Le monde devra se prémunir davantage contre le risque de «terrorisme nucléaire», estime le patron de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Yukiya Amano, soulignant que la possibilité d’un attentat de ce type, aux conséquences dévastatrices, peut de moins en moins être exclue.
« Le terrorisme se répand et la possibilité que des matériaux nucléaires soient employés ne peut pas être exclu », a indiqué le secrétaire général de l’AIEA dans un entretien exclusif accordé à l’AFP jeudi soir, au surlendemain des attaques terroristes qui ont ensanglanté Bruxelles.
« Les Etats membres doivent manifester un intérêt accru à renforcer la sécurité nucléaire », a-t-il rappelé alors qu’un sommet sur la question doit réunir les dirigeants d’une cinquantaine de pays à Washington les 31 mars et 1er avril, à l’invitation de Barack Obama.
Illustration de ces risques, des centrales nucléaires françaises ont été survolées ces derniers mois et à plusieurs reprises par des drones que l'Etat français dit ne pas avoir identifiés.
Menace nucléaire en Europe?
La police belge a par ailleurs mis la main en décembre, dans le cadre de perquisitions effectuées à la suite des attentats de Paris, sur une dizaine d’heures d’enregistrements vidéo ciblant un haut responsable de l’industrie nucléaire belge.
Outre le risque d’attaque directe sur une des quelque 1.000 installations nucléaires dans le monde, la principale menace provient du vol de matériaux radioactifs, souligne M. Amano.
En une vingtaine d’années, l’AIEA a recensé près de 2.800 cas de trafic, de détention illicite ou de «perte» de telles substances, dont un incident en Irak l’an passé. Et «il est très possible que ce ne soit que la partie émergée de l’iceberg», note le responsable.
Daech peut-il se nucléariser?
Au total, il existe dans le monde suffisamment de plutonium et d’uranium enrichi pour fabriquer l’équivalent de 20.000 bombes d’Hiroshima, selon le Panel international sur les matériaux fissiles, un groupe d’experts.Plus simplement, une organisation comme le groupe Daech pourrait aisément confectionner une «bombe sale», qui répandrait des substances radioactives au moyen d’un explosif classique, s’alarme l’AIEA.
« Des bombes sales seraient suffisantes pour (semer) la panique dans n’importe quelle grande ville dans le monde », relève Yukiya Amano.
Les terroristes takfiristes en guerre contre l'Etat syrien et irakien ont déjà réussi à se procurer du gaz toxique et en faire usage contre les populations civiles. Et dans la mesure où une bombe sale ne nécessiterait pas d’uranium enrichi ou de plutonium et qu'elle pourrait être confectionnée avec des matériaux nucléaires largement répandus dans les hôpitaux ou les universités, des locaux généralement beaucoup moins biens gardés qu’une installation classique, le danger est réel.
Mais ce type de menace reste trop souvent sous-estimé par les Etats, selon le chef de l’autorité nucléaire des Nations unies. « Le plus gros problème provient des pays qui ne reconnaissent pas le danger que représente le terrorisme nucléaire », souligne-t-il.
Mais des législations sont-elles réellement en mesure de contrer les risques du terrorisme nucléaire en Europe? s'interrogent les analystes en allusion aux propos de Amano. " Les auteurs des attaques de Bruxelles ont réussi à passer les maillons de sécurité et à faire exploser leurs engins en plein salle de départ. Il est donc possible pour des terroristes de se procurer de la matière fissile et d'en concevoir des bombes. En ce sens, la solution ne passe pas uniquement par des législations, il faudrait combattre plus sérieusement les terroristes", font remarquer ces experts.
Les pays occidentaux ont longtemps figuré parmi les principaux soutiens des "rebelles armés" en Syrie dont la majorité sinon la totalité est d'obédience takfiriste et wahhabite, soit l'école de pensée dont se réclament les terroristes européens.