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Les États arabes sont inquiets de la présence d’Ankara en Syrie

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le ministre jordanien des Affaires étrangères Ayman al-Safadi est rejoint par ses cinq homologues arabes en Jordanie, le 31 janvier 2019. ©Reuters

Abandonnés dans la région par les États-Unis, leur soutien traditionnel, les États arabes pressentiraient un danger sérieux venant de la Turquie en Syrie. En revanche, leur désir de renouer leurs liens avec le gouvernement de Damas semble indiquer qu’ils sont revenus sur leur précondition, qui était que la Syrie se distancie de l’Iran.

Le dernier discours de Seyyed Hassan Nasrallah a soulevé des points importants sur le dossier syrien et certaines évolutions dans l’approche des États arabes envers la présence des Turcs et des Iraniens en Syrie. C’est ce qu’analyse l’éditorialiste arabe Abdel Bari Atwan dans son dernier éditorial pour le quotidien Raï al-Youm.  

« Trois événements majeurs confirment l’affirmation du secrétaire général du Hezbollah libanais, Seyyed Hassan Nasrallah selon laquelle les alliés des États-Unis considèrent à présent la présence turque, et non la présence iranienne, comme le principal danger en Syrie. La tenue de la réunion des six ministres des Affaires étrangères arabes en Jordanie confirme-t-elle cette hypothèse ? Peut-on exclure une frappe préventive turque à Idlib ? Qui parviendra à rentrer dans les bonnes grâces de Damas ?

Seyyed Hassan Nasrallah, secrétaire général du Hezbollah, lors de son intervention sur la chaîne de télévision Al-Mayadeen, a déclaré que les amis des États-Unis dans le monde arabe considèrent à présent la présence turque, et non la présence iranienne, comme le plus grand danger. C’est pourquoi ils ont commencé à rouvrir leurs ambassades à Damas et y ont envoyé des délégations de haut rang.

Trois indicateurs clés confirment ce changement stratégique :

Premièrement, la réunion urgente des ministres des Affaires étrangères des six pays riverains de la mer Morte (Jordanie, Arabie saoudite, Égypte, Émirats arabes unis, Bahreïn et Koweït) s’est effectuée en l’absence du Sultanat d’Oman et du Qatar. Ainsi, tous les pays participants n’ont pas de bonnes relations avec Ankara et tiennent pour la plupart à reprendre leurs relations avec le gouvernement de Damas. Ils ont rouvert leurs ambassades dans la capitale syrienne et certains confirment même l’imminence de la réouverture de l’ambassade saoudienne à Damas. »

Le quotidien panarabe souligne que le Qatar s’est délibérément abstenu de participer à la réunion ministérielle en Jordanie, en raison de son alliance stratégique avec Ankara.

Pour l’éditorialiste de Raï al-Youm, les déclarations du chef de la diplomatie émiratie lors de la réunion de jeudi dernier pourraient être considérées comme le deuxième indicateur prouvant l’inquiétude des alliés arabes des États-Unis concernant les agissements d’Ankara dans le nord de la Syrie :

« Lors de la réunion des ministres arabes des Affaires étrangères, le chef de la diplomatie émiratie, Anwar Gargash, a déclaré que son pays refusait de créer une zone tampon dans le nord de la Syrie, appelant à la protection des Kurdes dans le cadre d’une Syrie unie. »

Et Atwan de poursuivre : « Quant au troisième indice, il faut aller le chercher dans l’accusation proférée par le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlüt Çavusoglu, contre les membres de la coalition américaine qui ont, selon lui, apporté leur soutien au Front al-Nosra à Idlib dans le but de faire capoter l’accord russo-turc, lequel visait à enrayer l’escalade de la violence dans la ville. Ainsi, il a pointé du doigt les États-Unis sans les nommer. »

D’après Atwan, « ces trois indicateurs suggèrent que les projets turcs visant à surveiller la zone tampon que le président américain souhaite établir dans le nord de la Syrie à une profondeur de vingt kilomètres se heurtent à de grands obstacles ».

« Les Russes s’opposent également à cette zone tampon et soulignent la nécessité que l’armée arabe syrienne y revienne afin de préserver la sécurité de cette partie du territoire syrien », écrit le quotidien Raï al-Youm.

« Certaines fuites indiquent que l’Arabie saoudite et d’autres États du golfe Persique ont décidé de changer de cap en ce qui concerne les relations Iran/Syrie. Auparavant, ils avaient conditionné leur retour en Syrie à la décision de Damas de se distancier de l’Iran. Cependant, un message est maintenant en route vers Damas, éventuellement porté par le ministre jordanien des Affaires étrangères, qui confirme le revirement des États arabes vis-à-vis de l’Iran », commente l’auteur de l’article.

Atwan termine son analyse en posant trois questions dont la réponse renvoie au résultat du sommet du trio Iran-Russie-Turquie : « Il faut attendre pour voir qui réussira à rentrer dans les bonnes grâces de Damas : les Turcs ou les pays ayant participé à la réunion de la mer Morte ? Le prochain sommet tripartite entre Poutine, Erdogan et Rohani, qui devrait avoir lieu dans les deux prochaines semaines à Moscou ou à Ankara, pourrait répondre à cette question. »

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SOURCE: FRENCH PRESS TV