Les journalistes français font part de leur vive inquiétude à propos du projet de loi intitulé « égalité et citoyenneté », qui pourrait réduire dangereusement la liberté de la presse, en vidant de son contenu la loi du 29 juillet 1881, sous prétexte de lutter contre les abus sur internet.
Le projet de loi intitulé « égalité et citoyenneté », examiné par le Sénat français depuis le mardi 4 octobre, serait susceptible de vider de son contenu la loi du 29 juillet 1881 et de remettre en cause ce texte fondateur, a indiqué à Sputnik la secrétaire générale et porte-parole du Syndicat national des journalistes (SNJ), Dominique Pradalié.
« Sur le site du gouvernement, on peut lire que ce texte est la traduction législative des mesures issues des Comités interministériels à l'égalité et à la citoyenneté des 6 mars et 26 octobre 2015, et qu'il s'attache à trois priorités indispensables pour retisser les liens de la communauté nationale : la citoyenneté et l'émancipation des jeunes, le logement pour lutter contre la "ghettoïsation" de certains quartiers et l'égalité réelle », a rappelé l'interlocutrice de Sputnik.
Selon Mme Pradalié, « en gros, c'est plutôt vaste », et les sociétés des journalistes (SDJ) se demandent quel rapport tout cela peut avoir avec la liberté de la presse et la loi du 29 juillet 1881.
« Eh bien, dans certains amendements introduits par des sénateurs, on trouve des articles qui pourraient bien réduire drastiquement les libertés de la presse établies par cette loi qui se verrait plus ou moins vidée de son contenu, si l'on en croit la tribune d'une vingtaine de SDJ inquiètes publiée dans Le Figaro vendredi dernier », a-t-elle expliqué.
Et de préciser que dans la partie consacrée à la lutte contre les abus sur Internet, dont elle ne remettait pas en cause l'importance, on trouvait plusieurs mesures qui préoccupaient les journalistes.
Il s'agit tout d'abord, selon la secrétaire générale, de l'abolition de la prescription à partir de trois mois.
« Désormais, les infractions sont donc imprescriptibles. Ce qui établit une discrimination à l'encontre de la presse numérique. Ensuite, c'est la remise en cause du principe selon lequel c'est à celui qui s'estime injurié ou diffamé de préciser exactement où et comment, et de qualifier son délit sans quoi la procédure est nulle. Et enfin, un contournement de notre fameuse loi en autorisant les actions en justice sur simple faute civile : c'est-à-dire que n'importe quel particulier peut exiger des dommages et intérêts pour un article qui lui déplaît », a-t-elle détaillé.
Mme Pradalié suppose que l'idée part d'un vrai désir de lutter contre les abus sur Internet et se rapporte à tout ce qui est diffamation, injure raciste et autres plaies du genre, mais pour les journalistes, il s'agit aussi au passage « d'un projet de loi liberticide, qui met en péril l'un des piliers de la démocratie, consacré par le Conseil constitutionnel et la Cour européenne des droits de l'Homme ».
« Et quand on soulève l'idée que, si on propose ces amendements, c'est au nom de la défense de l'égalité réelle, par exemple, pour lutter contre la propagation de messages à caractère raciste (…), c'est absurde, trois fois absurde », a martelé Dominique Pradalié.
Les observateurs constatent que les sénateurs envisagent de « jeter à la poubelle » le principe de la prescription des délits de presse — à commencer par la diffamation — au bout de trois mois, à compter de la date de publication : sur le support Internet, ces infractions deviendraient, de fait, imprescriptibles, au même titre que les crimes contre l'humanité.
De même, selon ce texte sénatorial, la presse en ligne uniquement disponible sur Internet se trouve totalement discriminée par rapport à la presse diffusée à la fois sur support papier et sur Internet, puisqu'elle sera, par nature, exclue de la prescription trimestrielle et soumise à un risque d'action tant que ses articles seront en ligne.
En mars 2016, Roger Cukierman, alors président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF), avait ordonné au Premier ministre français, Manuel Valls, de prendre des mesures pour « appliquer l'état d'urgence sur Internet ». Selon lui, il s'agissait principalement de lutter contre la « hausse exponentielle » de l'antisémitisme sur ce réseau.
Toutefois, nul n'est dupe que derrière cet antisémitisme qui a décidément bon dos, ce sont les critiques argumentées de la politique criminelle d'Israël qui sont visées. Que ce projet de loi émerge quelques mois plus tard démontre une fois de plus l'inféodation de la France au puissant lobby sioniste, lequel est prêt à tout pour museler toute voix contestataire.
Avec Sputnik