Il a fallu deux jours aux médias français pour annoncer la nouvelle : le président français a décoré vendredi dernier de la légion d’honneur le prince héritier d'Arabie saoudite Mohammed ben Nayef, a indiqué la présidence de la République, interrogée dimanche par l'AFP.
La visite du numéro deux saoudien, qui a été reçu à l'Elysée, était inscrite à l'agenda présidentiel, mais n'a fait l'objet d'aucune communication de l'Elysée vendredi, explique l’agence comme pour justifier le retard. Ce qui veut dire que la présidence française a occulté l’événement avec préméditation.
C’est l’Agence de presse saoudienne SPA qui a été la première à rendre compte de cette visite, signalant qu'a cette occasion avait été reçue cette décoration, la plus haute distinction française.
Le prince héritier, par ailleurs ministre saoudien de l'Intérieur, a reçu cette décoration "au titre de personnalité étrangère, ce qui est une pratique protocolaire courante", a souligné l'entourage de François Hollande. Le président de la République avait lui-même été "décoré de l'ordre suprême du Royaume" lors d'une de ses visites en Arabie saoudite, a rappelé la même source.
Cette décoration a suscité de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux, alors que le régime saoudien mène une guerre meurtrière au Yémen. Ses violations dans ce pays ont atteint un tel niveau d'horreur que l’Union européenne a demandé à ses Etat membres d’arrêter de vendre des armes à la monarchie wahhabite.
De plus, la religion d’Etat de ce pays, le wahhabisme, est celle qui alimente les plupart des organisations terroristes, dont Daesh (Etat islamique), le front al-Nosra, branche d’Al-Qaïda en Syrie, et d’autres groupuscules takfiristes. De nombreux hommes politiques et internautes n’ont pas manqué de le signaler, dont le secrétaire général du Front national, Nicolas Bay, qui a rappelé que « le royaume saoudien finançait le djihadisme ».
Certains internautes ont comparé l'Arabie saoudite à Daesh (Etat islamique), s'indignant que la dynastie des Al Saoud reçoive un traitement de faveur soit traité avec prestige, alors que les exécutions par décapitation battent chaque année des records dans le royaume.
Selon le chercheur Frédéric Pichon, interrogé par le média russe Russia Today, cette rencontre a été ignorée par les médias français parce que le chef de l'Etat ne veut pas faire plonger sa cote de popularité déjà très basse à cause du rôle joué par la monarchie saoudienne dans le conflit qui déchire le Yémen depuis bientôt six mois.
Pichon a déploré que son pays mène la politique de ses clients dans le Golfe.
"Cela paraît caricatural, mais c’est la réalité, et l’on peut même s’interroger sur le fait de savoir si la France n’est pas devenue, d’un point de vue géopolitique, une puissance sunnite. Puisque sur les dossiers syrien, yéménite ou iranien, il semble que la France ait été parfaitement alignée sur les positions des pays du Golfe, notamment de l’Arabie saoudite, pour d’une part commencer par refuser l’accord de juillet 2015 avec l’Iran, pour soutenir la guerre au Yémen et pour contester ou critiquer l’intervention russe en Syrie. On retrouvait quasiment les mêmes communiqués entre les deux pays", a-t-il contesté, durant l'interview avec RT.
Avec Rianovosti