Pour empêcher les migrants de s’installer près de Calais, la police asperge leur nourriture et leur couverture de spray de gaz au poivre. L’ONG Human Rights Watch dénonce ces abus dans son dernier rapport.
Le 23 juin, le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb, en visite à Calais, avait rendu hommage aux forces de l’ordre, qui travaillent avec « beaucoup d’humanité » dans des conditions « pas toujours faciles ». Des éloges qui ne correspondent pas à la réalité selon l’ONG de défense des droits de l’homme, Human Rights Watch.
Usage de gaz de poivre, coups de pied, vol de couvertures, contrôles d’identité répétitifs… Neuf mois après la fermeture de la « jungle » de Calais, les violences policières sévissent encore à l’encontre des quelque 500 migrants errant à proximité de la ville.
« C’est comme vivre en enfer », le rapport de l’ONG, publié le mercredi 26 juillet, porte bien son nom. En se fondant sur 61 témoignages de migrants et d’une vingtaine de travailleurs sociaux, l’organisation humanitaire dénonce au cours de 47 pages les multiples violences commises par la police à l’égard des demandeurs d’asile vivant encore aux alentours de l’ancien camp.
HRW signale des « abus de pouvoir » des autorités locales, des « traitements inhumains et dégradants » ainsi qu’une « atteinte aux droits d’accès à l’eau et à la nourriture ».
Parmi ces maltraitances, une en particulier est pointée par l’ONG : l’utilisation fréquente de spray au poivre. Un Éthiopien de 17 ans raconte « Ce matin, je dormais sous le pont. Les policiers sont arrivés. Ils nous ont aspergé le visage, les yeux, les vêtements, le sac de couchage, la nourriture. Il y avait beaucoup de gens endormis. La police a tout recouvert de gaz au poivre. »
Un triste témoignage parmi tant d’autres. Selon l’ONG, une trentaine d’enfants sont régulièrement exposés à ce genre violences. Biniam T., jeune adolescent, rapporte à son tour :
« S’ils nous trouvent quand nous dormons, ils nous aspergent de gaz puis ils prennent toutes nos affaires. Ils font ça tous les deux ou trois jours. Ils viennent et prennent nos couvertures. »
Waysira, un Éthiopien ajoute : « Chaque jour, la police nous poursuit [...], ils nous donnent des coups de pied. C’est ça notre vie, tous les jours. »
HRW dénonce fermement ces brutalités. La présidente de l’ONG, Bénédicte Jeannerod, estime que ces conduites « visent à faire fuir les migrants et à les dissuader de se rendre à Calais ». Et l’ONG de rappeler :
« Selon les normes internationales, la police ne doit avoir recours à la force que lorsque cela est inévitable, et alors uniquement avec modération, en proportion avec les circonstances, et dans un objectif légitime de maintien de l’ordre. »
Le rapport note également un harcèlement des migrants via des contrôles d’identités répétitifs.
Ce rapport accablant remet en cause la promesse du président Macron d’adopter une approche humaine à la question des réfugiés et des demandeurs d’asile. Début juillet, le gouvernement avait pourtant annoncé « des initiatives visant à améliorer l’accès aux procédures de demande d’asile et à fournir des logements supplémentaires et d’autres aides aux demandeurs d’asile et aux enfants non accompagnés », avance l’ONG.
Afin de mettre fin à ce calvaire des migrants de Calais, l’ONG exhorte le ministère de l’Intérieur et les autorités municipales à interdire immédiatement le recours au gaz au poivre et réclame également l’installation de points de distribution d’eau potable, de toilettes et de douches.
Source : Le Nouvel Observateur