En février 2015, le président russe Vladimir Poutine s'est rendu au Caire pour y rencontrer son homologue égyptien, Abdel Fatah al-Sissi. La visite a été de loin un franc succès à tel point que certains médias occidentaux sont allés jusqu'à évoquer la réouverture d'une ancienne base soviétique en Égypte, sur le littoral de la Méditerranée. Par la suite, al-Sissi s'en est allé à trois reprises à Moscou pour consolider ce qui a tout pour ressembler à un partenariat durable russo-égyptien, comme au bon vieux temps qu’était l'époque de Ghamal Abdel Nasser.
Au Caire, Poutine comptait donc enfoncer les clous et il a réussi sa mission vu le nombre de contrats signés de part et d’autre. Mais il y a eu plus que cela : le redoutable « inverseur de situation » qu'est Poutine a sans doute bien ri dans sa barbe quand il a entendu le balourd président US annoncer la ville palestinienne et musulmane de Qods capitale de l'entité d'Israël.
Sans prévenir les médias, Poutine a décidé de faire une escale en Syrie et plus précisément à Lattaquié, là où la Russie a planté en 2014 sa base aérienne pour envoyer ses Topolev et ses Sukhoï bombarder les positions des terroristes takfiristes. Assad a reçu Poutine et les deux hommes ont rencontré les officiers russes en mission en Syrie.
Pourquoi cette escale ?
Pour de nombreux analystes, Poutine a voulu d’abord répondre à la France qui par voix de son ministre des Affaires étrangères, a refusé en bloc de reconnaître le rôle de la Russie dans la défaite de Daech. Jean-Yves Le Drian a accusé Poutine de « s’être accaparé » de la victoire contre le terrorisme dont les mérites reviennent, selon ses termes, à « la coalition internationale ». En Occident personne n’a contesté l’énorme décalage qui existe entre les propos de M. Le Drian et la réalité. Mais en Russie, la pilule a du mal à passer : C’est sans doute en réponse à cette « infamie » que l’homme fort du Kremlin a fait sa halte syrienne pour rappeler à la bonne mémoire des Français et des Américains que sans les bombes russes, al-Nosra, Daech et Cie, que défendaient avec ardeur Laurent Fabius et François Hollande, auraient peut-être mis encore longtemps avant de totalement disparaître non pas seulement de la Syrie, mais aussi du sol français.
Mais la mission de Poutine ne se réduit pas à cette réponse. À Lattaquié, il a annoncé le retrait des militaires russes comme pour réaffirmer noir sur blanc que la « Russie n’est pas de ceux qui abandonnent leurs alliés en cours de route ». Il y a tout un message pour les régimes arabes à percevoir à travers ce geste : En reconnaissant Qods comme capitale de l’entité fantoche sioniste, Trump a ouvert une énorme brèche, une de plus, où il compte sans doute s’engouffrer aux dépens des États-Unis. Car tout compte fait, ces derniers se sont volontairement éliminés de l’équation proche-orientale en faisant le coup de Qods. Et ce n’est sans doute pas l’Égypte d'al-Sissi ou la Jordanie d’Abdellah, voire même l’AP d’Abbas qui lui refuseraient ce rôle.
Mais qu’en est-il d’Israël ?
Bien que Tel-Aviv se targue d’avoir de bons rapports avec Moscou, il est peu probable que Poutine se montre aussi bon et flexible que Trump à l’endroit de l’expropriateur israélien. En Syrie, Poutine a montré à quel point il est prêt à sacrifier Israël sur l’autel des intérêts suprêmes de la Russie. À Qods, il en fera de même…
La vidéo montre la réunion entre Vladimir Poutine, ses officiers et Bachar al-Assa en Syrie.