Ces expulsions ont lieu en violation du droit international humanitaire.
Pourtant, les réfugiés devraient être accueillis en Turquie, qui est un pays d'accueil considéré comme "sûr". L'accord entre l'Union européenne et la Turquie stipule que les migrants seraient envoyés vers la Turquie s'ils arrivent sans papiers sur les îles grecques.
Cette disposition de l'accord soulève beaucoup de questions. Questions d'autant plus difficiles qu'Ankara et Paris ont nié en bloc ces expulsions.
La Turquie ne risque-t-elle pas de s'isoler ?
Pourquoi l'UE a-t-elle signé cet accord, alors que la Turquie ne remplit pas les minimas euro-compatibles? Vu de l'autre côté de la frontière, la Syrie est-elle en mesure de reprendre ces réfugiés qui sont ses propres ressortissants ?
L'agence Sputnik a posé ces questions à Gérard Bapt, député socialiste, président du groupe d'amitié France-Syrie et membre du groupe d'amitié France-Turquie, qui s'était rendu en Syrie pour rencontrer le président Bachar el-Assad.
"La Turquie est partie sur une trajectoire isolationniste et dangereuse pour elle-même, bien qu'elle sache faire du chantage pour obtenir des crédits de l'UE en vue de garder des réfugiés sur son territoire, alors même qu'elle a été responsable de la migration subite et majeure de migrants vers la Grèce", a déclaré Gérard Bapt.
Selon lui, Amnesty international soulève le problème juridique du renvoi de réfugiés justifiant l'asile politique vers un pays qui n'est pas considéré comme sûr, puisque c'est une véritable guerre civile qui s'y déroule, à l'initiative de Recep Tayyip Erdogan.
Dans certains secteurs, la Syrie peut reprendre des réfugiés, comme elle l'a déjà fait dans les environs de Lattaquié et Tartus.
"Il n’y a plus de politique cohérente en Europe. Voilà pourquoi l'Allemagne, qui se serait trouvée seule à accueillir cette grande masse de réfugiés avec un tout petit nombre de pays nordiques, a consenti à cet accord, que les autres pays ont suivi", a affirmé le député socialiste.
Interviewée sur les mêmes questions, Patricia Lalonde, secrétaire générale de l'ONG MEWA (ONG œuvrant pour le droit des femmes dans les pays arabes), estime quant à elle qu'il y a une "très grande dangerosité dans cet accord conclu entre l’UE et la Turquie le 18 mars dernier".
"Cet accord prévoit une somme de 3 milliards d'euros que l'UE s'engage à donner à la Turquie afin qu'elle puisse s'occuper des réfugiés qui arrivent en Grèce, et ça prouve à quel point il y a des failles dans cet accord. Depuis le début janvier, la Turquie envoie des milliers de réfugiés syriens, ce qui montre à quel point les Turcs se moquent du monde avec cet accord", estime Patricia Lalonde.
"D'une optique d'une Turquie amie avec tous les voisins, on arrive à une situation où il n'y a plus grand monde qui soutient la Turquie, en dehors du Qatar et de l'Arabie Saoudite. Erdogan ne respecte ni les lois de son pays, ni les lois européennes. Cette histoire de migrants refoulés dans un pays toujours en guerre est interdite par le droit turc, et le droit international", affirme l'interlocutrice de l'agence.
"A moyen terme, si la situation continue à évoluer avec une progression de l'armée syrienne soutenue par les Russes, l'accueil de réfugiés syriens dans leur propre pays devra se faire de façon échelonnée. Pour eux, il est encore risqué de revenir en Syrie", a conclu la militante des droits des femmes dans les pays arabes.
Source: Sputnik