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Neauphle-le-Château: le QG de la Révolution islamique d’Iran

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Image créée par l'intelligence artificielle (IA)

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

Il y a 46 ans, l’Imam Khomeiny séjournait à Neauphle-le-Château, ce village près de Paris, avant son retour triomphal à Téhéran. À la fin des années 1970, cette commune des Yvelines a accueilli l’architecte de la Révolution islamique iranienne. C'est là qu'il a passé ses derniers mois d'exil, après être passé par la Turquie et l'Irak, avant de regagner l'Iran après presque 15 ans d'éloignement imposé par le régime du Shah.

Le séjour de l’Imam Khomeiny dans cette commune a duré 4 mois (116 jours) et beaucoup pensent, ce qui est vrai, que l’exil de l’Imam à Paris a provoqué un changement très positif dans le processus de la Révolution islamique d’Iran.

En effet, l’arrivée de l’Imam Khomeiny à Paris, le 6 octobre 1978, donne une résonance internationale à la direction religieuse du mouvement. Elle est amplifiée par les médias et les intellectuels occidentaux qui s'enflamment pour l’Imam Khomeiny et son mouvement révolutionnaire. Les messages de l’Imam Khomeiny sont diffusés dans le monde entier : Neauphle-le-Château devient alors le quartier général de la Révolution islamique iranienne.

Le 1er février, l’Imam Khomeiny rentre à Téhéran par un vol spécial d'Air France au terme d’un parcours de 15 ans, aboutissant à la victoire de la plus grande révolution du 20e siècle, celle qui renverse l'ordre géopolitique au Moyen-Orient voire dans le monde et les effets de ce bouleversement se font encore sentir 46 ans plus tard.

L’émigration de l’Imam Khomeiny de l’Irak à Paris

Après 15 ans d’exil, en Turquie et en Irak, le régime Baath de Bagdad met pression sur l’Imam Khomeiny pour qu’il quitte le sol irakien. La France est le pays qui accueille le fondateur de la Révolution islamique pendant quatre mois.

Le vendredi 6 octobre 1978, un avion en provenance de Bagdad atterrit à Paris. Sur la passerelle apparaît un homme qui, quatre mois plus tard, renverse une monarchie de trois millénaires en vue de bâtir la première démocratie iranienne.

Mais quelle est l’origine de ce déplacement historique de l’Imam Khomeiny en France et quelles sont les conséquences de ce séjour de quatre mois pour le rayonnement de la Révolution islamique ?

En 1978, au cours d’une entrevue à New York entre les ministres iranien et irakien des Affaires étrangères la décision fut prise d’expulser l’Imam Khomeiny d'Irak. A cette époque, Bagdad, après une période d’hostilité, envisageait de renouveler ses liens avec le régime du Shah.

Le 24 septembre 1978, les forces baasistes assiégèrent la maison de l’Imam à Najaf. Le chef de l’organe sécuritaire irakien déclara lors de leur rencontre à l’Imam que la poursuite de son séjour en Irak était subordonnée à son abandon de la lutte et à sa non-intervention dans la vie politique. L’Imam conformément à son sentiment de responsabilité à l’égard de la Nation islamique lui répondit fermement qu’il ne demeurerait pas silencieux et que cela resterait non négociable.

Après avoir prononcé son discours devant un groupe d’étudiants sur la situation en Iran et sur la réforme américaine du Shah l’Imam Khomeiny quitta Najaf le 4 octobre avec comme objectif de rallier la frontière du Koweït.

Sur la même ligne que le régime iranien, l’Etat koweïtien empêcha l’entrée de l’Imam sur son territoire.

Finalement après s’être concerté avec son fils Ahmad, l’Imam Khomeiny qui avait déjà parlé auparavant d’une immigration au Liban ou en Syrie décida d’immigrer en France.

Il adressa un message à la Nation iranienne à l’occasion du début de l’année scolaire et arriva à Paris le 6 octobre. Deux jours plus tard il s’installa dans une maison de Neauphle-le-Château en banlieue de Paris dont le propriétaire était d’origine iranienne.

Un fonctionnaire du Palais de l’Elysée notifia aux représentants de l’Imam, le refus du président de la République française de le voir participer à une quelconque activité politique.

Lors des entretiens avec les représentants de l’Etat français sur la liberté d’expression et d’action en France, ils mirent eux aussi fermement en exergue le fait que de telles restrictions s’opposaient à toute prétention dite démocratique, et que si l'Imam était obligé de partir de cet aéroport vers un autre aéroport et de ce pays vers un autre pays il n’abandonnerait pour autant aucun de ses objectifs.

Valéry Giscard d’Estaing, alors président de la République française, écrivit dans ses mémoires qu’un ordre d’expulsion de l’Imam fut émis mais que les agents politiques du Shah actuellement réduits à l’impuissance entrevirent au dernier moment la forte probabilité d’une réponse ferme et incontrôlable du peuple et se déchargèrent de toute responsabilité concernant d’éventuelles répercussions en Iran et en Europe.

Le régime Pahlavi s’imaginait que le mouvement de la Révolution allait s’affaiblir avec le départ de l’imam Khomeiny pour la France. Cependant, l’émigration du fondateur de la Révolution islamique à Paris et l’influence particulière de l’environnement français, avait plutôt permis à la révolution de l’année 1978 d’avancer rapidement.

Neauphle-le-Château, un nom familier pour la Révolution islamique

« Le nom de Neauphle-le-Château est enregistré à jamais dans l'histoire des relations franco-iraniennes. Le peuple iranien se rappellera toujours de l'hospitalité du peuple français et de l'accueil qui a été réservé à l'Imam Khomeiny, guide suprême de la Révolution islamique et fondateur de la République islamique d'Iran. Au cours de son séjour de 4 mois, l'Imam Khomeiny, en poursuivant sa lutte par le biais de discours, d'interviews et d'enregistrements sonores, a guidé la Révolution islamique en Iran et le 11 février 1979, dix jours après son retour triomphal à Téhéran, le monde entier fut témoin de la victoire de la Révolution islamique en Iran. », peut-on lire sur une plaque installée à l'entrée du parc de Neauphle-le-Château où organise chaque année l’ambassade d’Iran en France une cérémonie en vue de commémorer ce point marquant de l’histoire des relations irano-françaises.

L’Imam Khomeiny après son arrivée sur le territoire français et en dépit des efforts dans un premier temps de la République française afin d’empêcher ses activités politiques, avait pu profiter de l’environnement propice pour exercer ses activités politiques et faire une propagande efficace.

Les différentes interviews avec les journalistes et les agents de presses internationaux, l’insertion du texte de ses discours et des informations sur le mouvement dans les presses et la diffusion sur les télévisions françaises et des autres pays européens d’une partie de ces discours et de ces informations, avaient offert une occasion en or et exceptionnelle à l’Imam pour expliquer et propager les objectifs et la stratégie du mouvement islamique iranien et avaient favorisé la mondialisation du mouvement ainsi que la dénonciation de la nature inhumaine du régime Pahlavi et l’égocentrisme de Mohammad Reza Pahlavi.

En plus de l’utilisation des médias de masse et des appels téléphoniques, la communication normale, les visites et les entretiens se faisaient également sans contrôle et sans obstacle. Le séjour à paris offrait la possibilité aux combattants et à l’Imam Khomeiny de se rencontrer facilement puis de discuter face à face et côte à côte des affaires de la révolution.

Ainsi, avec le temps et l’espace favorables, et avec la fourniture des outils pour les activités politiques, Neauphle-le-Château s’était transformé en un centre de communication et de rencontre avec l’Imam Khomeiny et de prise de décision contre le régime Pahlavi.

Durant ces quatre mois de résidence de l’Imam à Paris, Neauphle-le-Château devint le sujet central de l’actualité dans le monde. L’Imam répéta lors des nombreuses interviews et entrevues qu’il donna ses points de vue au sujet du gouvernement islamique et des objectifs de ce mouvement pour le futur des êtres humains. Dès lors, de plus en plus de personnes s’attachèrent à sa pensée et rejoignirent son soulèvement et c’est de cet endroit qu’il guida la période la plus critique du mouvement en Iran.

Un environnement propice au rayonnement de la Révolution islamique

L’Imam Khomeiny et ses disciples à Paris, s’étaient retrouvé face à un climat politique très différent de celui de Najaf. Ça faisait déjà des années que les parties et les groupes politiques iraniens exerçaient déjà en Europe (entres autres en France) et aux États unis. Une partie de cette force qui était concentré dans les associations islamiques des étudiants iraniens à l’étranger, avaient utilisé leur expérience pour développer les activités anti-régime sous la supervision et l’orientation de l’Imam Khomeiny. La tenue des discours, la publication des photos de l’Imam Khomeiny et la composition des slogans anti-régime, faisaient partir des activités de ces groupes de personnes.

Parmi les autres activités des révolutionnaires en France, il y avait la publication et la distribution des livres et des dépliants qui reflétaient et expliquaient les positions et les pensées de l’Imam Khomeiny.

En France, les forces opposées au régime de Shah pouvaient en toute liberté et avec la plus grande facilité se rassembler, manifester, marcher et…etc. L’Imam Khomeiny insistait sur trois points en tant que principes fondamentaux de la révolution et il avait fait de ces principes l’axe et le pivot des activités révolutionnaires des différents groupes. Ces principes consistaient à contrer la domination de la dynastie Pahlavi, à écarter le régime autocratique pour toujours, et enfin à préparer les conditions pour la stabilisation du gouvernement de la République islamique.

En plus des différents spectres religieux, certains groupes non religieux tels que les membres du Front national iranien et les confédérations mondiales des étudiants iraniens en étranger, avaient également approuvé ces principes. Et sur la base de ces principes, ils menaient un combat main dans la main contre le régime Pahlavi.

Après que l’Imam s’était installé à paris, certaines personnalités politiques et religieuses iranienne et aussi des représentants politiques et des personnalités de la scène internationale, étaient venues le voir pour discuter avec lui. Le pivot de ses échanges avec les personnalités militantes, était basé sur la consultation pour faire avancer la révolution. Mais la plupart des personnalités étrangères venaient voir l’Imam pour avoir une information précise sur ses points de vue et ses positions. Cette situation à son tour avait favorisé la vulgarisation des visions et des positions de l’Imam Khomeiny surtout dans le domaine de la lutte contre le régime Pahlavi et c’était ainsi que les combats révolutionnaires de la population iranienne avaient connu une ampleur mondiale.

La volonté du régime Pahlavi d’exiler l’Imam Khomeiny à Paris, fut la boucle qui était venue compléter la chaîne des erreurs passées de ce régime. Le but du régime Pahlavi d’exiler l’Imam Khomeiny, était fondé sur cette hypothèse que, comme la République française était un pays européen chrétien et se trouvait très loin de l’Iran, la distance allait rompre la communication entre l’Imam et les Iraniens et par conséquence le mouvement allait s’éteindre progressivement. Cependant, contrairement à ce que pensait le régime en place, le mouvement de la Révolution iranienne s’était mondialisé et la communication entre l’Imam Khomeiny et la nation iranienne était plus facile que jamais.

Le 11 février 1979, le régime du Shah s’écroula et la population assista à la victoire de la Révolution islamique. Au début du mois de mars, l’Imam Khomeiny déclara la formation d’un gouvernement révolutionnaire, jetant ainsi les bases de la future République islamique d’Iran.

Ghorban-Ali Khodabandeh est journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

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SOURCE: FRENCH PRESS TV