Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a entamé samedi une visite de deux jours au Koweït, la première depuis qu’il a accédé au poste de prince héritier, pour tenter de résoudre la crise qui risque de déchiqueter le Conseil de coopération du golfe Persique (CCGP).
Selon le rédacteur en chef du journal Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, le calendrier de cette visite mérite réflexion, car elle coïncide avec la pression exercée par le président américain Donald Trump sur l’Arabie saoudite et d’autres pays du golfe Persique pour accroître leur production et réduire le prix du pétrole afin de ne pas nuire à l’économie américaine. La visite coïncide également avec les efforts déployés par les États-Unis pour former une OTAN arabe regroupant les six États du golfe Persique, plus l'Égypte et la Jordanie.
Il y a deux questions qui peuvent dominer les pourparlers du prince héritier saoudien lors de sa visite au Koweït:
- Le premier est le dossier de la crise qatarie et la manière de trouver des solutions pour faciliter les tentatives américaines visant à établir une alliance de sécurité politique, militaire et économique et à unifier les positions des pays du golfe Persique face à l’Iran.
- Deuxièmement, le litige pétrolier koweïto-saoudien dans la « zone commune » et la reprise de la production dans les champs de Wafra et de Khafji, suspendue depuis 2015, où les négociations n’ont pas abouti à une solution mutuellement satisfaisante et le Koweït a demandé de recourir à l’arbitrage international ; demande rejetée par Riyad.
M. Abdul Samad al-Awadhi, un expert pétrolier koweïtien de renom, a déclaré à Rai Al-Youm que la deuxième option, à savoir une tentative de règlement du conflit saoudo-koweïtien, serait le thème phare des discussions de Ben Salmane avec les autorités koweïtiennes, d’autant plus que l’Arabie saoudite n’est pas en mesure de satisfaire l'exigence de Donald Trump d'augmenter la production de pétrole à 2 millions de barils par jour, sauf si Riyad parvient à résoudre ses divergences de vue avec son voisin koweïtien et que les deux pays puissent reprendre la production conjointe des champs de Khafji et d'al-Wafra, estimée à 500 000 barils par jour.
D'autre part, l'Arabie saoudite a besoin de plus d'argent pour faire face à son déficit budgétaire et couvrir le coût de la guerre au Yémen, estimé à environ 5 milliards de dollars par mois, selon les estimations de la Brookings Institution of America.
L’importance du facteur « pétrole » pour cette visite ne peut pas sous-estimer l’importance du dossier de réconciliation entre l’Arabie saoudite et ses trois alliés (Émirats arabes unis, Bahreïn et Égypte), car cette crise constitue un obstacle majeur à la création d’une OTAN arabe contre l’Iran.
Le vice-ministre koweïtien des Affaires étrangères, Khaled al-Jarallah, a déclaré vendredi que le prince héritier saoudien et le prince Sabah al-Ahmad al-Jaber allaient débattre de la crise du golfe Persique. Mais la question qui se pose ici est de savoir si c’est pour insuffler une nouvelle vie à la médiation koweïtienne que Ben Salmane évoque l’allègement des conditions imposées au Qatar et parle même des concessions ?
Il est à noter que le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Sheikh Hamad bin Abdul Rahman, a participé vendredi à une réunion avec ses homologues des pays du golfe Persique et de ceux de l’Égypte de la Jordanie, réunion qualifiée par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo de « prélude » au sommet des dirigeants du CCGP à Washington, début 2019, en vue de lancer une OTAN arabe.
En outre, le chef d’état-major de l’armée qatarie a assisté à une réunion des chefs d’état-major des forces armées du CCGP avec la participation de généraux américains au Koweït, il y a deux semaines.
Il est regrettable que tous ces agissements des pays arabes du golfe Persique surviennent à la demande des États-Unis pour servir les intérêts US et que toute réconciliation du CCGP soit liée à la crise du Qatar ou au litige pétrolier entre le Koweït et l’Arabie saoudite. La visite de Ben Salmane au Koweït s’avère importante et vitale, et pourrait avoir des effets considérables sur les dossiers chauds susmentionnés et sur la région tout entière.