Par Ghorbanali Khodabandeh
Les révélations se multiplient sur l’implication des Etats-Unis et d’Israël dans le projet de déstabilisation de la Syrie. Il soulève également des interrogations sur l’impact des récents évènements sur les équations régionales et la géopolitique mondiale en l’occurrence les conséquences de la chute de Bachar Assad pour la France.
La chute de Bachar Assad, sponsorisée par l’Occident en complicité avec certains pays de la région, a fait de la Syrie un véritable laboratoire du chaos voire de la terreur, favorisant la prolifération de groupes extrémistes comme Daech.
Les répercussions dépassent largement les frontières syriennes : flux massif de réfugiés, déstabilisation régionale, prolifération des armes et montée en puissance des réseaux terroristes.
En parallèle, la guerre redéfinit les équilibres géopolitiques régionaux, compliqués par les interventions étrangères, notamment des États-Unis et de l’OTAN.
Comment les États-Unis et Israël ont détruit la Syrie ?
Avant d’aborder les conséquences de la chute de Bachar Assad pour la France, il faudrait s’attarder sur la cause principale de la situation chaotique en Syrie à savoir les projets interventionnistes du tandem américano-israélien dans la région.
En effet, l’ingérence américaine, à la demande d’Israël d’extrême droite de Netanyahu, a laissé le Moyen-Orient en ruines, avec plus d’un million de morts et des guerres ouvertes faisant rage en Libye, au Soudan, en Somalie, au Liban, en Syrie et en Palestine.
La chute du gouvernement de Bachar Assad est l’aboutissement de la campagne Israël-Etats-Unis contre la Syrie qui remonte à 1996 avec l’arrivée de Netanyahu au poste de Premier ministre. La guerre Israël-Etats-Unis contre la Syrie s’est intensifiée en 2011 et 2012, lorsque Barack Obama a secrètement chargé la CIA de renverser le gouvernement syrien dans le cadre de l’opération Timber Sycamore. Cet effort a finalement « porté ses fruits » il y a une dizaine de jours, après plus de 300 000 morts dans la guerre syrienne depuis 2011.
La chute de la Syrie est survenue rapidement en raison de plus d’une décennie de sanctions économiques écrasantes, des fardeaux de la guerre, de la saisie par les Etats-Unis du pétrole syrien et plus immédiatement des attaques d’Israël contre le Hezbollah, qui était le principal soutien militaire du gouvernement syrien.
Depuis 2011, la guerre perpétuelle Israël-Etats-Unis contre la Syrie, incluant les bombardements, les groupes terroristes, les sanctions économiques, la saisie par les Etats-Unis des champs pétrolifères syriens, et plus encore, a plongé le peuple syrien dans la misère.
L’opération Timber Sycamore était un programme secret de la CIA d’un milliard de dollars lancé par Obama pour renverser Bachar Assad. La CIA a financé, formé et fourni des renseignements à des groupes radicaux et extrémistes.
Peu après le lancement de Timber Sycamore, en mars 2013, lors d’une conférence conjointe du président Obama et de Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, Obama a déclaré : « En ce qui concerne la Syrie, les Etats-Unis continuent de travailler avec leurs alliés et amis ainsi qu’avec l’opposition syrienne pour accélérer la fin du régime d’Assad ».
La Syrie, un foyer de tensions et un défi pour la stabilité régionale
La guerre en Syrie, loin d’être un simple conflit local, est devenue un maelström où s’entrecroisent les intérêts des puissances régionales et internationales, les aspirations de nombreux groupes armés, et les souffrances d’une population civile prise en otage. Ce conflit multi-facette a transformé le paysage politique, social et géographique du pays, laissant des cicatrices profondes.
Aujourd’hui, les enjeux géopolitiques et les défis de la reconstruction en Syrie sont au cœur de l’échiquier international. Après des années de conflit, la Syrie s’ouvre comme un vaste chantier où la complexité technique et financière se mêle à un jeu stratégique d’influences, particulièrement marqué par le soutien antinomique des États-Unis et ses alliés aux groupes terroristes.
La chute du gouvernement de Bachar Assad marque ainsi un moment clé pour la Syrie, annonçant une ère d'incertitudes. En effet, la route à venir est pleine de risques qui pourraient déstabiliser à la fois le pays et la région au sens large.
Des divisions sectaires internes à la domination des milices, en passant par les alliances régionales changeantes et le rôle des acteurs mondiaux tels que les États-Unis, l’Union européenne et la France, les défis de la transition syrienne nécessitent une attention urgente et judicieuse.
Ceci dit, la chute du président Bachar al-Assad comporte également d’énormes risques. Les tensions sectaires sont une préoccupation majeure, même si elles ne se matérialisent pas nécessairement.
Le paysage militaire fragmenté de la Syrie complique encore davantage la stabilité. Des années de conflit et de frappes aériennes israéliennes ont affaibli l’armée syrienne, et une grande partie de la population dépend des milices locales. Des factions druzes de Soueïda aux forces kurdes du Rojava, ces milices contrôlent de vastes territoires, mais chacune poursuit un programme distinct.
La présence de groupes soutenus par la Turquie et les États-Unis ajoute à la complexité, rendant de plus en plus improbable le rétablissement d’une armée nationale unifiée. Les frappes israéliennes en cours ont encore dégradé la capacité militaire de la Syrie, en accord avec l’objectif stratégique de Tel-Aviv de désarmer la Syrie post-Assad, tout en entravant la stabilité à long terme.
Un système de gouvernance fédéralisé au niveau national pourrait sembler viable, mais il comporterait de nombreux défis. Sans cadre solide de partage du pouvoir, la fédéralisation risquerait de favoriser la création d’enclaves sectaires, fragmentant encore davantage le pays.
L’avenir de la Syrie sera également façonné par des acteurs internes et extérieurs, chacun avec des objectifs contradictoires. Cette interaction risque d’aggraver l’instabilité, car la trajectoire de la Syrie pourrait être dictée par des forces extérieures plutôt que par son propre peuple.
Chute de Bachar al-Assad : la France face à ses politiques inadéquates
Les conséquences de la chute de Bachar Assad pour la France sont multiples et comportent des éléments de défi et de danger.
La France, qui soutenait autrefois fermement les forces d’opposition syriennes, subit aujourd’hui les conséquences de ses politiques passées inadéquates. Sous François Hollande, la France a choisi de soutenir à la fois les forces kurdes et certains groupes d’opposition comportant des éléments extrémistes, mais cette stratégie n’a pas servi son influence.
La récente rhétorique virulente du président Emmanuel Macron contre le gouvernement renversé d’Assad n’a eu que peu d’impact, car la France est éclipsée par des acteurs plus dominants, tels que les États-Unis et la Turquie.
Si elle veut retrouver sa place, la France doit aligner ses efforts diplomatiques sur des contributions claires dans des domaines tels que la reconstruction, l’aide humanitaire ou même la médiation. Même avec de tels efforts, il est peu probable qu’elle soit un acteur central dans la construction de l’avenir de la Syrie, en raison de sa position diminuée dans la région et au-delà.
L’Union européenne et la France sont toutes deux confrontées à un moment critique, mais on ne sait pas encore comment elles réagiront, car elles sont confrontées à la perspective de devenir insignifiantes pour la Syrie et ses besoins de redressement et de stabilité régionale.
Une stratégie coordonnée combinant principes, politiques adéquates et action pragmatique leur serait considérablement bénéfique. Sans de tels efforts, les puissances régionales et mondiales concurrentes consolideront leur emprise sur l’avenir de la Syrie.
La France devrait-elle s’inquiéter de la résurgence de la menace terroriste ?
Les médias se focalisent déjà sur les conséquences de la chute de Bachar Assad sur la France et plus particulièrement sur le plan intérieur. Ils parlent d'une centaine de terroristes français qui auraient participé à la prise de Damas par Hayat Tahrir al-Cham et ses alliés. Un chiffre confirmé par le procureur national antiterroriste de France lors d’une interview avec Le Figaro.
Dans une interview avec Le Figaro le 10 décembre, le procureur national antiterroriste de France, Olivier Christen, a confirmé la participation d’au moins une « grosse centaine » de terroristes français, issus de Hayat Tahrir al-Cham (HTC) ainsi que de la brigade d’Omar Omsen, à la prise de Damas par l’opposition armée syrienne dans la foulée de la chute de Bachar al-Assad.
« Dans le détail, une cinquantaine appartiendrait en effet à la brigade d’Omar Omsen et une trentaine à la mouvance dirigée par Abou Mohammed al-Joulani. Nous avons dénombré, également présentes à Idlib, une trentaine de femmes évadées des camps ou qui s’y sont réfugiées avec la débâcle de Daech », a notamment déclaré Olivier Christen.
Le procureur antiterroriste français a précisé que, sur les 1 500 terroristes français recensés depuis les années 2000, on comptait 390 revenants en France, 500 décédés, une centaine affiliée aux groupes qui ont pris Damas, environ 150 détenus ou retenus dans le nord-est syrien et en Irak, mais aussi 300 disparus. Christen a souligné que le sort des détenus et des disparus « qui parfois réapparaissent », selon ses mots, était une «source d’inquiétude».
Le procureur antiterroriste a écarté la possibilité d'une préparation d'actions en France par ces combattants, arguant que ces miliciens armés appartenaient depuis « extrêmement longtemps » au HTC et qu’ils étaient « totalement absorbés » par la Syrie. Olivier Christen estime que ces Français donnaient le sentiment d’avoir voulu s’établir définitivement en Syrie.
Ces positions et divergences ont créé des débats houleux dans l’Hexagone, mettant en lumière les dilemmes auxquels la France est confrontée : comment concilier principes démocratiques, intérêts géopolitiques et réalités du terrain ?