Pourquoi les Etats-Unis, la France et l'Otan ont annoncé leur intention de lancer une opération simultanée contre Mossoul en Irak et Raqqa en Syrie? Ils disent aussi vouloir faire appel aux forces locales. Pourquoi une telle planification? Et surtout, qui va jouer les trouble-fêtes?
La focalisation du camp occidental sur le sort de la ville syrienne de Raqqa, occupée depuis 2014 par les terroristes de Daech prouve une chose: pour les Américains, Raqqa est plus qu'une simple ville à libérer des mains de Daech. Alors que la Turquie continue à poursuivre ses opérations militaires dans le Nord syrien au mépris de la souveraineté de l’Etat, l'Otan a annoncé avoir envoyé ses "AWACS" espionner la Syrie et l'Irak pour le compte de la coalition américaine. C'est dire que les villes de Mossoul et de Raqqa sont désormais liées l'une à l'autre dans l'imaginaire des stratèges américains. Il y a même certains analystes militaires outre-Atlantique qui parlent désormais de "la nécessité de séparer Raqqa du reste de la Syrie" .
Le secrétaire américain à la Défense, Ashton Carter, le laissait d'ailleurs sous-entendre quand il a annoncé au cours de sa visite éclair, la semaine dernière en Irak, qu'il existe en ce moment "des conflits croisés" et qu'il faudrait au plus vite "faire la part des choses".
Ces propos reviennent à dire que les Etats-Unis entendent "écarter la Russie de l'offensive que leur coalition entend mener contre Raqqa". Ce qui veut dire en d'autres termes que "l'armée syrienne se verra privée de son droit naturel de reprendre le contrôle de la ville syrienne de Raqqa aux terroristes".
Les déclarations des officiels français ou membres de l'Otan de ces derniers jours sont toutes allées aussi dans le même sens: les ennemis de la Syrie savent parfaitement quelle importance revêt le contrôle des frontières communes entre l'Irak et la Syrie. Et c'est pour cette même raison que le contrôle de Raqqa et de Mossoul, deux principales villes qui se trouvent sur ces frontières, leur paraissent d'une importance primordiale. Si Raqqa et Mossoul sont libérées par les forces proches de la Résistance, l'Iran verra son influence s'élargir depuis l'Irak à la Syrie puis au Liban.
Le journal libanais AsSafir revient d'ailleurs sur cette perspective et déchiffre le vrai sens des propos des officiels occidentaux: en suivant obstinément la séparation de Raqqa du reste de la Syrie, les pays occidentaux s'obstinent à démembrer ce pays. Damas et Moscou écartés des combats, la coalition américaine parviendra à faire sienne la bataille de la libération de Raqqa. Et alors, ce sera la coalition qui décidera de la composition des forces qui devront participer à cette bataille. Et n'oublions pas la Turquie qui, fidèle à son habitude, continue à pêcher en eaux troubles et à agir dans le nord de l'Irak.
Ce qui suscite au plus haut point les suspicions des Etats-Unis c'est qu'ils savent mieux que quiconque la nécessité d'une force terrestre pour combattre Daech dans l'Est de la Syrie.
Les Kurdes, alliés de Washington, ne sont pas encore assez forts pour ouvrir un front dans l'Est de la Syrie dans le sens des intérêts des Etats-Unis et les tribus ne sont pas assez fiables pour que les Etats-Unis puissent compter sur elles. D'ailleurs la défaite de l'opération héliportée à Boukamal a bien prouvé que la force tribale ne sera jamais un bon allié pour Washington...
Les Etats-Unis seront-ils à même de finaliser leur plan à Raqqa ? La première surprise pour eux est venue de l'Irak lui-même où les forces de mobilisation populaire, Hachd al-Chaabi, viennent d'annoncer être prêtes à libérer Tal Afar.
Or, la libération de Tal Afar pourrait culbuter le plan américain qui consiste surtout à pousser les terroristes de Daech de Mossoul vers l'Est désertique de la Syrie dans l'objectif d'utiliser les terroristes contre l'armée syrienne et la Résistance.
Jawad Al Talibawi, porte-parole de "Asaeb al-Haq”, plus importante composante de Hachd al-Chaabi, a évoqué la mission de ses forces en ces termes: "Nos forces sont chargées d'empêcher les terroristes de Daech et leur chef Al-Baghdadi de quitter l'Ouest de l'Irak vers la Syrie et de couper totalement Mossoul de la Syrie. Ce sera une bataille difficile car nous devrons maintenir nos contacts avec le front ouest. Les frontières de l'Est de la Syrie avec Mossoul sont longues. Nous allons agir en sorte que celles-ci deviennent de vrais pièges pour les terroristes."