L’éditorialiste de Rai al-Youm, Abdel Bari Atwan, s’est prononcé sur la chaîne Al-Mayadeen depuis Londres, sur les positions hostiles des médias saoudiens et émiratis contre le Qatar.
Une campagne sans merci a été lancée par l'Arabie saoudite contre le prince qatari. Le déclencheur direct de cette campagne a été une série de déclarations attribuées au prince Tamim Ben Hamad, et dans lesquelles il a critiqué l’hostilité qui a été affichée contre l’Iran lors du sommet de Riyad, dimanche dernier, après avoir répliqué aux accusations de soutien au terrorisme proférées contre son pays, rapporte Al-Manar.
Les attaques politiques et médiatiques des chaînes Al-Arabiya et Sky News contre le Qatar sont impressionnantes. L’enregistrement sonore d’une conversation de l’ancien Premier ministre qatari dans laquelle il dénigre l’Arabie saoudite a été diffusé. Même les analystes saoudiens et égyptiens présents sur leurs plateaux ont accusé le pays de soutenir le terrorisme.
Bien que le Qatar ait récusé les accusations proférées à son encontre, la guerre médiatique continue. Les soupçons de sombres manigances se confirmeraient, estime Atwan.
Les relations entre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, l’Égypte et le Qatar sont le moins que l’on puisse dire bien empoisonnées. Avant ce tapage médiatique, il y a eu le sommet de Riyad où l’émir du Qatar n’a pas brillé par sa présence, d’où l’ignorance des représentants émiratis, bahreïnis et saoudiens. La rencontre entre Tamim ben Hamad Al-Thani et Donald Trump a été dominée par des tensions sous-jacentes causées par le sujet du terrorisme et le soutien du Qatar aux groupes intégristes.
Atwan évoque ensuite un article paru dans la revue Foreign Policy signé John P. Hannah, conseiller de l’ex-vice-président américain Dick Cheney. Il met en exergue les positions équivoques du Qatar : à l’époque où les avions américains ont décollé de la base militaire d’al-Adid, à l’ouest de Doha, pour bombarder les forces de l’ancien régime de Saddam Hossein, la chaîne télévisée Al Jazeera a incité le meurtre des Américains en Irak. Dick Cheney cherchait aussi à transférer la base d’al-Adid.
Aujourd’hui, les Saoudiens et les Émiratis ont un plan qui va dans le même sens, pour retirer tout soutien au Qatar. Les accusations de soutien au terrorisme pourraient être le prélude à un plan d’avenir beaucoup plus tortueux. Le Qatar serait alors tenté de modifier ses positions, voire de « se remodeler » en stoppant les aides à certains groupes en Syrie, au Hamas et à son chef en exil à Doha, Khaled Machaal.
L’éditorialiste d'origine palestinienne précise que la guerre médiatique lancée par les médias arabes contre le Qatar voudrait donc lui signifier deux choses : soit il doit conformer sa politique avec celle de ses détracteurs – à savoir l’Égypte, Bahreïn, l’Arabe saoudite et les Émirats – soit il doit se retirer du Conseil de Coopération du golfe Persique (CCGP). « Le Qatar soutient l’Iran. Il abrite l’ancien chef du Hamas, alors que Donald Trump a dernièrement considéré à Riyad les deux mouvements du Hamas et du Hezbollah comme groupes terroristes, sans qu’aucun des représentants des 56 États présents au sommet ne manifeste la moindre objection. Une honte immense pour ce sommet ! », a-t-il affirmé.
« Le Hezbollah qui a libéré les territoires libanais occupés par Israël et vaincu ce régime en 2006, est-il une organisation terroriste, se demande Atwan. Ces mouvements ont déjà perdu des milliers de combattants morts en martyr pour la libération de leur pays, le recouvrement de la digité de leurs peuples. Il faut en être fier. »
Atwan évoque aussi le soutien du Qatar aux Frères musulmans, ce soutien allant diamétralement à l’opposé des politiques de Bahreïn, de l’Arabie saoudite et des EAU.
Le Qatar est membre de la coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite contre le Yémen. Ses relations avec les autres pays membres étant envenimées, sa coopération au sein de la coalition ne relèverait que d’un geste purement symbolique.
Ce sont en somme les raisons de l’opposition massive au Qatar. Le temps nous dira si ce pays se pliera aux exigences de cette cohorte de régimes arabes ou prendra le risque de préserver une politique étrangère indépendante.