Lors de son tout récent discours, le secrétaire général du Hezbollah s’est félicité des "évolutions positives" qui sont sur le point de se produire sur les frontières orientales entre la Syrie et le Liban.
" Ce sont des frontières parfaitement sécurisées. Nos forces ont pris position pendant de longs mois dans ces régions et ont éliminé de nombreux terroristes. Il ne reste plus aucune poche terroriste qui nous résiste. Nous avons atteint nos objectifs sur nos frontières orientales avec la Syrie. Nous irons démanteler nos bases et ce sera désormais le gouvernement libanais qui en prendra le contrôle sécuritaire. Il est vrai que la Résistance libanaise s'est déployée à Ersal et sur les monts de l'est du Liban à un moment crucial quand ces régions étaient infestées par des milliers de terroristes takfiristes. Ce fut à partir des frontières de l'Est que les terroristes envoyaient leurs kamikazes à Zahiya, bastion du Hezbollah dans le Sud."
Et c'est d'ailleurs pour cette même raison que l'annonce du retrait du Hezbollah de ces localités a suscité l'étonnement : En l'absence du Hezbollah dans l'Est, qu'adviendra-t-il des terroristes de Daech et d'al-Nosra qui restent retranchés à Ersal et à Ras al-Baalbek ou encore sur les monts de Qalamoun, limitrophe d'Israël?
La réponse relève d'une nouvelle stratégie qu'a adoptée le Hezbollah et qui n'est pas totalement étrangère aux évolutions en cours dans la région : le Hezbollah n'a plus besoin de préserver ses positions dans cette vaste région. Conserver ses positions à Ersal et sur les monts orientaux reviendrait à s'y implanter à titre d'une armée régulière avec le même nombre d'effectifs et les mêmes moyens. Or le Hezbollah, organisation spécialisée dans des combats asymétriques, préfère rester fidèle à son origine et innover ses tactiques de combat dans le sens de l'ultime confrontation qui l'opposera tôt ou tard à Israël, au lieu de se faire "clouer au sol". Et ce d'autant plus qu'Ersal ne pose plus aucun danger en termes sécuritaires.
À vrai dire, le Hezbollah a les yeux rivés vers Qalamoun, région dont il entend faire la sienne et y étendre sa profondeur stratégique. Certains milieux n'écartent pas l'existence des projets balistiques qui doteraient le Hezbollah des stocks de missiles à Qalamoun. Et puis cette région si proche d'Israël pourrait servir de base à des opérations destinées à contrer des opérations héliportées. Cette perspective conduit le Hezbollah à faire tout pour ne pas disperser ses effectifs et essayer de les utiliser sur des fronts bien précis.
Interrogé par Sputnik, l'analyste Salem Zahran affirme : "Quand le Hezbollah a décidé de déployer ses forces en Syrie, il a très clairement annoncé sa mission : il voulait ni plus ni moins empêcher les infiltrations terroristes depuis la Syrie vers le Liban. La décision du retrait d'Ersal que vient de prendre la Résistance est un "pas stratégique géant" dont les aspects ne sont pas connus. C'est un pas qui a défaussé bien des calculs dans le camp adverse. En effet, le Hezbollah a accompli avec succès le volet "libanais" de sa stratégie. Engagée en Syrie, la Résistance n'a eu cesse de dire qu'elle y était, dans le cadre d'une mission précise et qu'une fois celle-ci remplie, elle sera de retour. Et bien, le volet libanais de sa mission, le Hezbollah l'a réussi en sécurisant le secteur de l'Est libanais à travers une étroite coopération avec l'armée syrienne.
Aucun des villages et des localités syriens ou libanais dont se retire le Hezbollah n'est en danger. Les terroristes y sont hors d'état de nuire.
Mais une chose est sûre : la crise syrienne n'est pas à deux pas de son règlement. Le plan de démembrement des États-nations de la région se poursuivra avec en toile de fond les projets tramés pour piller les richesses de la région. Le Hezbollah sait que ses capacités devront servir à endiguer ce plan aux dimensions régionales. Pour l'heure, le danger s'éloigne des frontières libanaises et syriennes et le Liban ne risque pas de connaitre le même sort que l'Irak et la Syrie.
Sa priorité va donc dorénavant à cet aspect "régional" de la crise syrienne : pour la Résistance, quelle que soit la partie qui s'engage dans ce dossier fort complexe, l'ennemi principal reste Israël : entre les combattants du Hezbollah et l'armée libanaise d'une part et l'armée israélienne de l'autre, il y a un équilibre de force basé sur le principe de dissuasion. Cet équilibre signifie que le Hezbollah se tient toujours prêt à braver une agression militaire israélienne. Mais il est peut-être grand temps que cet équilibre-là change et que les rapports de force se penchent du côté de la Résistance. Le retrait de celle-ci d'Ersal et des montagnes de l'Est libanais s'inscrit surtout dans cette nouvelle vision qui est celle d'un Hezbollah érigé en "acteur régional".