L’agence de presse iranienne IRNA a interrogé l’homme politique et intellectuel palestinien Mounir Chafiq sur la situation actuelle dans la sainte ville de Qods.
IRNA: Il est écrit dans la déclaration du Sommet de l’OCI que les pays musulmans mettent l’accent sur Qods-Est en tant que capitale de la Palestine. N’est-ce pas là une sorte de reconnaissance du droit du régime sioniste sur Qods-Ouest ?
Mounir Chafiq: Cette déclaration comporte, d’un point de vue idéologique, un important danger. Parce que la ville entière de Qods est musulmane et palestinienne et que nous ne devrions reconnaître aucun droit au régime sioniste concernant cette sainte ville. Nous devons nous opposer à l’existence même d’Israël [et non pas lui reconnaître une capitale]. Surtout que nous avons été témoins de l’octroi de privilèges unilatéraux à l’autre partie pendant un certain temps. Je ne sais pas ce qui a motivé ce plan d’« initiative arabe » ; un plan qui promet à Israël une reconnaissance de la part des pays arabes en contrepartie de la création d’un État palestinien.
Cela a été une très mauvaise idée. Car ce qui est important, ce n’est pas la formation de l’État palestinien, mais la fin de l’occupation en Cisjordanie et à Qods ainsi que la destruction de toutes les colonies. Ce qui s’est passé en 1967 est considéré comme de l’occupation par tous les pays du monde. Les actions à mener pour libérer [la Palestine] sont légitimes et légales au regard de la communauté internationale tout entière.
IRNA : Les pays qui s’opposent à la décision de Trump voient cette dernière comme sonnant la fin du processus de paix. Mais vous qui n’êtes généralement pas d’accord avec la logique du compromis, pourriez-vous nous expliquer ce point ?
Mounir Chafiq: « La décision de Trump était d’envahir le peuple palestinien et de cibler les droits des chrétiens et des musulmans dans la sainte ville de Qods et dans toute la Palestine. La décision ouvre aussi les mains d’Israël pour faire de Qods une ville juive. Le processus de paix et la solution à deux États ont également nui à l’intérêt des Palestiniens. La décision de Trump est censée conduire à ce qu’on appelle le “deal du siècle”. Les pays arabes qui ont accepté ce deal ont, eux-mêmes, été surpris par la récente décision de Trump ; elle a en effet porté un grand coup aux partisans de Trump dans la région du Moyen-Orient.
IRNA : Mais certaines informations suggèrent que ces pays avaient d’ores et déjà accepté la décision américaine d’identifier Qods comme la capitale du régime d’Israël.
Mounir Chafiq : Ils l’ont nié à plusieurs reprises. Le fait est que le contraire ne leur profiterait pas. Une fois de plus, je souligne qu’il est important d’isoler les États-Unis. La meilleure chose est que toutes les forces [musulmanes] s’unissent dans cette bataille. Si nous arrivons à isoler Trump et Netanyahu, l’équilibre des forces se rétablira dans l’intérêt du peuple palestinien. Il y a une bonne occasion de remporter la bataille aujourd’hui.
IRNA: Est-ce que vous voulez dire par là que la décision de Trump sur Qods est en réalité un danger pour les musulmans qui peuvent la transformer en opportunité ?
Mounir Chafiq: Moi je considère que l’Amérique nous a fait trois cadeaux : premièrement, sa décision a arrêté le processus de réconciliation et la solution à “deux États” qui signifiait en réalité la fin de la question palestinienne. Deuxièmement, elle a conduit à reconsidérer la question palestinienne à la racine et de savoir exactement à qui appartiennent la Palestine et Qods. Et troisièmement, elle a conduit au lancement de la troisième Intifada et à des manifestations immenses dans les territoires occupés, en particulier en Cisjordanie et à Qods.
Ces zones étaient toutes opposées aux occupants sionistes, mais la coopération (entre l’AA et le régime sioniste) empêchait le lancement d’un important mouvement populaire. La décision d’aujourd’hui a encouragé les Palestiniens à affronter l’ennemi israélien avec pour objectif d’abolir inconditionnellement l’occupation.
IRNA : Est-ce que vous pensez que les conditions sont réunies pour la réussite de cette troisième Intifada ?
Mounir Chafiq : Les conditions de base de l’Intifada sont là. Nous assistons à la préparation de la troisième Intifada. Depuis octobre 2015, les Palestiniens ont donné 340 martyrs et ont mis Israël dans une crise majeure. Nous ne devons pas oublier les changements de l’été dernier, lorsque l’ennemi a retiré sa décision d’installer des portes électroniques à la mosquée d’al-Aqsa. Durant cet événement, les Palestiniens ont été forts et ont fait comprendre à Netanyahou que quand ils descendent dans la rue, celui-ci doit battre en retraite. Sharon a d’ailleurs été forcé de se retirer de Gaza.