Par Maryam Qarehgozlou
Le Dr Muhammad Abou Salmiya, directeur de l'hôpital al-Shifa de la ville de Gaza, qui a été libéré de prison après une détention de plusieurs mois sans inculpation, a raconté son expérience déchirante et horrible.
Selon le directeur du plus grand complexe médical du territoire palestinien assiégé, lui et d’autres Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes sont confrontés « quotidiennement » à des tortures et des abus « graves ».
Lors d'une conférence de presse peu après sa libération lundi, le Dr Abou Salmiya a déclaré que les forces israéliennes « n'ont aucun respect pour les lignes rouges » et traitent les détenus palestiniens « comme s'ils étaient des objets inanimés ».
Il a été libéré avec un groupe de près de 55 autres Palestiniens arrêtés et détenus illégalement par le régime israélien depuis le lancement de sa guerre génocidaire contre la bande de Gaza en octobre dernier.
Le Dr Abou Salmiya a été enlevé par les forces israéliennes le 23 novembre avec plusieurs autres membres du personnel médical après avoir évacué de force l'hôpital al-Shifa à la suite d'un raid militaire dévastateur.
Il a déclaré que les prisonniers palestiniens subissaient des « conditions tragiques » en raison du manque de nourriture, de boisson et de la torture, « des humiliations physiques et psychologiques quotidiennes », des coups de matraque et de chiens.
« Nous avons été soumis à de graves tortures et les forces israéliennes prenaient d'assaut les cellules », a-il fait savoir après sa libération lundi. « De nombreux prisonniers ont été tués dans les cellules d’interrogatoire. »
Torturé, battu, abusé
Ce médecin palestinien de renom a expliqué que le personnel médical israélien censé prodiguer des soins de santé aux Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes les battait, les maltraitait et les torturait.
« Les médecins et les infirmières israéliens battent et torturent les prisonniers palestiniens et traitent les corps des détenus comme s’ils étaient des objets inanimés », a-t-il dénoncé.
Selon Abou Salmiya, en raison de soins médicaux médiocres, certains détenus diabétiques ont été amputés. En plus de la négligence médicale, il a déclaré que les mauvais traitements comprenaient la privation de nourriture.
« Chaque prisonnier détenu par les forces israéliennes a perdu environ 30 kg (66 livres), sans nourriture », a-t-il déclaré, faisant référence à la gravité de la catastrophe humanitaire qui se déroule dans les prisons du régime israélien.
« Pendant deux mois, aucun des prisonniers n'a mangé plus d'une miche de pain par jour. »
Les détenus palestiniens, a ajouté Abou Salmiya, ne sont pas autorisés à rencontrer des avocats ou toute autre personne représentant des institutions internationales humanitaires ou des droits de l'homme.
Les propos du Dr Abu Salmiya sur la torture et les abus perpétrés dans les prisons et les centres de détention israéliens correspondent aux récits d’autres Palestiniens détenus illégalement dans des camps de concentration israéliens.
Le Dr Bassam Miqdad, chef du service d'orthopédie à l'hôpital européen, qui a également été libéré avec le Dr Abou Salmiya, a également parlé de tortures et d'abus brutaux dans les prisons israéliennes.
« Je pourrais écrire des livres sur ce sujet », a-t-il dit.
Selon Miqdad, les conditions de détention dans la prison d’Ofer, où son collègue, le Dr Al-Barsh, chef du département orthopédique de l’hôpital al-Shifa, avait été exécuté plus tôt, étaient « horribles ».
Il a également évoqué les abus sexuels auxquels les prisonniers étaient confrontés de la part des « sionistes criminels ».
Miqdad a été enlevé par des soldats israéliens en janvier et transféré entre les prisons d'Asqalan, d'Ofer et de Nafah.
D'autres prisonniers libérés lundi ont également parlé des tortures brutales auxquelles ils ont été soumis par les forces du régime dans des cachots sombres et terrifiants.
Un régime « fasciste »
Le Mouvement de résistance islamique palestinien, Hamas a déclaré dans un communiqué que les « témoignages émouvants » des détenus récemment libérés confirment le « comportement criminel du régime d'occupation fasciste ».
Dans un communiqué publié lundi, il a affirmé que le régime fasciste israélien « défie toutes les lois humanitaires et commet des crimes de guerre quotidiens ».
« Ces crimes continus contre des civils non armés dans la bande de Gaza, qui ont dépassé toutes les limites, et les souffrances des prisonniers dans les prisons de l'occupation et des détenus dans les centres de détention de son armée terroriste, sont perpétrés par décision du [régime occupant] dans le cadre de sa politique fasciste visant à cibler et éliminer notre peuple palestinien », peut-on lire dans le communiqué.
Le Hamas a ajouté que cette politique est « pleinement soutenue par le gouvernement américain, qui viole d’une manière flagrante des lois internationales, et cela se produit au su et au vue du monde entier ».
Depuis octobre 2023, date à laquelle Israël a lancé sa guerre génocidaire contre Gaza, plus de 37 900 Palestiniens ont été tués et des milliers d’autres croupissent dans des centres de détention du régime occupant.
L'agence humanitaire de l'ONU, OCHA, a déclaré lundi dans un communiqué que le nombre de « Palestiniens de Gaza détenus par l'armée israélienne » depuis le 7 octobre 2023 « reste inconnu ».
Les Israéliens furieux de la libération de Salmiya
Le Dr Abu Salmiya a été arrêté après que l’armée israélienne a affirmé que le Hamas utilisait l’hôpital al-Shifa comme « principale base d’opérations », ce que le Hamas et les administrateurs de l’hôpital ont catégoriquement rejeté.
Israël n’a pas réussi à prouver ses allégations, tout comme il n’a pas pu justifier le bombardement d’autres hôpitaux à Gaza.
Après plus de sept mois de captivité, le Dr Abou Salmiya et d'autres Palestiniens ont été libérés parce que les prisons israéliennes étaient pleines, selon le service d’espionnage israélien Shin Bet.
Cependant, sa libération a suscité l’indignation et la condamnation de personnalités politiques israéliennes, ce qui a une fois de plus révélé les divisions internes au sein du régime sioniste.
Benny Gantz, un ancien membre du cabinet de guerre israélien qui a démissionné le mois dernier à la suite des projets du Premier ministre Benjamin Netanyahu pour Gaza, a condamné la libération du médecin palestinien et appelé au limogeage de « celui qui a pris la décision ».
Le ministre israélien de la « soi-disant Sécurité nationale », Itamar Ben-Gvir, a également appelé au limogeage du chef du Shin Bet, affirmant que la libération du Dr Abou Salmiya était une « négligence en matière de sécurité ».
Il a déclaré que Netanyahu doit empêcher le ministre de la Guerre Yoav Gallant et le chef du Shin Bet de mener une politique indépendante contraire à la position du cabinet de guerre.
Le bureau de Netanyahu a déclaré dans un communiqué que la décision de libérer les prisonniers faisait suite aux discussions à la Haute Cour sur une pétition contre la détention de prisonniers au centre de détention de Sde Teiman.
« L'identité des prisonniers libérés est déterminée de manière indépendante par les responsables de la sécurité sur la base de leurs considérations professionnelles », peut-on lire dans le communiqué.
Netanyahu a également ordonné une enquête immédiate sur la libération des prisonniers palestiniens de Gaza, dont le Dr Abou Salmiya.
Le service pénitentiaire israélien a dit plus tard que le manque d'espace dans les prisons israéliennes n'était pas la raison de la libération du Dr Abou Salmiya et de ses codétenus.
Le chef de l'opposition israélienne, Yaïr Lapid, a également déclaré dans un message publié lundi sur X que la libération du Dr Abou Salmiya s’inscrit directement dans le cadre de l'anarchie et du dysfonctionnement » du cabinet israélien.
Le Dr Abou Salmiya a cependant déclaré qu'il était « étonné » par les allégations des responsables israéliens affirmant qu'ils n'étaient pas au courant de sa libération.
Il a déclaré qu'aucune accusation n'avait jamais été portée contre lui et qu'il avait été libéré « de manière officielle ».
« L'occupation n'a porté aucune accusation contre moi malgré trois procès, ce qui signifie qu'ils m'ont arrêté pour des raisons politiques », a-t-il noté.
« La vie d'Abou Salmiya est en danger »
L'Observatoire Euro-Méditerranéen des droits de l'Homme a exprimé ses craintes pour la vie du Dr Abou Salmiya après « une tempête de réactions violentes » de la part des autorités israéliennes et a mis en garde contre « la possibilité de l'arrêter à nouveau ou de le prendre pour cible et de le tuer directement et délibérément ».
« Nous tenons Israël entièrement responsable de la vie du médecin après avoir lancé une vaste campagne politique et médiatique contre lui », a déclaré l'organisation de défense des droits de l'homme basée à Genève dans un communiqué.
L’organisation a également ajouté que la libération du Dr Abou Salmiya et de plusieurs autres membres du personnel médical sans aucune inculpation constitue une preuve supplémentaire que les prétextes utilisés par l’armée israélienne pour prendre d’assaut et assiéger l’hôpital al-Shifa et le détruire étaient « sans fondement et complètement falsifiés ».
« Cela confirme que le véritable objectif de l’assaut sur le complexe d’al-Shifa et de l’arrestation de médecins et de responsables est de détruire l’un des principaux composantes du secteur de la santé à Gaza, privant les Palestiniens de toute chance de traitement, de survie et même d’abri. »