La pression internationale s'est accrue ces derniers jours sur la Birmanie face à la dégradation de la situation humanitaire au Bangladesh, étranglé par l'afflux de près de 389.000 Rohingyas fuyant les violences, l'ONU n'excluant pas un "scénario du pire".
Le Parlement européen, "gravement préoccupé", a adopté une résolution demandant à l'armée de "cesser immédiatement" ses exactions, alors que les récits des réfugiés font l'écho de massacres, incendies de villages, tortures et viols collectifs. Il a aussi agité la menace de retirer son prix des droits de l'homme à la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi.
Face à l'ampleur de l'exode, l'ONU n'hésite plus à parler d'"épuration ethnique". Le Conseil de sécurité a réclamé au Myanmar des mesures "immédiates" pour faire cesser la "violence excessive" au Rakhine.
Sur place, dans le sud du Bangladesh, autorités locales et organisations étrangères sont débordées par la marée humaine des réfugiés fuyant la répression de l'armée birmane consécutive à des attaques de rebelles rohingyas.
La communauté internationale doit se préparer au "scénario du pire", a averti jeudi un responsable onusien, à savoir le déplacement de tous les Rohingyas présents dans l'État de Rakhine (ouest) vers le Bangladesh.
Alors que les Rohingyas sont estimés à environ un million, entre 10 et 20.000 franchissent chaque jour la frontière.
Au Bangladesh, nation parmi les plus pauvres de la planète, les collines déboisées à la hâte se constellent de bâches tendues sur des bambous servant d'abris précaires aux familles contre les pluies de mousson.
"Il y a une pénurie aiguë de tout, d'abri, de nourriture et d'eau potable", décrit Edouard Beigbeder, représentant pour l'Unicef au Bangladesh, qui évoque la "tâche monumentale" pour protéger notamment les enfants, qui représentent 60% des réfugiés.
Les violences et discriminations contre les Rohingyas sont allées en s'intensifiant ces dernières années: traités comme des étrangers au Myanmar, un pays à plus de 90% bouddhiste, les Rohingyas représentent la plus grande communauté apatride du monde.
Mais qu’est-il arrivé à San Suu Kyi, pourtant figure de proue de l'opposition à la junte miliaire au pouvoir pendant 50 ans ? Sur le sort des Rohingyas, l’ex-égérie des droits humains garde bouche cousue… Quand elle ne reprend pas la propagande de l'armée. En avril dernier, elle a ainsi nié toute existence d'un "nettoyage ethnique", une expression qu'avait pourtant employée le Haut-Commissariat pour les réfugiés des Nations unies (HCR). Son gouvernement refuse catégoriquement l'envoi d'une mission de l'ONU sur place. Son service de presse, quant à lui, distille ici et là depuis dix jours kyrielle de photos de membres des forces de l'ordre tués à l'arme blanche, le plus souvent accompagnées de commentaires abrupts contre les médias internationaux, accusés de ne pas désigner les attaquants rohingyas comme des "terroristes".
Saïd Zulficar, analyste politique et Philippe Hugon, reporter de guerre nous donnent plus de détails à ce sujet.