Seyyed Amir-Reza Faghani Azghadi, journaliste de Fars News, passe au peigne fin les réactions à la propension de Mohammed ben Salmane à normaliser ses relations avec Israël.
En 2015, quand Ben Salmane est nommé ministre de la Défense, l’Arabie saoudite ouvre un nouveau chapitre de son aventurisme et de son hégémonie. Le prince héritier se forge alors l’image d’un acteur « mystérieux », avant de devenir le propre metteur en scène de l’histoire de son royaume en 2017.
La reconnaissance et la normalisation des relations avec Israël est la dernière carte dont dispose un prince héritier qui est devenu encore plus impudent qu’auparavant. La reprise des relations saoudo-israéliennes faisait depuis un certain temps l’objet d’un tapage médiatique.
Les propos de Mohammed ben Salmane, dans une interview avec le magazine américain The Atlantic, qui disait croire que « les Palestiniens et les Israéliens ont le droit d’avoir leur propre État », ont mis un point final à toutes les spéculations autour des informations contradictoires.
Or, les réactions ont été nombreuses. La population, l’élite et les courants religieux et idéologiques saoudiens ont exprimé des opinions diverses. À cet égard, les Saoudiens se partagent en deux groupes : l’un voit en Ben Salmane « un leader autoritaire et un protecteur » dont les politiques contribuent au progrès du pays ; l’autre, qui représente la majorité et a toujours défendu la Palestine islamique, a un avis négatif et n’a pas manqué de le faire savoir sur les réseaux sociaux. La plupart des Saoudiens l’ont tourné en ridicule, le qualifiant de « sous-fifre ».
Or, un fossé s’est creusé entre le wahhabisme traditionnel, qui accorde une légitimité aux actions des autorités saoudiennes, et le wahhabisme intellectuel. Ces réactions aux politiques de Ben Salmane ont creusé, selon Raï al-Youm, un fossé entre les deux courants.
Le journal panarabe souligne que les dirigeants du wahhabisme intellectuel issus de l’élite et du cadre enseignant des universités d’Arabie, sont maintenant en prison, pour avoir eu des propos contre le régime et soutenu la cause palestinienne. Il fait notamment allusion au dossier de Salman al-Awdah, professeur et penseur saoudien, qui a dénigré le régime d’Israël dans une vidéo, déclarant : « Il n’y a pas de place dans les territoires palestiniens pour les sionistes. » D’autres personnes, dont Jamil Fars, Awad al-Qarni et Abdul Aziz al-Tarifi, ont été condamnés à des peines d’emprisonnement à la suite de propos anti-israéliens.
Mais parmi eux se trouvent des personnalités associés au mouvement traditionnel du wahhabisme, dont Saleh ben Hamid, Abdul Aziz Al Cheikh, Saleh al-Fawzan et Saad ibn Nasser ash-Shathri, d’anciens défenseurs de la cause palestinienne, mais qui lui ont subitement tourné le dos ; cette cause étant, selon eux, dépourvue d’intérêt idéologique et de courte durée.
Les dernières déclarations du prince héritier saoudien ont mis de l’huile sur le feu des conflits intellectuels. À la différence que cette fois, les Saoudiens et l’élite ont pris conscience des intentions et de la politique de l’Arabie saoudite envers la Palestine.
Depuis, une vidéo circule sur la toile dans laquelle les propos de certains érudits traditionnels en soutien à la Palestine sont mis en relief et opposés à leur silence actuel. « Avez-vous toujours la même position ? », s’interroge-t-elle.
Les expériences du passé montrent que puisque la décision de l’Arabie saoudite de se rapprocher du régime israélien est définitive, ses dirigeants feront taire l’opposition. Le royaume encourt toutefois tous les risques s’il opte pour des arrestations massives et la répression des opposants, des élites et des oulémas.
Les déclarations de Ben Salmane, lors de sa visite aux États-Unis, ont déclenché une tempête dans le milieu politico-sociale saoudien. Un retour au calme sera plus que délicat.