Par Ghorbanali Khodabandeh
À quelques jours de l'ouverture des Jeux olympiques 2024 à Paris (du 26 juillet au 11 août), les tensions sur la scène internationale sont palpables. De la guerre en Ukraine à la guerre à Gaza, la présence des délégations des pays impliqués dans ces conflits est scrutée de près. Pour cette édition 2024 des Jeux olympiques, un appel a été lancé pour le boycott d’Israël.
À l'heure où le sport, plus que jamais, porte en son sein une dimension politique, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris agissent comme un révélateur des dynamiques diplomatiques à l'œuvre dans des dossiers qui apparaissent inextricables. La guerre que livre l’entité israélienne dans la bande de Gaza est l'un de ces dossiers.
Même si plusieurs lignes rouges ont été franchies par l'armée israélienne depuis le début de la guerre, le Comité international olympique (CIO) ne semble pas remettre en cause la présence d'une délégation israélienne à Paris. Bien au contraire, le comité exécutif du Comité international olympique s’est efforcé d’éviter la question d’Israël.
Le président français a également exclu la possibilité de placer sous bannière neutre les athlètes israéliens lors des Jeux olympiques de Paris, au contraire des Russes.
Israël n’a pas sa place parmi les nations olympiques des Jeux de Paris 2024
Plusieurs collectifs et associations appellent à se rassembler contre le génocide à Gaza et pour dénoncer la présence de représentants israéliens aux Jeux Olympiques.
Pour rappel, plusieurs centaines de manifestants pro-palestiniens se sont rassemblés ces derniers temps près du siège du Comité d'organisation des Jeux olympiques de Paris et ont appelé au boycott d’Israël aux JO de Paris.
Réunis à l'appel de l'association Euro-Palestine, les manifestants ont tenu à rappeler la sanction qui exclut la Russie des JO de Paris. Pour les manifestants, si on exclut la Russie, on doit exclure Israël. Il ne doit pas y avoir deux poids, deux mesures. Début mars, une trentaine de députés français avaient écrit au CIO pour demander que les athlètes Israéliens défilent sous bannière neutre comme les athlètes russes.
Depuis plus de 9 mois, Israël ne cesse de commettre des atrocités sans nom envers le peuple palestinien, à travers des massacres toujours plus nombreux, une famine organisée comme arme du génocide à Gaza, l’emprisonnement de milliers de palestiniens dans des conditions atroces, la poursuite de la colonisation et de l’apartheid dans toute la Palestine, etc.
Alors que cette situation est de plus en plus décriée dans le monde, Israël utilise les grands événements sportifs comme des outils de sportwashing c’est-à-dire une opération de blanchiment de ses crimes à travers le sport.
De la même manière, la présence d’équipes israéliennes aux Jeux Olympiques de Paris va être l’occasion de normaliser et légitimer un État colonial et d’apartheid qui commet un terrible génocide à Gaza faisant plus de 40 000 morts palestiniens. En dépit des crimes commis par l’occupation israélienne, le Comité internationale olympique refuse toute sanction envers Israël.
Guerres en Ukraine et à Gaza : deux poids deux mesures du CIO
A l’approche des Jeux olympiques Paris 2024, la question de l’impartialité du Comité olympique international (CIO) se pose avec acuité à cause de ses positions antagoniques vis-à-vis de la guerre en Ukraine et celle que mène Israël dans la bande de Gaza. Après avoir été exclues du Comité international olympique, la Russie et la Biélorussie ont vu leurs athlètes recevoir l'autorisation de participer aux épreuves individuelles des Jeux de Paris, sous bannière neutre et certaines conditions.
S'il fait valoir la neutralité du CIO au sujet du conflit israélo-palestinien et le rôle apolitique de l'organisation, on ne peut s'empêcher de penser que le CIO se trouve pris en étau entre son passé et ses décisions présentes. L'Afrique du Sud n'a pas pu participer aux différentes éditions olympiques entre 1964 et 1988 et a été officiellement exclue du CIO en 1970 à cause de l'apartheid. En 1988, ce même CIO décide d'adopter une déclaration contre l'apartheid dans le sport. Les appels répétés de l'ONG Amnesty International, qui alerte depuis plusieurs années sur l'apartheid qu'impose Israël à l'encontre du peuple palestinien, sont restés lettre morte auprès de la communauté internationale.
Les différences d'appréciation du CIO révélées par la guerre en Ukraine et la guerre israélienne à Gaza exposent des contradictions qui ne sont pas sans risque pour l'organisation olympique. Voir les athlètes russes et biélorusses défiler et concourir sous bannière neutre, quand les athlètes israéliens ne sont soumis à aucune restriction, c'est prendre le risque de heurter une partie de l'opinion publique.
Le CIO est loin d’être un modèle de représentation démocratique. Le président du conseil est allemand et trois des quatre vice-présidents sont également européens. En fait, 10 des 15 postes du conseil sont occupés par des Européens, alors que ces derniers ne représentent que 9 % de la population mondiale. La seule personne originaire d’Afrique au sein du conseil est un Européen du Zimbabwe, et la seule personne originaire d’Asie est basée à Singapour.
Ce conseil demandera-t-il des comptes à Israël, comme il le fait pour la Russie et le Belarus ? Ou va-t-il protéger Israël au nom des intérêts occidentaux et résister aux appels au boycott d’Israël aux JO de Paris ?
La France et sa diplomatie sportive en question
Pour le président français Emmanuel Macron, les Jeux de Paris offrent la possibilité de redorer son blason. Après que la France a été mise à l'écart de certains dossiers majeurs ces dernières années, user de la diplomatie sportive pour revenir au centre du jeu n'est pas une opportunité anodine. Toutefois, les enjeux sont immenses, surtout après le fiasco de l'accueil de la finale de la Ligue des champions au Stade de France en mai 2022, qui a mis en valeur les défaillances du système de sécurité. L'organisation de la Coupe du monde de rugby en septembre et octobre 2023 n'a rien eu de rassurant.
Dans une récente interview, le président français a soutenu la décision du CIO d'autoriser les athlètes russes à participer aux Jeux olympiques malgré l'invasion de l'Ukraine, mais sous un drapeau neutre.
Il a en revanche défendu la participation des athlètes israéliens sous le drapeau de leur pays malgré l'offensive menée à Gaza depuis le 7 octobre.
Ces dernières semaines, les appels à boycotter Israël lors des prochains Jeux olympiques se sont multipliés à gauche. Des demandes qui interviennent dans un contexte de guerre dans la bande de Gaza, où l’entité israélienne multiplie les assauts. Malgré cette actualité géopolitique brûlante, marquée par des milliers de civils morts, Emmanuel Macron a écarté l’idée de placer les athlètes israéliens sous bannière neutre.
Ce traitement différencié trouve ses racines dans un contexte distinct, selon Emmanuel Macron. La Russie « a décidé d’une guerre d’agression qui dure depuis plus de deux ans », a rappelé le chef de l’État, avant d’affirmer « qu’Israël » n’était « pas un attaquant ».
Or, les observateurs martèlent que les civils touchés à Gaza ne sont pas les « dommages collatéraux » d’une action défensive de la part d’une entité d’occupation.
Les athlètes israéliens redoutent un accueil hostile
Dans ce contexte d’appels pressants au boycott des équipes israéliennes, Israël a annoncé un doublement de son budget de sécurité pour les Jeux olympiques de Paris, les athlètes israéliens redoutant un accueil hostile. Les membres des équipes israéliennes expriment leurs inquiétudes face à l’isolement et aux menaces sécuritaires qui les attendent.
En mars, le Comité international olympique (CIO) a rassuré Israël sur son statut, affirmant que la participation des athlètes israéliens ne faisait aucun doute.
Pour cette édition des Jeux, Israël a considérablement augmenté son budget de sécurité. Peter Paltchick, porte-drapeau de la délégation israélienne, a exprimé sa confiance en ces mesures supplémentaires, assurant que les Jeux de Paris seraient «sûrs et sécurisés » pour tous les athlètes israéliens.
Eytan Ben David, ancien responsable de l’unité de protection des dignitaires du Shin Bet, a confirmé que les athlètes israéliens bénéficieront cette année d’une protection maximale.
Outre les questions de sécurité physique, les athlètes israéliens doivent également faire face à un sentiment d’aliénation. En raison des appels au boycott et aux sanctions, ils se sentent souvent mis à l’écart par les autres délégations.
Ainsi, tout comme le monde progressiste a soutenu l’appel au boycott sportif pour isoler l’Afrique du Sud de l’apartheid, il faudra répondre aux appels internationaux pour qu’Israël soit suspendu des organisations sportives internationales et des événements sportifs internationaux jusqu’à ce qu’il mette fin à ses graves violations du droit international.
Ghorbanali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)