L’Arménie est secouée par une crise politique depuis des semaines. Des dizaines de milliers de manifestants ont paralysé la capitale Erevan pour s’indigner contre la décision du Parlement qui a rejeté la candidature de Nikol Pachinian au poste de Premier ministre.
La méthode rappelle celle si largement pratiquée dans les anciennes républiques soviétiques que furent l’Ukraine et la Géorgie, entre autres. Quand neuf législateurs sur 105 mènent un mouvement de plus en plus violent pour renverser un gouvernement élu, il faut bien s’interroger là-dessus.
L’opposant Nikol Pashinyan fait pression sur l’ancien président et aujourd’hui ex-Premier ministre Serge Sarkissian pour qu’il démissionne, malgré l’insistance de ce dernier sur le fait que « la force politique que représente Nikol Pashinyan n’a obtenu que 7 à 8 % des voix aux élections et que, par conséquent, elle n’a pas le droit de parler au nom de la nation » et de « faire du chantage à l’État ». Toujours est-il que Sarkissian a fini par lâcher prise, mais les troubles se poursuivent.
S’il est vrai que les jeunes Arméniens sont furieux de la stagnation économique de cet État du Caucase du Sud, il est encore plus vrai que leur participation aux troubles a été exploitée.
Mais que se passe-t-il exactement ?
Un pro-occidental et anti-russe comme l’est Pashinyan, qui accuse le gouvernement précédent de n’avoir pas assez fait pour protéger les intérêts de l’Arménie et de ne pas avoir répondu d’une façon ou d’une autre à la « diplomatie militaire » des Russes, est une bénédiction pour les Américains.
L’Arménie va très probablement se tourner encore plus vite vers l’Occident. Dans ce changement de cap, la Russie a beaucoup à perdre, surtout que le président Poutine avait félicité Sarkissian pour « son accession à ce poste de responsabilité qui réaffirme son autorité politique et le soutien de la population aux grandes réformes prévues pour résoudre les défis socio-économiques de l’Arménie ».
Mais la Russie n’est peut-être pas la seule partie à être visée. Il y a aussi l’Iran, dont les bonnes relations avec l’Arménie inquiètent depuis toujours les Américains mais aussi les Israéliens. Une occidentalisation de l’Arménie balise le terrain pour qu’Israël s’enracine davantage dans la région du Caucase et fasse d’Erevan une base arrière, comme il l’a fait de Bakou.
Force est de constater qu’Israël resserre l’étau autour de l’Iran et non pas l’inverse. À l’heure où le régime israélien crie à hue et à dia qu’il est encerclé par l’Iran en Syrie, c’est l’inverse qui est sur le point de se produire : l’Azerbaïdjan et la Turquie, tout comme le Kurdistan irakien, offrent de solides bases au régime israélien. Avec une Arménie pro-Tel-Aviv, la boucle sera bouclée.