Contrairement aux premiers temps ayant suivi son entrée en fonction comme prince héritier du royaume saoudien, les apparitions publiques de Mohammad ben Salmane se font aujourd’hui très rares.
Le célèbre éditorialiste du journal Raï al-Youm, Abdel Bari Atwan, s’est penché à travers un article sur l’annonce par le prince MBS de la fin des travaux de « la commission anticorruption » dans le pays.
Présidée par le prince héritier Mohammed ben Salmane, cette commission s’était illustrée par la spectaculaire vague d’arrestations de novembre 2017 qui avait visé des princes dissidents.
Selon les autorités saoudiennes, plus de 400 milliards de riyals saoudiens (93 milliards d’euros) ont été récupérés sous forme d’avoirs immobiliers et commerciaux, de titres ou d’espèces.
Les vraies raisons de l’annonce de la fin de cette campagne ne sont pas encore évidentes pour l’opinion publique, surtout que 64 personnes sont toujours en détention. Abdel Bari Atwan a présenté dans Raï al-Youm six raisons qui pourraient expliquer la récente décision de MBS :
1. Certains estiment qu’avec la détention des princes opposés au prince héritier dans le cadre de la lutte contre la corruption, MBS les a marqués du sceau de l’infamie et les a ainsi éliminés de la scène politique du pays.
2. En menant cette campagne, Ben Salmane a réussi à établir sa mainmise sur tous les médias, dont certains étaient entre les mains de riches princes comme Walid ben Talal
3. Suite à la détention de centaines de personnes sous prétexte de la lutte contre la corruption, les investisseurs étrangers, craignant de subir le même sort, ont préféré quitter le pays. Le prince héritier saoudien, qui a eu l’expérience du boycott de son « Davos du désert » en octobre dernier, a annoncé la fin des travaux de « la commission anticorruption » pour empêcher le départ des investisseurs étrangers du royaume saoudien.
4. Il chercherait à mettre fin aux activités économiques et commerciales de grandes entreprises dirigées par les princes dissidents pour limiter la mise en œuvre de grands projets à un cercle restreint des fidèles de MBS.
5. La volonté de redorer son blason et celui du royaume, ternis par l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi en octobre dernier dans le consulat saoudien à Istanbul et par la détention de militants des droits de l’homme, pourrait elle aussi expliquer l’annonce par MBS de la fin des travaux de « la commission anticorruption ».
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6. Pour la plupart des observateurs, la rareté des apparitions publiques du prince héritier saoudien au cours des dernières semaines marque une rupture nette avec ce qui était le cas lors des premières années après sa nomination comme prince héritier. Ils estiment que MBS ne soutient guère le fameux « Deal du siècle » alors qu’auparavant il coopérait étroitement avec le gendre du président américain, Jared Kushner, chargé de mener les négociations afin d’imposer ce deal aux pays de la région et aux Palestiniens. Les défenseurs zélés de la normalisation des relations entre Riyad et Tel-Aviv, notamment le prince Turki ben Fayçal et Anwar Eshki, ont mis en sourdine leur propagande médiatique.
La question qui se pose selon Atwan est la suivante : « Des mesures comme la fin des travaux de “la commission anticorruption” pourraient-elles diminuer la pression internationale sur le prince héritier et rétablir les investissements étrangers en Arabie saoudite ? »
En tout état de cause, selon l’éditorialiste de Raï al-Youm, ni la campagne anticorruption ni l’annonce de sa fin n’ont pas pu résoudre les problèmes auxquels les jeunes Saoudiens font face dans la vie de tous les jours.