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Michel Barnier nommé Premier ministre, le pari risqué de Macron pour sortir de la crise

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Des manifestants exigent la démission du président français Emmanuel Macron après la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre. ©AP

Par Ghorban-Ali Khodabandeh

L'Élysée a annoncé le 5 septembre en milieu de journée la nomination par Emmanuel Macron de Michel Barnier au poste de Premier ministre. Il succède ainsi à Gabriel Attal, plus de 50 jours après la démission de ce dernier.

Le chef de l'État se devait d'arrêter un choix près de trois mois après la dissolution qu'il a lui-même provoquée, le 9 juin, et deux mois après le second tour des législatives qui a débouché sur une Assemblée sans majorité ni coalition viable à ce jour.

Cette nomination intervient alors que la France traverse une des crises politiques les plus graves depuis 1958. Sans majorité parlementaire, Barnier devra naviguer dans un paysage politique incertain pour former un gouvernement capable de survivre à une censure et de mener les réformes nécessaires.

Le Nouveau Front populaire (NFP), arrivé en tête des élections législatives anticipées tenues en France les 30 juin et 07 juillet dernier, « demandera la censure du gouvernement Barnier », a-t-on appris d'un communiqué officiel, jeudi.

Des manifestations ont eu lieu samedi 7 septembre à Paris et dans plusieurs villes de France contre le « coup de force de Macron » à l'appel de plusieurs organisations étudiantes, rejointes par La France insoumise, le PCF ou encore les Écologistes.

Des milliers de manifestants en France pour dénoncer le « coup de force » de Macron

Deux jours après la nomination du nouveau Premier ministre Michel Barnier, issu des Républicains, La France insoumise (LFI) et des organisations de jeunesse ont organisé plus d’une centaine de rassemblements le 7 septembre dans plusieurs villes et régions de la France contre le «coup de force» d’Emmanuel Macron.

Rassemblés place de la Bastille à Paris à l'appel de La France Insoumise (LFI) les manifestants ont arboré des banderoles et pancartes fustigeant le refus du chef d'État de nommer la candidate du Nouveau front populaire (NFP), Lucie Castets, à Matignon.

Les manifestants ont également exprimé leur colère face à la désignation, cette semaine, de Michel Barnier, politicien de droite, en tant que premier ministre.

Jean Luc Melenchon, Mathilde Panot, présidente du groupe LFI à l'Assemblée nationale ainsi que le patron du parti communiste Fabien Roussel étaient présents à la manifestation à Paris.

Pour rappel, LFI avait appelé les Français à manifester dans toutes les villes de l’Hexagone contre le « coup de force » du président de la République Emmanuel Macron et son « déni de démocratie ».

LFI qui fait partie du Nouveau Front populaire (NFP, coalition de partis de gauche) organise ainsi sa riposte dans la rue, deux mois jour pour jour après des législatives qu'elle a remportées mais sans majorité absolue à l’Assemblée nationale.

« Censure, mobilisation, destitution », sont les maîtres-mots du chef de file de LFI, Jean-Luc Mélenchon, qui avait exhorté ses troupes à « la mobilisation la plus puissante possible ».

Outre les manifestations de samedi, une pétition pour soutenir la procédure de destitution d'Emmanuel Macron a recueilli près de 260 000 signatures en une semaine.

Macron a décidé de s'asseoir sur le résultat des élections législatives

La nomination de Michel Barnier comme Premier ministre marque la clôture d'une période de 51 jours depuis la démission de Gabriel Attal de son poste de Premier ministre, un record sous la Ve République.

Après une série de consultations avec les responsables des partis et les présidents des chambres parlementaires, le chef d'État français avait écarté, lundi 26 août, la formation d'un gouvernement dirigé par Lucie Castets et soutenu par le Nouveau Front Populaire (NFP), pourtant arrivé premier lors du second tour des élections législatives, le 7 juillet.

Dans ce contexte tendu, Emmanuel Macron avait engagé « un nouveau cycle de consultations » dès le 27 août, avec pour objectif de trouver une issue acceptable à cette crise politique inédite sous la Vᵉ République.

Les consultations entre le chef d'État français et les dirigeants des groupes politiques avaient débuté vendredi 23 août, soit 47 jours après le second tour des élections législatives anticipées. Ces échanges ont marqué la première étape d'une série de discussions qui ont visé à établir une coalition stable, nécessaire pour la gouvernance du pays après des élections législatives marquées par une absence de majorité absolue, selon une déclaration de l'Élysée.

Lors des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet, la coalition du NFP (gauche) a réuni le plus grand nombre de sièges à l'Assemblée nationale, avec 72 députés LFI (La France Insoumise), 66 députés socialistes et apparentés, 38 députés pour le groupe Écologiste et social, 17 députés GDR (Gauche démocrate et républicaine), soit un total de 193 sièges sur 577.

La coalition présidentielle se positionne en deuxième force politique de l’Assemblée nationale avec 99 députés Ensemble pour la République, 36 députés Les Démocrates, 31 députés Horizons & Indépendants, soit un total de 166 sièges. Le RN et ses alliés, pourtant largement vainqueurs du premier tour des législatives, arrivent en troisième position avec 126 députés affiliés au groupe RN et 16 députés du groupe À Droite, présidé par Éric Ciotti, soit un total de 142 sièges. Les centristes du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) occupent 21 sièges, tandis que la Droite républicaine recense 47 sièges.

Les Insoumis menacent de déposer une motion de censure contre Michel Barnier

Quelques heures seulement après la nomination de Michel Barnier comme Premier ministre le 5 septembre, La France insoumise a annoncé qu'elle déposerait une motion de censure contre le futur gouvernement.

«Nous allons déposer une motion de censure quoi qu'il arrive dès que le bilan budgétaire arrivera à l'Assemblée nationale en décembre, ça c’est certain», a prévenu le 5 septembre sur une chaîne du service public, dans la foulée de l'annonce de la nomination à Matignon de Michel Barnier, le député de La France insoumise (LFI) Sébastien Delogu.

Une déclaration qui corrobore les avertissements de la cheffe de fil de son parti à l'Assemblée, Mathilde Panot, qui avait déclaré fin août que des motions de censure seraient déposées contre «tout gouvernement qui ne serait pas dirigé par Lucie Castets.»Jean-Luc Mélenchon était le premier à avoir pris la parole, après l’annonce par l'Élysée du choix de Michel Barnier comme nouveau locataire de Matignon. «Le président vient de nier officiellement le résultat des élections législatives qu'il avait lui-même convoquées», avait accusé le leader des Insoumis, pointant du doigt ce choix d'Emmanuel Macron porté sur un membre «d'un parti qui a été le dernier à l'élection législative.»

Dans un communiqué du Nouveau Front populaire (NFP), les partis alliés de la gauche évoquent le «mépris total» du président de la République et font valoir leur volonté «d’œuvrer sans relâche pour proposer aux Françaises et aux Français une politique à même de répondre aux urgences sociale, climatique et démocratique».

Les défis qui attendent le nouveau Premier ministre

Le cinquième Premier ministre nommé par Emmanuel Macron depuis son élection en 2017 n'aura pas la tâche facile. Issu de l'ancien monde politique, Michel Barnier, nommé jeudi 5 septembre à 73 ans après des semaines de tractations et à l'issue d'une crise politique inédite dans la Ve République, va devoir composer avec les différentes forces en présence au sein de l'Assemblée nationale.

Le nouveau locataire du 57 rue de Varenne va devoir composer un gouvernement, qui devrait «respecter toutes les forces politiques» représentées au Parlement, a-t-il assuré pendant la passation à Matignon, jeudi 5 septembre.

Il va devoir éviter la censure, déjà promise par la gauche, et trouver les bons équilibres dans la répartition des portefeuilles ministériels. La composition du futur gouvernement donnera une première indication sur la ligne politique qu'entend mener Michel Barnier.

Le gouvernement a jusqu'au 1er octobre pour envoyer son projet de loi de Finances (PLF) au Parlement – la loi doit être publiée avant le 1er janvier 2025. Le retard pris par le président de la République pour nommer un Premier ministre ne laisse pas beaucoup de marges au futur gouvernement. `

La France est visée depuis fin juillet par une procédure pour déficit excessif. Le Premier ministre doit envoyer son plan de réduction du déficit avant le 20 septembre.

Le dossier de la réforme des retraites, publiée au Journal officiel en avril 2023, sera-t-il débattu par le futur gouvernement ? Le Nouveau Front Populaire, exclu des débats, et le Rassemblement national, qui va tenir Michel Barnier en joue, plaident pour une retraite à 62 ans.

Autre dossier brûlant qui déterminera de la stabilité du futur gouvernement : la question migratoire. L'ancien commissaire européen proposait un «moratoire» sur l’immigration de trois à cinq ans en prônant un référendum pour retrouver la liberté de manœuvre en termes d'immigration. La France devait alors s'affranchir des règles de l'Union européenne et du Conseil de l'Europe.

L’avenir de Barnier à Matignon est donc incertain. Sa capacité à former une coalition durable, même en mode « cohabitation », reste à prouver. Certains observateurs voient en lui une figure compatible avec les ambitions d’Emmanuel Macron, soulignant qu’il incarne une forme de continuité. D’autres, en revanche, estiment que sa nomination résulte davantage d’un choix par défaut que d’une véritable adhésion à sa vision politique.

Les défis pour Michel Barnier seront de taille. En l’absence d’un soutien parlementaire large et avec une opposition prête à saisir la moindre opportunité pour le faire tomber, sa mission pourrait bien tourner court. Seul le temps dira si ce vétéran de la politique saura réconcilier un paysage fracturé ou s’il rejoindra la longue liste des Premiers ministres dont le mandat fut bref.

Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran. 

( Les opinions exprimés dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV