La Russie vient de proposer le fédéralisme en Syrie, bien consciente du tollé que cette proposition provoquerait dans les rangs de l'opposition pro occidentale anti-Assad ainsi qu'auprès de la Turquie ou encore en Arabie saoudite.
Car le fédéralisme, s'il voyait le jour en Syrie, il n'y resterait pas et dépasserait bien les frontières syriennes pour toucher au-delà, d'autres pays de la région qui compte au nombre de leurs composantes sociétales de nombreuses minorités linguistiques et confessionnelles.
Alors pourquoi la Russie propose-t-elle la "potion fédérale"? En formulant une telle proposition, les Russes se comportent comme si toutes les parties impliquées dans la crise devaient se rendre à Moscou pour trouver l'ultime issue à la crise. La Russie entend visiblement faire comprendre à qui veut bien le comprendre que son opération militaire ne visait qu'à favoriser la transition et qu'elle est effectivement en quête d'une solution.
Avant jouer la carte de la fédéralisation, Moscou s'est bien doté d'atouts de poids. Ce fut la Russie qui a poussé Washington à accepter la trêve car il y a là l'unique solution pour ceux des syriens qui cherchent vraiment la fin de la guerre. Poutine est bien conscient que le départ d'Assad n'est plus vraiment la préoccupation numéro un de Washington qui dit s'intéresser davantage à la lutte contre le terrorisme. Et c'est là que le bât blesse et que les divergences entre Washington d'une part et ses alliés turc et saoudien de l'autre se portent au grand jour.
Rappelons que les Russes comptent à leur actif des "propositions" similaires qui se sont avérées bien efficaces au bon moment. Le désarmement chimique de la Syrie au moment cette dernière était accusé de gazer les Syriens en est une : A Présent, Moscou a réussi à convaincre Washington de l'opportunité de la trêve bien que les alliés arabes de la Maison Blanche ne cessent d'évoquer la perspective d'une intervention terrestre en Syrie.
Pour les analystes qui suivent de près les évolutions syriennes depuis 2011, la carte "fédéraliste" que vient de mettre sur la table Poutine a toutes les chances d'être la gagnante dans la mesure où elle est apte à pousser les plus farouches des adversaires d'Assad à baisser le ton: Face à la perspective d'un démembrement de la Syrie, les Anti Assad n'auraient d'autre choix que de négocier, s'ils souhaitent vraiment ne pas perdre tout et se réserver au moins un petit part du gâteau. La carte russe contraindra l'opposition extérieur à réfléchir deux fois avant de réclamer la tête d'Assad.
Mais quelles sont les chances de succès de Poutine?
Le jeu russe est très intelligemment tramé aussi bien en termes diplomatiques que militaires, il n'en reste pas moins vrai qu'il faudrait un effacement totale de plus de cinq ans de guerre sans merci de Riyad et d'Ankara contre Damas pour que ces deux ennemis jurés d'Assad lâchent prise. Les efforts russes risquent donc d'arc-bouter sur les réticences tenaces des saoudiens et des turcs. mais la patience de Poutine a des limites. En l'absence d'un compris propre à tirer la Syrie de l'enfer de la guerre, le Kremlin pourrait être tenté de déployer massivement ses troupes en Syrie. C'est là l'ultime menace que les russes pourront brandir sous le nez des Américains qui sont prêts à tout sauf à une confrontation militaire directe contre la Russie.
En retirant leurs forces de la Syrie, les Russes ont tenté d'apaiser les craintes de Washington tout en semant la zizanie dans le camp des ennemis d'Assad. la carte "fédérale" est donc la seconde partie de ce même jeu, partie à même de terroriser Riyad et Ankara et de les contraindre à pousser leurs "agents syriens respectifs" à ne pas jouer les troubles fêtes aux pourparlers de Genève....
