D’après certains analystes, si les forces pakistanaises étaient déployées en Arabie saoudite, leur mission principale consisterait à protéger les dirigeants saoudiens, dont la position est devenue vulnérable en raison de la purge au sein de la famille royale.
Le journal pakistanais Dawn a parlé le 18 février d’un « mystère saoudien » : au Pakistan, plusieurs hommes politiques ont exigé un débat, et ont demandé des explications au ministre de la Défense.
Dania Akkad, analyste du site Middle East Eye, a écrit le 21 février que plusieurs jours après l’annonce faite par Islamabad de l’envoi bientôt de plus de mille soldats en Arabie saoudite, les détails de cette décision et les raisons de ce déploiement demeuraient obscurs.
Il faut rappeler qu’il y a trois ans, le Pakistan avait refusé d’envoyer des troupes pour participer à l’intervention militaire menée par l’Arabie saoudite contre le Yémen.
Kamal Alam, membre du centre de recherches britannique Royal United Services Institute, a déclaré à Middle East Eye : « Les dirigeants saoudiens craignent peut-être un problème interne. Il se peut qu’ils ne puissent pas faire confiance à leur entourage. Alors, ils font venir des Pakistanais pour les soutenir. »
L’armée pakistanaise a annoncé officiellement que ces nouvelles troupes seraient chargées d’une « mission de formation et de conseil » et qu’elles ne seraient pas déployées en dehors du royaume saoudien, en particulier au Yémen.
Le 19 février, le ministre de la Défense, Khurram Dastgir, a déclaré au Sénat pakistanais que 1 600 militaires de son pays se trouvaient déjà en Arabie saoudite. Cependant, il paraît que les explications de M. Dastgir n’ont pas convaincu certains hommes politiques pakistanais, qui restent perplexes et frustrés.
Le président du Sénat, Raza Rabbani, a estimé que les explications du ministre de la Défense ne clarifiaient pas la décision prise par le gouvernement d’envoyer un millier de soldats en Arabie saoudite. « Je suis désolé, mais ces explications sont inadéquates », a-t-il dit au ministre de la Défense.
Selon le quotidien Dawn, Rabbani a accusé ensuite Khurram Dastgir d’« outrage au Parlement » après que celui-ci a refusé de fournir davantage de détails.
L’absence d’une explication claire de la part du gouvernement et du ministère de la Défense mène certains analystes a spéculer sur la véritable mission de ces troupes pakistanaises en Arabie saoudite : ces troupes pourraient être chargées de protéger les dirigeants saoudiens, suite à la purge au sein de la famille royale et à l’arrestation de nombreux princes sur l’ordre du prince héritier Mohammad ben Salmane, qui les a accusés de corruption.
L’analyste de Middle East Eye rappelle que ce n’est pas la première fois que des troupes pakistanaises sont envoyées en Arabie saoudite pour protéger la famille royale saoudienne. Au début des années 1970, l’ancien roi saoudien, Fayçal ben Abdelaziz, adepte d’un politique étrangère fondée sur le « panislamisme », avait établi de très étroites relations avec le Premier ministre pakistanais de l’époque, Zulfikar Ali Bhutto, à qui il avait demandé le déploiement de troupes pakistanaises en Arabie saoudite.
Par ailleurs, Bruce Riedel, un ancien analyste de la CIA et directeur du centre The Intelligence Project de l’institut Brookings a révélé la semaine dernière qu’en 1982, à la demande du roi Fahd d’Arabie, le général Zia-ul-Haq, alors président du Pakistan, avait envoyé une brigade blindée dans le royaume. Cette brigade avait été envoyée en Arabie saoudite en tant que « force de combat d’élite pour défendre la monarchie contre tout ennemi interne ou externe », selon l’annonce officielle d’Islamabad a cette époque-là.
Bruce Riedel a déclaré au site Middle East Eye que selon lui, ces nouvelles troupes serviraient principalement de garde personnelle au prince héritier, Mohammad ben Salmane, venant ainsi s’ajouter aux gardes du corps royaux.
D’après lui, ces mille soldats pakistanais devraient rester « loyaux envers Mohammad ben Salmane et le Pakistan » et intervenir au cas où ses ennemis prendraient l’initiative « en tentant de l’écarter du pouvoir ou de le tuer ».
« Le prince héritier s’est fait beaucoup d’ennemis en trois ans, dont un grand nombre au sein de la famille royale », estime Bruce Riedel.