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Khashoggi/Villepinte: le deux poids deux mesures de Macron choque

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
L'interview exclusive du président français Emmanuel Macron à RFI et à France 24 ©Capture d'écran

À l'issue du sommet de l'OIF à Erevan, un sommet particulièrement étrange où la France "macroniste" a soutenu une présidence anglophone de cette instance de propagation de la langue de Molière, le président français a été interviewé par les journalistes de France 24 et de RFI. Les réponses de Normand du président français aux questions liées à l'Iran et à l'Arabie saoudite ont suscité surprise voire indignation.

Les analystes qui ont vu le président rester bien évasif sur l'assassinat d'un journaliste par le régime de Riyad dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul et de peser chacun de ses mots par crainte de froisser "le grand client saoudien", ont pu relever au contraire la facilité avec laquelle ce dernier a remis en cause "les instances au sein du pouvoir iranien". Certes Macron n'a pas pointé du doigt l'État iranien, mais la manière par laquelle il a répondu, prouve surtout qu'il n'a pas fait de cadeau à Téhéran, mais surtout que son ministre des Affaires étrangères, en accusant très violemment le renseignement iranien dans l'affaire de Villepinte, est allé trop loin. La France n'a aucune preuve pour prouver les accusations qu'elle avance contre Téhéran. 

Dans une réaction tardive à la disparition énigmatique, la semaine dernière, du journaliste d’origine saoudienne de Washington Post, Jamal Khashoggi, à Istanbul, Emmanuel Macron a confié ceci  :

« Les faits que vous évoquez sont des faits graves, très graves. Et donc aujourd’hui, j’attends que les vérités et la clarté complète soient établies, mais la France souhaite instamment que tout soit mis en œuvre pour que nous ayons toute la vérité sur cette affaire dont aujourd’hui, les premiers éléments sont pour moi extrêmement inquiétants et de nature profondément grave. »

Réponse somme toute bien politiquement correcte qui est de nature à ne pas vexer l'Arabie de Ben Salmane à qui la France vend des armements létaux, largués du matin au soir sur les civils yéménites. Et pourtant, pour s'être donné la peine de s'envoler en personne pour Riyad où il a négocié, non sans peine, la libération de Saad Hariri, M. Macron devrait être moins dubitatif quant à la culpabilité de ses amis saoudiens. En tout cas, le président français n'a pas encore contacté le prince héritier saoudien ni même le président turc, puisque tout contact téléphonique engagerait l'État français à réagir et Paris préfère évidemment ne pas réagir. 

L'attitude présidentielle est tout autre vis-à-vis de l'Iran: engagé dans un bras de fer totalement insane, la "Macronie" accuse l'Iran d'avoir fomenté un attentat terroriste contre une milice terroriste, l'OMK, que Paris maintenait jusqu'en 2009 sur sa liste noire avant de l'en retirer on ne sait sur foi de quel argument. Car cette milice est coupable d'assassinat de masse non seulement sur le sol iranien, mais aussi en Irak et qu'à ce titre, elle devrait être jugée et condamnée. 

Sur la question à savoir ce qu’il pensait de l'accusation de l’appareil diplomatique français contre le renseignement iranien dans l’affaire de Villepinte, le président français a donc choisi d'apporter une réponse bien "ciblée" : "l’Iran est divisé entre plusieurs courants politiques" et par conséquent, ne savait pas si un tel ordre (commettre l'attentat, NDL) « venait d’en haut » ou non. Plus loin dans ses propos, le président français a affirmé qu’il "ne disposait toujours pas d’informations supplémentaires" sur le fait que le pouvoir iranien est oui ou non impliqué dans l'affaire. Mais alors comment se fait-il que le président d'un État qui vient de prendre une décision parfaitement hostile contre un autre État ne soit pas au courant des détails d'un dossier qui est censé justifier cette même décision? Le ministère français des Affaires étrangères est-il en droit d'agir de son propre chef, sans tenir informé le président de la République de sa politique iranienne?

Après tout, le fait d'avoir gelé des avoirs iraniens, décidé la semaine dernière et annoncé au terme d'un communiqué signé par trois ministres du gouvernement Macron, n'est pas une mince affaire pour que le président en laisse la gestion au seul ministère des Affaires étrangères. Idem, cette ridicule descente policière au centre Zahra (Grande-Synthe) et l'arrestation de ses membres qui a été interprétée comme une tentative avortée visant à coller l’étiquette de terroriste aux chiites de France. De deux choses l'une : soit la diplomatie française a choisi la voie de l'escalade face à l'Iran sans que l'Élysée en soit dûment informé, soit les soi-disant preuves à charge contre l'Iran dans l'affaire Villepinte ne sont pas suffisamment solides pour que le président ose en faire son argument. Une chose est sûre : la politique iranienne de l'Élysée manque de visibilité, de transparence, et surtout de logique. 

 

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV