsi un article publié dans la Revue défense nationale de février au sujet des ultimes combats Daech en Syrie, le colonel François-Régis Legrier vient d’ulcérer la hiérarchie militaire, jusqu’au cabinet de la ministre des armées, Florence Parly. C’est pourtant le même homme qui a accueilli cette dernière en Irak, le 9 février, et lui a présenté les forces françaises.

L’officier supérieur, chef de corps du 68e régiment d’artillerie d’Afrique, vient d’être engagé durant six mois au service de la coalition internationale contre Daech dirigée par les Etats-Unis. Il achève tout juste sa mission de commandant de la Task Force Wagram, le bataillon qui met en œuvre depuis l’Irak les canons Caesar contre les derniers bastions de Daech. Et il a rédigé son article, « La bataille d’Hajin : victoire tactique, défaite stratégique ? », alors qu’il n’avait pas achevé son mandat.

La hiérarchie lui reproche de n’avoir pas soumis son projet et de s’être exprimé sans attendre son retour en France – le premier « retour d’expérience » que doit un chef de corps l’est auprès de ses généraux, par le traditionnel « compte rendu de fin de mission », confidentiel. Le colonel Legrier devrait être sanctionné, apprend-on vendredi 15 février auprès de l’état-major. Mais peut-être pas pour la raison évoquée par la hiérarchie. En effet, l'article du colonel "liquide" dans le vrai sens du terme le mensonge américano-français qu'est la lutte contre Daech, lequel n'est qu'un prétexte pour coloniser la Syrie. 

L’article a été repéré et diffusé sur Twitter jeudi par l’historien et ancien colonel Michel Goya, auteur du blog « La voie de l’épée », et expert écouté dans les cercles de réflexion sur la guerre. Le rédacteur en chef de la Revue défense nationale, le général Jérôme Pellistrandi, indique pour sa part « avoir manqué de discernement » et a retiré le texte du site Internet de la publication.

Dans une partie de son article le colonel dit : "Dans les airs, la suprématie occidentale est évidemment totale. Comme dans le film de Gavin Hood, Eye in the Sky , c’est la quintessence de la haute technologie qui se déploie quasiment sans limite avec l’emploi massif de moyens de surveillance et de renseignement, et d’avions pour observer et frapper. En l’espace de six mois, plusieurs milliers de bombes ont été déversées sur quelques dizaines de kilomètres carrés avec comme résultat principal la destruction des infrastructures. L’ennemi a-t-il été détruit par ces frappes ? Oui, mais pas autant qu’on a bien voulu le faire croire dans les comptes rendus alignant un BDA  impressionnant calculé de façon statistique et non pas par observation visuelle. L’ennemi a-t-il été atteint dans son moral et sa volonté de combattre ? À l’évidence, non. Il a déployé jusqu’au bout une combativité inébranlable mettant à profit les périodes de mauvaise météo, le préservant de la menace aérienne, pour contre-attaquer violemment et infliger à plusieurs reprises de sérieux revers tactiques aux FDS. La défaite devenue inéluctable, il s’est exfiltré vers des zones refuges pour poursuivre la lutte en mode insurrectionnel ne laissant sur place qu’une poignée de combattants étrangers".

Plus loin le texte ajoute : "En s’en remettant à des proxys pour conduire la bataille au sol, les Occidentaux en ont certes retiré un avantage politique à court terme : celui d’éviter des pertes et un mouvement d’opinion contre leur politique. En revanche, sur le moyen-long terme, ce choix s’est avéré désastreux.

En affirmant que la poche était la Main Battle Area  tout en refusant d’y engager des moyens terrestres ou même des hélicoptères d’attaque, les Américains ont laissé planer un doute sur leurs intentions réelles d’en finir rapidement. Il est donc permis de penser que la poche d’Hajin constituait un excellent alibi pour maintenir une présence dans le Nord-Est syrien et surtout prévenir un éventuel délitement trop rapide de la Coalition. Ainsi, au fur et à mesure de la bataille, le discours s’est articulé de la façon suivante : « il faut détruire Daech » vers « oui, Daech est bientôt éliminé en Syrie mais il se reconstitue en Irak et reste tout aussi dangereux », ce qui pose la question de la pertinence de la stratégie suivie depuis des années. Où est le véritable enjeu ? Détruire Daech ou contenir l’Iran ?

Par ailleurs, la conséquence la plus immédiate d’une telle approche est la perte de la maîtrise du temps : l’opération avance au gré de la volonté des proxys et selon leur propre agenda et elle traîne en longueur quelle que soit l’ampleur des moyens consentis. Cela s’appelle un enlisement."

Et le texte de conclure : " Pour compliquer les choses, est apparue au grand jour la divergence de vues entre Donald Trump et son état-major. Fidèle en cela à une promesse de campagne, le Président des États-Unis a saisi l’occasion de la reprise d’Hajin mi-décembre pour annoncer la victoire sur Daech et le retrait des forces américaines de Syrie montrant ainsi, certes de façon brutale, que c’est bien le tempo politique qui détermine la stratégie et non pas l’inverse.

En refusant d’inscrire dans leur stratégie du Moyen-Orient cette volonté de retrait pourtant annoncée depuis deux ans, l’Administration américaine et les états-majors se sont mis d’eux-mêmes en porte à faux. Bousculés par le décideur politique d’un côté, ayant perdu la main sur le tempo des opérations au sol de l’autre, c’est-à-dire privés de toute marge de manœuvres, la seule réaction a été d’intensifier les frappes aériennes et donc d’augmenter encore le nombre de destructions. Hajin a subi le même sort que Mossoul et Raqqa : une destruction quasi complète".

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV