Des responsables saoudiens tentent de freiner la restructuration de l’Arabie saoudite au niveau économique, notamment l’introduction en Bourse (IPO) d’une partie du capital de Saudi Aramco et un investissement dans le service américain de réservation mobile de voiture avec chauffeur, Uber, dans le cadre du programme de réformes Vision 2030 lancé en 2016 par le prince héritier Mohammad ben Salmane (MBS), rapporte le Wall Street Journal dans son édition du 6 février.
Lorsque le puissant ministre de l’Énergie, Khaled al-Falah, a rencontré MBS fin 2016, il avait l’intention de dissuader le fils du roi de toucher à la société nationale la plus prestigieuse du monde. Cela n'a pas fonctionné. MBS a ordonné à son ministre d'introduire le plus tôt possible Aramco en Bourse (IPO), selon des sources au courant de leur réunion.
Dans les coulisses de la scène politique saoudienne, de nombreux bureaucrates tentent d’endiguer le programme de réformes mené par le prince héritier et baptisé « Vision 2030 », par crainte de l’ampleur des conséquences et des risques qu’il représente.
Initialement prévue en 2018, l'introduction en Bourse d'une partie d'Aramco est un des piliers de la stratégie de réforme pour diversifier l'économie saoudienne, jusqu'à aujourd'hui dépendante majoritairement de l' « or noir ».
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L'introduction en Bourse de 5% de la compagnie publique, est « à 100% » dans l'intérêt du royaume saoudien. Elle aura lieu, « je pense, fin 2020 ou début 2021 », avait affirmé le prince héritier dans une interview publiée en novembre 2018 par l'agence Bloomberg.
Le retard annoncé de la mise sur le marché des 5% d'Aramco est en réalité destiné à étouffer dans l’œuf et, au final, à annuler le projet, écrit le Wall Street Journal.
La date évoquée par MBS découle de l'idée qu'Aramco devra d'abord acquérir les 70% détenus par le Fonds d'investissement souverain saoudien dans la compagnie pétrochimique Sabic puis « intégrer » les activités de Sabic avant de pouvoir être introduite en Bourse, selon les propos recueillis par les journalistes de Bloomberg à Riyad mercredi soir.
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La mise sur le marché des 5% d'Aramco devrait rapporter 100 milliards de dollars (87 milliards d'euros), à quoi s'attend toujours le prince héritier saoudien qui maintient une évaluation totale de la compagnie à 2.000 milliards de dollars (1.734 milliards d'euros) bien que de nombreux experts se montrent sceptiques, selon différents médias.
Par ailleurs, le plus gros projet photovoltaïque du monde est tombé à l'eau. En partenariat avec la Softbank japonaise, le prince héritier saoudien imaginait développer 200 gigawatts crête (GWc) de capacités solaires et de système de stockage d’électricité d’ici à 2030. Un investissement de 200 milliards de dollars. Pour le journal américain, cette diversification annoncée du bouquet électrique saoudien restera un mirage du désert.
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Le scepticisme des bureaucrates saoudiens a commencé en 2017 quand les investissements étrangers ont connu leur plus faible niveau en 14 ans.
L’affaire de l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi, la guerre au Yémen et les vagues d’arrestations de militants, des princes, des ministres et des hommes d'affaires n’ont aidé MBS à redorer son blason sur la scène internationale.
Les oppositions au sein du royaume au programme économique de MBS ne sont peut-être pas encore toutes rendues publiques mais ce qui est sûr, c’est qu’elles l’ont sérieusement freiné ce programme.