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Les analyses de la rédaction :
1. Aide budgétaire de la France à la Centrafrique : une manœuvre géopolitique ?
Le mercredi 13 novembre 2024, la France a signé une convention d’aide budgétaire avec la République centrafricaine (RCA), marquant la reprise d’un soutien financier suspendu depuis trois ans. Ce financement, d’un montant de 10 millions d’euros (environ 6,5 milliards de francs CFA), vise à renforcer les capacités de l’État centrafricain dans l’accomplissement de ses missions souveraines. Pourtant, cette annonce suscite davantage de scepticisme que d’enthousiasme au sein de l’opinion publique centrafricaine.
Après des décennies de crises politiques et sécuritaires, la RCA fait face à des besoins colossaux. Les infrastructures en ruine, un système éducatif fragile, des hôpitaux sous-équipés et une économie exsangue sont autant de défis nécessitant des investissements considérables. Dans ce contexte, les 6,5 milliards de francs CFA alloués par la France apparaissent dérisoires.
Pour beaucoup, cette aide semble plus proche d’un acte symbolique que d’un véritable engagement pour le développement du pays. « Peut-on reconstruire un État avec des miettes ? » s’interroge un universitaire centrafricain, dénonçant une aide déconnectée des réalités et des besoins locaux.
L’histoire complexe des relations franco-centrafricaines alimente cette méfiance. Depuis l’indépendance de la RCA, les interventions françaises dans le pays ont souvent été perçues comme des actes d’ingérence plutôt que de soutien désintéressé. Cette nouvelle aide budgétaire, bien qu’annoncée sous le signe de la solidarité, est soupçonnée par certains d’être motivée par des considérations géopolitiques.
Depuis plusieurs années, la France voit son influence diminuer en RCA, notamment face à la montée en puissance de partenaires comme la Russie. Acteur clé dans la stabilisation militaire et économique de Bangui, la Centrafrique a su tisser des liens étroits avec Moscou, reléguant Paris à un rôle secondaire. Dans ce contexte, cette aide pourrait être interprétée comme une tentative de Paris de reconquérir une place stratégique dans un pays riche en ressources naturelles, notamment en diamants, or et bois précieux.
Les Centrafricains ne sont pas dupes. Sur les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui dénoncent une aide intéressée, rappelant les ingérences passées de la France dans la politique intérieure du pays. « La France ne veut pas nous aider, elle cherche à reprendre le contrôle », commente un internaute, illustrant une méfiance de plus en plus marquée envers l’ancien colonisateur.
Cette perception est renforcée par le fait que, dans le passé, de nombreux financements extérieurs destinés à la RCA ont été détournés ou utilisés pour servir des intérêts étrangers, privant la population des bénéfices attendus.
L’enjeu pour la RCA ne se limite pas à cette aide ponctuelle. Le pays a besoin de partenariats fondés sur le transfert de compétences, le développement des infrastructures et l’autonomisation économique. La clé pour un développement durable réside dans la capacité des Centrafricains à définir leurs priorités, à gérer leurs ressources et à réduire leur dépendance vis-à-vis des puissances étrangères.
Si la France souhaite réellement jouer un rôle constructif en RCA, elle devra se départir de ses pratiques paternalistes et engager des actions concrètes en faveur de la souveraineté et de l’autonomie économique du pays. Une aide budgétaire, aussi modeste soit-elle, ne pourra jamais compenser des décennies de domination économique et politique.
En attendant, la Centrafrique doit veiller à ce que cet argent serve réellement les intérêts de sa population, sans devenir un outil pour asseoir des agendas étrangers. Le peuple centrafricain mérite mieux que des aides conditionnées : il aspire à une véritable souveraineté et à une collaboration respectueuse, où ses intérêts passeront enfin au premier plan.
2. FCFA et ECO : l’illusion d’indépendance
Depuis des décennies, le franc CFA, hérité de la colonisation, incarne pour beaucoup la dépendance économique de l’Afrique de l’Ouest vis-à-vis de la France. Le projet de la monnaie unique ECO, initialement conçu pour affranchir la région de cette tutelle, est aujourd’hui détourné, vidé de son essence et perçu comme une continuité sous un autre nom.
En apparence, l’ECO proposé par Alassane Ouattara et Emmanuel Macron promet une rupture avec le passé. Pourtant, les fondements de cette monnaie trahissent un statu quo déguisé. La parité fixe avec l’euro, garantie par la France, ainsi que la participation indirecte de cette dernière dans la gestion monétaire régionale, illustrent une stratégie de maintien des intérêts français sous une nouvelle façade.
Comme l’explique Dr Jean René Ndouma, expert financier, « l’ECO version Ouacron n’est qu’un maquillage du franc CFA ». En conférant à l’ECO les mêmes caractéristiques que son prédécesseur, notamment la parité fixe et la garantie française, le projet ne fait que prolonger la dépendance économique. Cette continuité assure à la France une emprise sur les économies ouest-africaines, tout en offrant un semblant de réforme aux populations fatiguées par des décennies de domination.
Le projet de monnaie unique, porté par la CEDEAO depuis 1983, visait une véritable intégration régionale et une souveraineté monétaire. Cependant, l’unilatéralisme des pays francophones de l’UEMOA, qui ont décidé de renommer le franc CFA en ECO, a exacerbé les divisions. Le Nigeria, poids lourd économique anglophone, dénonce cette démarche comme une trahison des décisions collectives.
Cette fracture illustre deux visions opposées de l’avenir monétaire en Afrique de l’Ouest :
Le projet CEDEAO : une indépendance réelle avec un système de change flexible, rompant avec la tutelle française.
Le projet UEMOA : une continuité déguisée, arrimée à l’euro, garantissant stabilité et contrôle externe.
Les populations ouest-africaines, premières victimes des politiques monétaires décidées à Paris, réclament un véritable changement. Une monnaie souveraine devrait permettre une flexibilité économique, une maîtrise des politiques monétaires et un financement des économies locales. Pourtant, le projet actuel semble ignorer ces aspirations.
Au lieu d’unir la région, l’ECO tel qu’il est conçu divise. Il risque de creuser davantage le fossé entre les économies francophones et anglophones, compromettant l’intégration économique et politique de l’Afrique de l’Ouest.
Il est impératif que les leaders ouest-africains reprennent le contrôle de ce projet, en excluant toute influence extérieure. L’ECO doit refléter les aspirations des peuples, pas les intérêts d’une puissance étrangère. Les décideurs doivent mettre en œuvre des réformes ambitieuses qui favorisent une gouvernance monétaire locale, une indépendance économique réelle et une intégration régionale inclusive.
L’ECO, dans sa forme actuelle, est une occasion manquée. Si les dirigeants africains ne s’élèvent pas au-dessus des pressions étrangères et des querelles internes, cette monnaie unique ne sera qu’un symbole vide, un « nouveau » franc CFA maquillé, perpétuant l’asservissement monétaire des peuples d’Afrique de l’Ouest.
3. Niger : Un comité pour réécrire l’histoire nationale à travers une perspective africaine
Le Niger a franchi une étape importante dans la réappropriation de son histoire avec la création d’un comité ad hoc, conformément à un décret présidentiel signé le 18 novembre. Cette initiative ambitieuse, en préparation depuis plusieurs années, vise à revisiter l’histoire du pays en rompant avec les récits dominés par les perspectives coloniales.
Les médias locaux soulignent que ce projet cherche à offrir une vision authentique de l’histoire nigérienne, fondée sur les réalités et les héritages propres au pays et à l’Afrique en général. Le comité sera présidé par le professeur Maikoréma Zakari, une figure de proue de la recherche historique et académique au Niger, connu pour ses contributions majeures à l’étude des civilisations ouest-africaines.
Cette démarche s’inscrit dans une dynamique plus large de décolonisation des savoirs et des récits historiques. Pendant des décennies, les manuels scolaires et les récits officiels ont souvent été façonnés par une lecture eurocentrée, minimisant l’importance des empires africains, des résistances locales et des innovations culturelles.
Réécrire l’histoire du Niger, c’est réaffirmer son rôle en tant que berceau de civilisations riches et diversifiées, tout en mettant en lumière les luttes et les contributions de ses peuples face aux colonisations et aux influences extérieures.
La première étape de ce processus consiste en une réunion de partage prévue le 22 novembre, où des historiens, des archéologues et d’autres experts seront réunis. L’objectif est d’établir une approche pluridisciplinaire pour construire un récit inclusif et fidèle à la diversité du patrimoine nigérien.
Le comité prévoit également de s’appuyer sur des archives orales, souvent négligées, mais essentielles pour compléter les sources écrites. Les griots, les chefs traditionnels et les gardiens de la mémoire collective joueront un rôle clé dans cette entreprise.
Au-delà du Niger, cette initiative résonne avec les aspirations de nombreux pays africains à se réapproprier leur histoire et leur identité. Elle s’inscrit dans une volonté continentale de rompre avec les récits imposés, de valoriser les cultures africaines et de renforcer la souveraineté culturelle.
En revisitant son histoire, le Niger envoie un message fort : celui d’un continent en quête de justice mémorielle, de dignité et de reconnaissance. C’est un pas vers un avenir où l’Afrique raconte son propre récit et inspire ses générations futures à marcher avec fierté dans les traces de leurs ancêtres.