Qui est le plus grand perdant des élections américaines au Moyen-Orient? C'est sans doute en Syrie où la complexité des rapports de force n'est un secret pour personne qu'il convient de chercher la réponse.
Le site égyptien Al-Badil évoque dans ces colonnes "le choc" qu'a provoqué l'élection surprise de Donald Trump face à la candidate démocrate que tous les sondages donnaient pour gagnante.
"Le 45ème président va prendre ses fonctions le 20 janvier prochain alors que le Moyen-Orient est une zone en conflit et que des politiques de Washington dépendront beaucoup des évolutions à venir. Mais vers où tournera l'Amérique de Donald Trump? Plus vers la Russie que l'Arabie saoudite. Et ce fait ne va pas servir les intérêts de Riyad.
S'il y a un dossier où l'Arabie saoudite peut prétendre tenir tête à la Russie, c'est bien le dossier syrien. Les démocrates ont attribué à Riyad le rôle de figurant dans le dossier syrien. L'Arabie saoudite a largement soutenu Daech et d'autres groupes qui s'abreuvent dans la pensée wahhabite, ce qui lui a valu l’énorme sympathie d'Obama et une certaine mansuétude de la part de l'administration US.
Mais Obama a aussi joué la carte "saoudienne" contre la Russie et les efforts entretenus par cette dernière pour empêcher le reversement d'Assad, allié du Hezbollah et de l'Iran.
La victoire de Trump va renforcer l'aile "droitière" des Etats-Unis au Moyen-Orient et dans le monde. Trump n'a jamais caché son antipathie pour l'Arabie saoudite, allant même jusqu'à la menacer de punition si elle et ses alliés du Conseil de Coopération n'appliquaient pas les ordres de Washington.
Au cours de l'un de ses meetings, Donald Trump a même exigé que l'Arabie saoudite et ses satellites envoient des troupes au sol en Syrie sous peine de se voir imposés des sanctions économiques. Trump a même laissé entendre que sans le soutien de Washington, l'Arabie saoudite irait imploser ! Ces prises de position d'avant la victoire de Trump feraient pencher la balance en faveur d'Assad et ses alliés.
Il se peut que le nouveau président américain finisse même par se résigner à ce qu'Assad reste au pouvoir, en l'absence d'une alternative qui puisse remplir le vide, sans que Daech et d'autres groupes extrémistes, comme le souhaite Riyad, prennent le pouvoir à Damas.
Certes, les Etats-Unis refusent toujours de faire la distinction entre les "bons" et les "mauvais" terroristes, n'empêche que Trump au pouvoir, l'Amérique aura une approche moins hostile à l'égard d'Assad. Car Trump s'oppose d'emblée à une intervention militaire en Syrie tout en souhaitant en découdre avec Daech.
Déjà que l’administration Obama n'a pas été trop tendre avec Riyad, elle qui a adopté la loi "Justa" dans l'objectif de nuire à l'Arabie saoudite. Avec Trump, s'ouvrira l'ère de toutes les incertitudes en ce qui concerne les relations Riyad-Washington. Le nouveau président n'a pas hésité à assimiler "l'Arabie saoudite" à une "vache" à laquelle il faudrait "couper la tête, une fois que le lait n'est plus". Cette métaphore cynique veut tout dire: il est grand temps que l'Arabie saoudite paie le prix fort de son suivisme envers Washington.
Trump et Poutine
Mais qui est le vrai gagnant de la présidentielle US au Moyen-Orient? La Russie à n'en pas douter... Surtout que l'administration démocrate sortante avait obstrué l'horizon des relations russo-américaines au point de rompre le dialogue avec Moscou dans le dossier syrien. Or, Trump va dans un sens diamétralement opposé aux démocrates en ce qui concerne les relations avec la Russie.
Les analystes relèvent d'ailleurs le rôle qu'a joué Moscou dans la victoire de Trump, en révélant des e-mails de la candidate démocrate via le site WikiLeaks. La Russie a fait perdre à Hillary Clinton la confiance de son électorat traditionnel. Certes, Trump nie en bloc tout compromis avec la Russie à ce sujet mais n'a pas caché son intention de donner un nouveau départ aux relations avec Moscou, une fois qu'il a franchi les portes du bureau ovale. Aucun des discours du nouveau président n'a porté des accents anti-russes. L'image qu'il détient de Poutine a davantage du positif que du négatif.
Force est de constater qu'en Syrie, l'homme fort du Kremlin a marqué un très bon point, au détriment évidemment de ses adversaires.