Le royaume saoudien se croit en sécurité malgré les sévères crises diplomatiques qui l’opposent à de nombreux pays du monde. Mais il pourrait en voir des vertes et des pas mûres, estime le site d’Al-Jazeera.
Pour sa fête nationale, l’Arabie saoudite s’est offert la célèbre troupe canadienne du Cirque du Soleil qui s’est produit pour la première fois dans le royaume, dimanche 23 septembre, avec un show éblouissant d'acrobaties spectaculaires, et en dépit d'une sévère crise diplomatique entre Ottawa et Riyad.
Un mois auparavant, Riyad avait annoncé l’expulsion de l’ambassadeur du Canada, et rappelé le sien d’Ottawa, en réplique aux appels du ministère canadien des Affaires étrangères à la libération d'activistes emprisonnés dans la monarchie.
Dans son court message, lancé le 3 août sur Twitter, la diplomatie canadienne disait sa « grave préoccupation » quant aux arrestations de militants saoudiens des droits humains.
Cependant, après un bref vent d’euphorie, l’Arabie saoudite pourrait en voir des vertes et des pas mûres. Et le danger provient du président américain, son plus fidèle allié, dont les menaces, les coups bas et les invectives n’ont de cesse. Donald Trump est celui-là même qui effectue des visites officielles dans le royaume du roi Salmane et lui parle au téléphone, sans prendre la peine d'effacer quelques vieux tweets assassins, des « casseroles » comme celui posté le 11 septembre 2014 : « Les Saoudiens, ce n'est que de l'esbroufe, ce sont des tyrans, des lâches. Ils ont l'argent, mais pas le courage. »
Encore, le 3 avril dernier, lors d'une conférence de presse à la Maison-Blanche, il a fait savoir qu'il envisageait de faire payer l'Arabie saoudite si la monarchie souhaitait que des troupes américaines restent en Syrie. « L'Arabie saoudite est très intéressée par notre décision et j'ai dit : "Eh bien, vous savez, si vous voulez que l'on reste, peut-être que vous allez devoir payer"… Pensez-y, sept trillions de dollars sur une période de 17 ans et nous n'avons rien, rien sauf la mort et la destruction, c'est horrible, il est temps, il est temps », avait-il martelé.
Le discours de Donald Trump rompt totalement avec la rhétorique diplomatique courante. Le monde s’en est plus ou moins accoutumé.
Avec le goût de la provocation qui est le sien, à Bruxelles au siège de l’OTAN, le 17 juillet dernier, il a débuté son séjour en tirant à boulets rouges sur l’Allemagne : « Les pays de l’OTAN doivent payer PLUS, les États-Unis doivent payer MOINS. Très injuste ! Ce n’est pas juste pour le contribuable américain », a-t-il tweeté.
Le président américain manie à merveille l’art du chantage et en veut toujours plus de l’Arabie saoudite. Dernièrement, il a exigé que le royaume augmente sa production de pétrole brut afin de faire dégringoler son prix et réduire ainsi drastiquement les exportations de pétrole iraniennes.
Pour Riyad, c’est un appel à jouer avec le feu. Au faîte de son hésitation à satisfaire les désirs de l’Amérique, Trump contacte son « ami » le roi et le rappelle à l’ordre. Mais est-ce que le royaume saoudien est aussi vulnérable qu’on le pense ? Bien sûr que non.Il joue un rôle central dans la région et possède une fortune incommensurable et des armes à couper le souffle. Mais son problème n’est pas d’ordre militaire, il émane de la gaucherie de ses dirigeants.
Dans cette conjoncture, l’Iran a gagné du terrain, s’impose dans les conflits régionaux. Or, les États-Unis s’interposent et prétendent mener une guerre secrète contre l’Iran.
Ces évolutions se font à l’ombre d’un difficile transfert du pouvoir en Arabie saoudite dont les clés, selon de nombreux observateurs, se trouvent à Washington.
En réalité, ni les États-Unis ni Israël n’envisagent une véritable confrontation avec l’Iran. Quel est donc l’intérêt d’attiser les tensions entre ces pays ? En froissant encore plus les relations irano-saoudiennes, les États-Unis cherchent à s’impliquer dans les contentieux de la région et à jeter de la poudre aux yeux.