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La fin du macronisme en France

US Rep. Ilhan Omar (D-MN) (L) talks with Speaker of the House Nancy Pelosi (D-CA) during a rally with fellow Democrats before voting on H.R. 1, or the People Act, on the East Steps of the US Capitol on March 08, 2019 in Washington, DC. (AFP photo)
Le président français Emmanuel Macron. ©SIPA

Par Ghorbanali Khodabandeh

Est-ce la fin du macronisme en France ? Plusieurs indices le laissent penser à l'approche des législatives. A la veille du premier tour des élections législatives anticipées, prévu ce 30 juin après la dissolution de l’Assemblée nationale au soir des élections européennes, plusieurs têtes d’affiche de la politique française étaient invitées dans les médias.

En campagne pour les législatives, l'ancien président français François Hollande a estimé le 22 juin que le «macronisme» était «terminé». Il a également affirmé n’avoir «aucun compte à régler» avec son ancien conseiller à l’Élysée puis ministre, face auquel il ne s’était pas présenté lors de la présidentielle de 2017.

Les propos de Hollande font écho à ceux tenus par Édouard Philippe deux jours plus tôt, où il accusait Emmanuel Macron d'avoir « tué la majorité présidentielle ».

Alors que le premier tour des élections législatives se déroule ce dimanche 30 juin, les couteaux étaient déjà sortis au sein de la majorité. La décision d'Emmanuel Macron de prononcer la dissolution de l'Assemblée nationale au soir des élections européennes y est constamment critiquée et les mauvais sondages pour le camp présidentiel n'arrangent rien.

Législatives en France : Hollande signe la fin du macronisme

Sept ans après son départ de l’Élysée, l’ancien président François Hollande (2012 – 2017) se réinvite dans la vie politique française. En campagne sur ses terres de Corrèze, département dont il fut député près de 15 années durant (1997 – 2012), et soutenu par le Nouveau Front populaire regroupant la majorité des partis de la gauche française, François Hollande s’est adonné à une charge contre son ancien conseiller et ministre.

«Le macronisme, c'est terminé. Si tant est que ça ait existé, mais c'est terminé», a-t-il lancé avant d’insister: «ce qu'il a pu, à un moment, représenter, c'est terminé». François Hollande a également affirmé ne pas avoir d’«hostilité particulière» à l’encontre de son ancien conseiller à l’Élysée et ministre de l'Économie (2014-2016). «Je n’ai aucun compte à régler. Pas du tout. Tout ça est passé», a-t-il déclaré.

Début décembre 2016, au plus bas des sondages, François Hollande avait renoncé à se présenter à sa succession, une première dans l’histoire de la Ve République.

L’ancien maire de Tulle (2001 – 2008) a expliqué reprendre la politique en raison de la «circonstance où l'extrême droite peut arriver demain au pouvoir» ainsi que de l’«autre risque qui est celui de l'instabilité», si aucune majorité ne se dégageait au lendemain des législatives prévues en France les 30 juin et 7 juillet.

Selon un baromètre Elabe pour Les Échos, publié début avril, soit bien avant les élections européennes et l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par Emmanuel Macron, François Hollande jouit d’une image positive auprès de 29% des sondés, faisant de lui la quatrième personnalité politique préférée des Français. Il serait même le premier à gauche, toujours d’après cette étude.

Législatives en France : Macron a « tué la majorité présidentielle »

Emmanuel Macron ne fait plus l'unanimité au sein même du camp présidentiel. Si les législatives ne sont pas tout à fait jouées, les piliers de la majorité présidentielle semblent prendre leurs distances, nouvel indice de la fin du macronisme en France.

Au plus bas dans les sondages, la majorité sortante règle ses comptes avec l’ancien Premier ministre qui a accusé le 20 juin Emmanuel Macron d’avoir « tué la majorité présidentielle ». Le ministre de l’Économie s’est pour sa part emporté contre les conseillers du président, les traitant de «cloportes».

«C’est le président de la République qui a tué la majorité présidentielle, il l’a dissoute.» Le 20 juin, au micro de TF1, l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, président du parti Horizons et membre de la majorité présidentielle, s’en est pris à Emmanuel Macron. Il a ajouté vouloir créer « une nouvelle majorité parlementaire qui fonctionnera sur des bases différentes de l'ancienne majorité présidentielle » sans plus de précisions.

Pour Édouard Philippe, la majorité centriste doit changer si elle veut continuer à exister. Il précise d’ailleurs sa pensée en affirmant : «On passe à autre chose et autre chose, ça ne peut pas être exactement la même chose qu’avant, donc c’est créer une nouvelle majorité parlementaire qui fonctionnera sur des bases différentes de l’ancienne majorité présidentielle.»

Edouard Philippe n'est pas le seul. Le même jour, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, qui digère mal la dissolution de l'Assemblée nationale, a de son côté tancé l’entourage présidentiel. «Vous savez, les parquets des ministères et des palais de la République sont pleins de cloportes», a-t-il déclaré sur le plateau de TV5 Monde, à l'adresse de conseillers d'Emmanuel Macron.

Drôle de campagne pour le camp présidentiel

Ces attaques contre le président et son entourage s’inscrivent dans un climat tendu pour la majorité sortante, alors que les sondages lui sont défavorables. Des projections évoquées dans le magazine Challenges et révélées le 20 juin par le journaliste Rémi Clément donnent seulement 95 à 130 sièges à Renaissance et ses alliés, loin derrière le Rassemblement national et l’union des gauches.

Des études d’opinion en décalage avec l’enthousiasme du président Emmanuel Macron, qui le 16 juin affirmait : «La majorité absolue est à portée de main», selon des propos rapportés par Le Figaro.

Le Rassemblement national et ses alliés de droite d'Eric Ciotti caracolent en tête des intentions de vote au premier tour des législatives (35,5%), suivis par le Nouveau Front populaire (29,5%), la macronie étant distancée (19,5%), selon un sondage Ipsos pour Le Parisien et Radio France. Selon les résultats de cette enquête, Les Républicains, qui n'ont pas rejoint l'alliance entre leur président Eric Ciotti et l'extrême droite, arrivent en quatrième position à 7% d'intentions de vote. Le sondage annonce une forte hausse de la participation par rapport à 2022, où elle s'était élevée à 47,5%, avec 60 à 64% des Français assurant avoir l'intention de se rendre aux urnes.

Sur le terrain, certains n'hésitent pas à fustiger Emmanuel Macron directement devant ses ministres et les caméras. Ainsi, en déplacement dans le Val-de-Marne le 17 juin, le Premier ministre Gabriel Attal avait été interpellé par un soutien de la majorité qui lui avait déclaré : «Vous, vous êtes bien, mais il faudra dire au président qu’il ferme sa gueule.»

Economie et finances publiques : l’échec du macronisme

Selon de nombreux observateurs, l’impasse budgétaire dans laquelle se trouve le gouvernement illustre plus que tout autre aspect de sa politique, la fin voire l’échec du macronisme.

Avec un déficit qui devrait dépasser les 5 % du PIB, non seulement l’objectif de le ramener à 3 % d’ici 2027 est improbable, mais la décision de faire au pied levé 10 milliards d’euros d’économies ajoutés aux 10 milliards déjà prévus dans le budget relève de l’inconséquence pour ne pas dire incompétence. Devant l’ampleur de la dette qui sera probablement sanctionnée par les agences de notation, Emmanuel Macron navigue à vue sous les yeux de voisins européens effarés par l’incapacité de la France à tenir ses engagements.

La cause de l’échec tient à un des fondements du macronisme. Alors que toute sa politique a été construite sur la croissance et le plein-emploi, le président de la République a simplement découvert qu’il ne suffisait pas de le décréter pour que l’un et l’autre se réalisent. Mais pire encore après le bouleversement des prévisions économiques par les crises successives, il s’est montré incapable de modifier sa stratégie, autrement dit de s’adapter au réel.

Le résultat est accablant. La croissance est désormais en berne, le plein-emploi une illusion et le gouvernement sans solution. Si l’on ajoute à l’équation budgétaire, les bisbilles et les couacs au sein de l’exécutif qui illustrent l’improvisation de mise au sommet de l’État, le mur de la dette n’a jamais semblé aussi proche.

À ce constat, il convient d’ajouter une double faute politique. En refusant de se présenter devant le Parlement pour corriger un budget devenu caduc, le pouvoir donne non seulement le sentiment de vouloir dissimuler la situation financière du pays mais surtout il témoigne une fois de plus du mépris à l’égard de la représentation nationale.

Macron a détruit les fondements de la diplomatie française

Après le revers du parti de Macron aux élections européennes, le gouvernement français est sous le feu des critiques pour ne pas servir le peuple et ne pas répondre à ses aspirations.

« Beaucoup de Français craignent maintenant une guerre mondiale. Beaucoup de Français voient qu'on prend des risques sécuritaires. Beaucoup de Français ne supportent plus qu'on envoie beaucoup d'argent à l'Ukraine alors qu'on en manque ici. Tout cela a évidemment renforcé la défaite du camp présidentiel », a expliqué Florian Philippot, président du parti les Patriotes.

Selon lui, le gouvernement français est dirigé par des personnalités qui « méprisent le peuple français » et servent des intérêts contraires au pays.

Cet agenda est « d'ailleurs très liés à Washington » et explique que les gouvernements et Présidents sont « systématiquement impopulaires en France » ces dernières années, ajoute-t-il.

Les résultats des européennes en France symbolisent le rejet d'Emmanuel Macron, considéré comme un menteur par les Français, a expliqué par ailleurs François Asselineau, président du parti français UPR.

Emmanuel Macron est perçu comme appliquant une politique voulue par « l'oligarchie euro-atlantiste », ce qui explique en partie le revers de son parti aux élections européennes, a déclaré François Asselineau, président de l'Union populaire républicaine (UPR).

Le 9 juin, le parti présidentiel Renaissance, avait subi un revers aux élections européennes, ne finissant que second, avec 14,6% des suffrages, loin derrière le Rassemblement national et ses 31,7%. Une déroute qui a forcé Emmanuel Macron à dissoudre l'Assemblée nationale, convoquant de nouvelles élections législatives pour le 30 juin et le 7 juillet.

Les lendemains d'élections s'annoncent difficiles pour le camp présidentiel, quel que soit le résultat sorti des urnes. Les députés qui réussiront à se faire réélire se seront totalement affranchis du président de la République, retrouvant liberté de parole et d'action. La fin du macronisme se profile à l’horizon et l'après-Emmanuel Macron bat déjà son plein.

Ghorbanali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.

(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV.)

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SOURCE: FRENCH PRESS TV