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L’Afrique, Djibouti et l’obsession wahhabite

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Ismaïl Omar Guelleh, le président djiboutien. (Archives)

À l’avenir, la diplomatie des pays africains, dont beaucoup « mangent à tous les râteliers », se dirigera-t-elle vers une nécessaire refonte des alliances ?

La conférence de Berlin, de novembre 1884 à février 1885, marque le début de la domination européenne sur l’Afrique. Jusqu’à nos jours, cette sujétion, malgré la décolonisation et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, est bien une réalité. À l’aube du XXIe siècle, alors que nous assistons à une nouvelle configuration opposant le bloc occidental et l’axe souverainiste mené par la Russie, la Chine et l’Iran, l’Afrique redevient un terrain de jeu pour les volontés hégémoniques des puissances occidentales. Soudoyés çà et là par des puissances étrangères ayant leurs propres logiques impérialistes, les États africains peinent à se positionner par rapport aux deux camps qui dominent la sphère internationale, d’une façon qui irait dans le sens de leurs intérêts nationaux. Dans ce contexte d’imminente guerre mondiale, l’Afrique sera-t-elle la chair à canon des puissances mondialistes comme cela fut le cas dans le passé ? Ou bien parviendra-t-elle à clairement définir ses politiques extérieures en fonction de ses propres intérêts géopolitiques ? En tout cas, l’exemple que nous allons évoquer démontre, sinon la subordination de l’Afrique aux puissances mondialistes, du moins l’immaturité africaine dans ce contexte exceptionnel.

Complexe dû aux réalités historiques (esclavage et colonisation) ? Décision alimentaire dictée par la pauvreté ? Ou simple manque de clairvoyance de pays qui, méconnaissant la différence entre le sunnisme et le mouvement hérétique wahhabite, pensent faire preuve de solidarité confessionnelle ? Quatre États de l’Afrique orientale, à savoir le Soudan, Djibouti, les Comores et la Somalie, ont rompu leurs relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran en 2016, sans doute en obéissant servilement aux injonctions de l’autocratie des Saoud. Comment expliquer cette diplomatie contre-nature ? Au nom de la religion nous dit-on ? Les Saoudiens respectent-ils les peuples noirs musulmans chez eux ? Certes non, ils les traitent comme des « sous-hommes » et ceux parmi nous qui ont visité à la fois l’Arabie saoudite et l’Iran confirment bien que les Noirs de la rive orientale de la mer rouge sont mieux accueillis à Téhéran qu’à Riyad.

Quelles logiques dictent à ces États africains de s’allier à un laquais des États-Unis qui n’a pas le moindre respect pour leurs propres ressortissants ? Est-il cohérent de vouloir combattre le terrorisme chez soi, comme le prétend la Somalie, tout en entretenant les meilleurs rapports avec les parrains idéologiques et financiers des Shebab ? Pourquoi ces États s’alignent-ils sur la politique étrangère d’un pays qui est la source de leur propre malheur ? On reste pantois devant une telle incohérence. En effet, l’Arabie saoudite n’est rien de plus qu’un agent de la politique américano-sioniste dans la région arabo-musulmane. Depuis les années 1960, ce larbin de l’Empire combat avec zèle quiconque cherche à résister à la domination occidentale, une domination qui a pillé les ressources de l’Afrique et causé l’oppression de ses masses populaires.

D’un point de vue géopolitique, ces pays — la Somalie, Djibouti, les Comores et le Soudan — n’auraient-ils pas plus à gagner en rompant leurs relations diplomatiques avec la monarchie saoudienne plutôt qu’avec la République islamique d’Iran ? Car l’irrésistible ascension de l’Iran comme puissance régionale et mondiale est une évidence dont témoigne l’accord nucléaire signé avec les puissances mondialistes. Par le rôle majeur qu’elle joue dans la lutte contre le groupe terroriste Daech, la RII s’est imposée comme un acteur majeur dans la région et toute tentative de vouloir l’isoler reste vaine. Après avoir lutté pour sa survie pendant plus de 30 ans, l’Iran attire aujourd’hui tous les gros investisseurs du monde, qui souhaitent profiter des immenses opportunités qu’offre son marché intérieur.

En première ligne contre Daech en Syrie et en Irak, solidement implantée au Liban via son allié le Hezbollah, la RII suscite un vent de sympathie dans les ex-Républiques musulmanes soviétiques, en Amérique latine et en Afrique. Ces nouvelles amitiés, l’Iran les doit aux relations sincères qu’il noue avec toutes les nations, en respectant les choix politiques des peuples ainsi que leurs coutumes.

Comme l’a mentionné le panafricaniste Kémi Seba, il est temps pour l’Afrique de renouveler ses alliances au risque de voir les puissances occidentales revenir à leur ancienne méthode de domination, c’est-à-dire de recourir à une énième occupation militaire. Les pays africains doivent se rapprocher de ceux qui respectent leur dignité, leurs choix politiques et leurs ambitions en matière de développement économique. Et l’Iran figure en bonne place parmi les pays qui défendent une telle approche. Rappelons que la décision de ces quatre États africains de rompre leurs relations diplomatiques avec la République islamique d’Iran n’était point l’expression des masses populaires, mais avait été imposée par les Saoud à des dirigeants fantoches qui ont mis leurs propres pays en coupe réglée. Toutefois, la forte sympathie que les masses populaires ressentent à l’égard de la République islamique d’Iran est indéniable. Par son humanisme, son courage et sa lutte d’arrache-pied pour défendre sa souveraineté face aux puissances impérialistes, elle s’est imposée comme un modèle à suivre pour les pays africains en quête d’indépendance.

Article rédigé par Ali Moussa pour Press TV français

Ali Moussa est un chercheur et doctorant djiboutien en sciences politiques

 

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SOURCE: FRENCH PRESS TV