Le quotidien Rai al-Youm revient dans son édition du 1er novembre sur la guerre au Yémen et le retournement de Washington, qui appelle à la fin du conflit alors que l’affaire Khashoggi fait toujours la une de l’actualité dans le monde arabe.
L’administration Trump a réclamé hier, mercredi, l’ouverture de négociations de paix d’ici trente jours et la fin des frappes aériennes de la coalition menée par l’Arabie saoudite, estimant toutefois que le premier pas doit être fait par les Houthis, les forces du mouvement Ansarallah.
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Cette nouvelle position de Washington tranche avec le soutien assidu offert par les États-Unis à l’Arabie saoudite de Mohammed ben Salmane depuis le début de son intervention au Yémen en mars 2015.
« Si l’assassinat du journaliste dissident saoudien Khashoggi a eu un avantage malgré son atrocité, c’est bien la forte probabilité de la fin de la guerre au Yémen », a estimé l’éditorialiste Abdel Bari Atwan.
La guerre « oubliée » du Yémen a été soudainement colportée à la une de l’actualité internationale. La crise humanitaire qu’a déclenchée l’intervention saoudienne est considérée comme la plus grave de la planète par les Nations unies. C’est dans ce contexte d’extrême urgence que les proches de Donald Trump, le secrétaire de la défense James Mattis puis le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo, appellent toutes les parties à rejoindre la « table de négociations sur la base d’un cessez-le-feu » au Yémen, jugeant que « l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis y sont prêts ».
Même résonance de l’autre côté de l’Atlantique où la ministre française des Armées, Florence Parly, a déclaré le 30 octobre que la guerre menée au Yémen par l’Arabie saoudite est sans issue et « il est plus que temps » qu’elle cesse.
Par contre, la Première ministre britannique Theresa May n’a pas soutenu les appels de Washington à la cessation immédiate des hostilités au Yémen. Elle a été invitée à soutenir une résolution des Nations unies demandant un cessez-le-feu immédiat dans ce pays. Elle a déclaré aux députés que le Royaume-Uni appuyait les appels à la « désescalade » au Yémen, mais que le gouvernement restait convaincu qu’un cessez-le-feu ne fonctionnerait que s’il existait un accord politique entre les parties belligérantes, a rapporté The Independant.
Cela dit, Abdel Bari Atwan ne voit dans ces déclarations venant de l’Occident qu’un simulacre. « Tous ces pays et en particulier les États-Unis, le Royaume-Uni et la France sont ceux-là mêmes qui ont alimenté la guerre au Yémen et fourni des armes à la coalition dirigée par Riyad. Ils ont totalement négligé la dimension et les répercussions humanitaires de leurs décisions et n’ont pensé qu'aux milliards de dollars que généraient leurs accords de vente d’armements à l’Arabie saoudite », a-t-il indiqué.
Et d’ajouter : « Tout d’un coup, les responsables américains se sont réveillés et montrent de la compassion pour le peuple yéménite en appelant à la fin de la guerre ? Mais pas du tout ! Ils se préoccupent peu du sang versé par une nation meurtrie. La seule chose qui les motive, c’est de faire sortir l’Arabie saoudite du bourbier dans lequel elle s’est enlisée, car le royaume a sérieusement entaché son image et gaspillé une fortune considérable. »
« Peut-être avons-nous exagéré le rapport entre la nouvelle effervescence autour de la guerre au Yémen et l’affaire Khashoggi et ses conséquences sur le royaume saoudien. Mais cette effervescence est en faveur du peuple du Yémen, qui a enduré les plus grandes souffrances pour défendre son pays, son histoire et sa dignité. S’il n’était pas aussi fort et courageux, cette guerre n'aurait pas duré près de quatre années. C’est une réalité qu’il ne faut pas ignorer », souligne M. Atwan.