Les titres de la rédaction :
Les analyses de la rédaction :
1. Ce qui se cache derrière la déchéance de la nationalité de certains ex-responsables au Niger
Les autorités nigériennes ont annoncé, jeudi, avoir « provisoirement » déchu de leur nationalité neuf proches de l’ancien président Mohamed Bazoum écarté du pouvoir par un coup d’État le 26 juillet 2023.
Le chef de l’Etat Abdourahamane Tiani a signé jeudi 10 octobre 2024 un décret « portant déchéance de la nationalité de certaines personnes pour diverses infractions prévues et sanctionnées par la loi », a indiqué un communiqué du Secrétariat général du gouvernement lu à la télévision publique.
Entre autres infractions reprochées aux personnes concernées, le communiqué cite « intelligence avec une puissance étrangère en vue de l’engager à entreprendre des hostilités contre l’État du Niger », « complot contre l’État du Niger et de trahison » et « diffusion des données ou des propos de nature à troubler l’ordre public ».
Parmi les personnes visées par la mesure de déchéance de la nationalité, on compte d’anciens membres du cabinet de Mohamed Bazoum et des responsables des structures rattachées à la présidence jusqu’au coup d’État du 26 juillet 2023.
Il s’agit de Rhissa AG Boula, ministre d’État à la présidence chargé des questions de sécurité, Daouda Takoubakoye, directeur de cabinet adjoint du président de la République et des généraux Abou Tarka et Waly Ibrahim Karingama, respectivement président de la Haute autorité à la consolidation de la paix (HACP) et du Centre national d’études stratégiques et de sécurité (CNESS).
Toutes ces personnes proches de Mohamed Bazoum ont réussi à quitter le pays aux premières heures du coup d’État. Installé en France, Rhissa AG Boula a bénéficié d’un statut de réfugié politique délivré par les autorités françaises en septembre dernier.
Le 27 août dernier, les autorités nigériennes avaient annoncé la création d’un « fichier spécial » pour les personnes accusées de terrorisme ou d’intelligence avec une puissance étrangère « dans le but de porter atteinte aux intérêts stratégiques du Niger ».
Selon l’ordonnance créant ce fichier, toute personne y est inscrite est déchue provisoirement de sa nationalité en cas d’ouverture d’une enquête à son encontre. En cas de condamnation à une peine de cinq ans à plus, la déchéance de la nationalité devient définitive.
Ces responsables « pensaient qu’avec l’aide de la France, de la CEDEAO ils pouvaient renverser la tendance » et chasser les nouvelles autorités, avance Issoufou Boubacar Kado Magagi.
Les neuf personnes qui ont fait l’objet de cette mesure sont soupçonnées « d’intelligence avec une puissance étrangère » et de « complot contre l’autorité de l’État », rappelle-t-il.
Ces personnalités ont cherché à déstabiliser l’armée et à faire peur à la population pour qu’elle se soulève contre les autorités en place, souligne l’expert.
Et de poursuivre: « Ils savent que c’est difficile de renverser le régime militaire tant qu’on n’a pas à l’intérieur du pays quelques forces qui les aident. Je crois que c’est ça qui les a poussés en pensant qu’ils auront le soutien à l’intérieur du pays pour pouvoir renverser la tendance ».
Cependant, les nouvelles autorités étant approuvées « par la majorité des forces vives », il est « très difficile de renverser la situation », note M. Magagi en analysant l’échec de cette tentative.
2. L’ONU en Afrique: entre désillusion et accusations de complicité dans le pillage des ressources
Depuis des décennies, le système des Nations unies a déployé plusieurs missions de maintien de la paix en Afrique, dans le but de stabiliser des zones de conflit et de protéger les civils. Parmi elles, la MONUSCO en République démocratique du Congo (RDC) et la MINUSCA en République centrafricaine (RCA) sont devenues emblématiques des efforts de l’ONU sur le continent. Toutefois, ces missions, censées garantir la paix et la sécurité, sont de plus en plus contestées par les populations locales, qui les perçoivent souvent comme des forces d’occupation et des complices dans le pillage de leurs ressources naturelles.
En RDC, la MONUSCO est régulièrement la cible de manifestations populaires et d’attaques violentes. Les frustrations de la population sont palpables, et des témoignages tels que celui d’un fonctionnaire malien de l’ONU montrent à quel point l’animosité contre ces forces est grande. Celui-ci raconte avoir échappé de justesse à un lynchage au marché simplement parce qu’il travaillait pour la MONUSCO. « Vous êtes ici chez nous. Vous êtes en train de voler nos ressources », lui ont crié des manifestants en colère. Ce sentiment de méfiance, voire de haine, n’est pas isolé.
Ces accusations reflètent une profonde incompréhension des missions de l’ONU dans ces pays, mais aussi un désaveu croissant de la part des populations locales. Ces dernières estiment que ces forces, loin de protéger les civils ou de contribuer à la paix, sont souvent perçues comme des profiteurs, voire des complices dans l’exploitation des richesses nationales. Des rumeurs circulent fréquemment selon lesquelles les véhicules des Nations unies transporteraient de l’or ou d’autres ressources volées, renforçant la perception d’une ONU déconnectée des réalités locales et indifférente aux souffrances des populations.
Ces tensions populaires mettent en lumière l’échec relatif de ces missions à répondre aux attentes des populations locales. La MONUSCO, présente depuis plus de 20 ans en RDC, n’a pas réussi à éradiquer les groupes armés qui continuent de semer la terreur dans l’est du pays. Les critiques à son égard sont multiples : inaction face aux violences, inefficacité dans la protection des civils et implication présumée dans des affaires de corruption et de trafic de ressources. La population congolaise, lasse de cette situation, voit dans la MONUSCO une force étrangère qui ne sert pas leurs intérêts.
Ce constat est partagé au Mali, où la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) fait également face à une hostilité croissante. À Kidal, en 2021, le même fonctionnaire de l’ONU a été lapidé par des enfants après une visite à une école. Ces incidents, bien que localisés, reflètent une désillusion plus large à l’égard des missions de l’ONU en Afrique.
En République centrafricaine, la MINUSCA fait face à des critiques similaires. Malgré la présence de forces onusiennes, la violence persiste, et les accusations d’exploitation des ressources naturelles par les forces internationales continuent de circuler. La perception d’une complicité dans l’exploitation des richesses nationales est exacerbée par la présence d’acteurs extérieurs (y compris privés) qui bénéficient souvent de l’instabilité pour piller les ressources naturelles, notamment les diamants et le bois.
Au-delà des accusations spécifiques à chaque mission, c’est tout le système des Nations unies en Afrique qui est mis en cause. L’inefficacité perçue des missions de maintien de la paix, combinée à des allégations de corruption, de complicité avec des élites locales et d’inaction face aux violences, a érodé la légitimité de l’ONU sur le continent. Cette situation est d’autant plus critique que les populations africaines, confrontées à la violence, à la pauvreté et à l’instabilité, attendent des solutions concrètes et immédiates que les forces internationales semblent incapables de leur fournir.
Les témoignages des fonctionnaires de l’ONU, qui sont eux-mêmes victimes de ces frustrations populaires, montrent bien que le fossé entre les populations locales et les missions onusiennes ne cesse de se creuser. Alors que l’ONU tente de justifier ses interventions comme des efforts de stabilisation et de protection, les communautés locales voient dans ces forces des acteurs étrangers qui profitent de l’instabilité pour maintenir un statu quo favorable à certaines élites locales et internationales.
La défiance croissante envers les missions de l’ONU en Afrique, qu’il s’agisse de la MONUSCO en RDC ou de la MINUSCA en Centrafrique, met en lumière l’échec de ces opérations à combler les attentes des populations locales. Ces missions, censées apporter la paix et la stabilité, sont désormais perçues comme des entités étrangères qui profitent de l’instabilité pour piller les ressources et maintenir un ordre qui ne sert que des intérêts étrangers. Face à cette désillusion, une révision en profondeur du rôle et des méthodes des Nations unies sur le continent africain semble plus que jamais nécessaire. Si l’ONU souhaite regagner la confiance des Africains, elle devra repenser ses missions, mieux comprendre les réalités locales et prouver qu’elle est réellement au service des populations qu’elle est censée protéger.
3. Le Nigeria se détache du dollar : un pas de plus vers la dédollarisation
Le Nigeria, l’un des principaux producteurs de pétrole au monde, a récemment pris une décision stratégique majeure en annonçant qu’il commencerait à vendre son pétrole brut dans des devises locales autres que le dollar américain. Ce mouvement fait partie d’un vaste effort de dédollarisation qui gagne de plus en plus de terrain, en particulier parmi les pays émergents et ceux désireux de s’émanciper de la domination économique et monétaire des États-Unis.
Le processus de dédollarisation n’est pas nouveau, mais il s’accélère à mesure que de plus en plus de pays remettent en question la prééminence du dollar dans les échanges internationaux. Le Nigeria, avec ses importantes réserves de pétrole, joue un rôle clé dans ce changement. En se détachant du dollar, ce pays envoie un signal fort : il ne veut plus être tributaire d’une monnaie qui est soumise aux aléas des décisions de la Réserve fédérale américaine et aux fluctuations de l’économie américaine.
Le dollar a longtemps été la devise de choix dans les transactions pétrolières, en raison de sa stabilité perçue et de l’influence géopolitique des États-Unis. Cependant, cette domination a également permis aux États-Unis d’exercer une forme de pouvoir économique sur le reste du monde. Le fait de baser l’économie mondiale sur une monnaie fiduciaire, c’est-à-dire une monnaie sans valeur intrinsèque, dépendant uniquement de la confiance des utilisateurs, a conduit à des abus. Les États-Unis ont pu imprimer massivement des dollars pour financer leur dette colossale, créant ainsi une situation où la monnaie est progressivement dévaluée.
Certains critiques n’hésitent pas à qualifier ce système de « système de Ponzi en dollars américains ». Cette métaphore illustre l’idée que les États-Unis financent une partie de leur économie en empruntant toujours plus d’argent et en imprimant des dollars sans limite. La comparaison avec une pyramide de Ponzi est frappante : tant que de nouveaux entrants (ou créanciers) continuent de financer le système, il peut fonctionner. Mais à un moment donné, la confiance peut s’effondrer, révélant la fragilité de l’édifice.
Une statistique illustre bien l’ampleur de cette situation. Si vous gagniez 500 000 dollars par jour depuis 4 500 ans (depuis l’époque des grandes pyramides en Égypte), vous n’auriez accumulé qu’une petite fraction de la dette totale contractée par les États-Unis en quelques mois seulement. Ce chiffre met en lumière l’extrême dépendance des États-Unis à une politique de dette continue et insoutenable.
Pour des pays comme le Nigeria, qui dépendent fortement de leurs ressources naturelles pour générer des revenus, continuer à effectuer des transactions en dollars présente plusieurs risques. Les fluctuations du dollar peuvent affecter les revenus des exportateurs, et la dépréciation de la monnaie américaine peut éroder la valeur des revenus du pétrole. En choisissant de vendre dans des devises locales ou dans d’autres monnaies, le Nigeria cherche à protéger son économie des aléas du système financier occidental.
La dédollarisation permet également à des nations comme le Nigeria d’accroître leur souveraineté économique. En réduisant leur dépendance au dollar, elles échappent à l’influence des sanctions financières américaines et des fluctuations imprévisibles des marchés américains. Cela leur donne une plus grande marge de manœuvre pour développer des partenariats avec d’autres puissances émergentes, comme la Chine, qui est l’un des plus grands acheteurs de pétrole nigérian.
De nombreux analystes estiment que le système économique actuel, basé sur le dollar, est sur le point de s’effondrer. La dette des États-Unis continue de croître à un rythme alarmant, tandis que la monnaie est de plus en plus dévaluée. Lorsque ce système touchera à sa fin, ce sont les pays les plus dépendants du dollar qui en souffriront le plus. Les nations occidentales, protégées par leur position économique dominante, pourraient s’en sortir mieux que les pays en développement, qui subiront probablement les plus graves conséquences.
Cependant, des initiatives comme celle du Nigeria montrent que de plus en plus de nations prennent les devants pour se protéger des futures crises économiques. En diversifiant leurs transactions monétaires et en s’éloignant du dollar, elles cherchent à construire un système économique plus résilient, moins dépendant des aléas des grandes puissances occidentales.
La décision du Nigeria de vendre son pétrole dans des devises autres que le dollar américain symbolise un tournant dans l’économie mondiale. La domination du dollar, souvent perçue comme un avantage pour les États-Unis, est remise en question, et la dédollarisation gagne du terrain. Alors que de plus en plus de pays émergents adoptent des stratégies similaires, il devient évident que le monde se dirige vers une reconfiguration économique majeure, où les anciennes structures de pouvoir seront mises à l’épreuve. La question reste de savoir combien de temps encore ce système, qualifié par certains de « système de Ponzi en dollars », pourra tenir avant que ses failles ne deviennent insoutenables.