Par Ghorban-Ali Khodabandeh
Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, on assiste à une solidarité grandissante dans le monde occidental en faveur de la cause palestinienne, mais les gouvernements occidentaux ne tolèrent pas les appels ou manifestations pro-palestiniennes qui sont violemment réprimés.
Des milliers d’étudiants dans des dizaines de campus à travers les États-Unis ont participé en avril et continuent aujourd’hui à se joindre à des manifestations pro-palestiniennes qui ont conduit souvent à une répression policière brutale, à des arrestations et à des suspensions ou à des expulsions de l’université.
Au lieu de parler d’éveil ou de bonne conscience des jeunes, les classes politiques dominantes préfèrent qualifier ces libres manifestations d’étudiants de « désordre » et de « trouble à l’ordre », de « perturbation de la bonne marche de l’université », voire d’« antisémitisme », notamment dans les Universités de Harvard, Columbia ou de Sciences Po Paris.
La répression violente des manifestations pro-palestiniennes sur les campus met en en lumière, une fois de plus, la politique de deux poids deux mesures et l’hypocrisie des puissances occidentales en matière des droits de l’homme et de la liberté d’expression.
Des milliers d’étudiants arrêtés sur les campus universitaires
Les manifestations pro-palestiniennes ont débuté à l’université Columbia à New York, puis se sont étendues à d’autres universités privées d’élite telles que Yale et Harvard, ainsi qu’à l’université de Californie du Sud, avant d’englober des universités d’État telles que les campus de l’université de Californie à Berkeley et Los Angeles et l’université du Michigan. À Columbia, à l’université Emory à Atlanta et à l’université du Texas à Austin, des policiers en tenue anti-émeute ont dispersé des campements sur les campus, frappé et arrêté des étudiants. Sur certains campus, la police a également arrêté des professeurs.
Le mouvement étudiant a commencé par des manifestations de solidarité avec le peuple palestinien, appelant à un « cessez-le-feu immédiat » et à la fin du financement américain de l’armée israélienne. Rapidement, les étudiants ont également exigé que leurs universités se désengagent des entreprises israéliennes, en particulier des sociétés de renseignement et des fabricants d’armes, et certains ont également demandé la fin des liens académiques avec les institutions israéliennes. Les étudiants ont dressé des tentes et se sont installés sur les terrains autour des universités pour protester pacifiquement. Ils n’ont pas eu recours à la violence, n’ont pas endommagé de biens et n’ont pratiquement pas interrompu les activités universitaires.
Les présidents d’université, d’autres administrateurs universitaires, des hommes et des femmes politiques et certains médias ont qualifié les manifestations d’antisémites, ont affirmé qu’elles intimidaient et menaçaient les étudiants juifs et ont prétendu qu’elles étaient violentes. Nemat Shafik, présidente de l’université de Columbia, a été la première à faire appel à la police, ce qui a conduit à des passages à tabac et à des arrestations, indignant les étudiants et de nombreux membres du corps enseignant. Des centaines de personnes ont été arrêtées sur différents campus du pays.
Partout, la brutalité juridique et administrative accompagne la brutalité policière. Loin de calmer le jeu, les arrestations massives ont galvanisé le mouvement étudiant d’est en ouest.
Répression des étudiants pro-palestiniens aux Etats-Unis : l’ONU se dit inquiète
L’ONU est « inquiète » de « l’impact disproportionné » des interventions de la police sur des campus d’universités aux États-Unis, pour y déloger des manifestants solidaires avec la cause palestinienne, selon un communiqué diffusé mardi à Genève.
« Je m’inquiète de ce que certaines mesures prises par les forces de l’ordre dans une série d’universités semblent avoir un impact disproportionné », a déclaré le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk.
Le Haut-Commissaire s’est dit « troublé par une série de mesures musclées prises pour disperser et démanteler les manifestations pro-palestinienne », souligne le communiqué.
« La liberté d’expression et le droit de réunion pacifique sont fondamentaux pour la société –en particulier lorsqu’il existe de profonds désaccords sur des questions majeures – comme c’est le cas en ce qui concerne la situation à Gaza », a déclaré M.Türk.
Une experte indépendante des droits humains de l’ONU a aussi accusé des universités de réprimer les étudiants qui protestent contre la guerre d’Israël à Gaza, braquant les projecteurs sur la question de la liberté d’expression dans le monde entier. « La crise de Gaza est en train de devenir une véritable crise mondiale de la liberté d’expression », a déclaré Irene Khan, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d’opinion et d’expression.
En Europe, des voix pro-palestiniennes réprimées
Plusieurs ONG européenne, dont Amnesty International, s'inquiètent d'une répression des voix pro-palestiniennes en Europe, dans un climat de polarisation extrême des opinions sur la question palestinienne.
« Les lois contre les discours de haine et les lois antiterroristes sont instrumentalisées pour s'attaquer aux propos pro-palestiniens, pourtant légitimes selon les normes internationales », dénonce Julia Hall, chercheuse d'Amnesty international.
Selon elle, l'Europe a connu une avalanche d'annulations et de ciblages de manifestants pacifiques, d'universitaires » ou de personnes solidaires des droits des Palestiniens et critiques envers Israël.
Alors que l'invasion militaire israélienne se poursuit à Gaza, les voix pro-palestiniennes sont souvent accusées d’apologie du terrorisme, et leurs revendications antisionistes sont souvent renvoyées à de l'antisémitisme.
Dans l'Union européenne, au moins 12 Etats ont pris des mesures disproportionnées, y compris l'interdiction de manifestations sous prétexte d'un risque apparent pour l'ordre public et la sécurité, pointe un rapport du Forum civique européen (ECF). Pour cette organisation basée à Bruxelles, cette répression de la solidarité pro-palestinienne s'explique par le soutien massif de l'Europe à Israël.
En France, les autorités ont mis en place « un dispositif administrativo-judiciaire visant les personnes s'exprimant en soutien aux Palestiniens », mais pas celles « soutenant Israël », a observé l'avocat d'origine Arié Alimi, membre de la Ligue des droits de l'Homme.
L’hypocrisie de l’Occident vis-à-vis de la Palestine
Depuis le déclenchement de la guerre génocidaire d’Israël contre Gaza il y a sept mois, la résistance de la Palestine a provoqué un profond réveil auprès de l’opinion publique mondiale. Dans ce cadre, on assiste aujourd'hui à des sit-in et à des manifestations pro-palestiniennes généralisés dans des dizaines d'universités américaines et européennes pour dénoncer les crimes israéliens dans la bande de Gaza.
Il n’y a l’ombre d’un doute que la répression des voix-palestiniennes aux Etats-Unis et en Europe constitue une honte pour les gouvernements occidentaux qui se targuent de protéger les droits de l’homme et la liberté d’expression. Cette politique à géométrie variable de l’Occident prouve que ses objectifs de politique étrangère sont en totale contradiction avec la justice et les droits de l'homme.
Au moment de l'opération militaire russe en Ukraine, l’administration américaine et les gouvernements européens ont immédiatement commencé à condamner cette opération et à imposer de sévères sanctions à la Russie. Mais aujourd’hui, Biden et ses homologues européens ferment délibérément les yeux sur les atrocités sans précédent de l’entité d’occupation contre le peuple palestinien.
En Europe, le débat s’est largement déroulé sur les réseaux sociaux, où certains commentateurs ont fustigé l’hypocrisie de l’Europe dans ses différentes approches des guerres en Ukraine et à Gaza.
Ce qui se passe aujourd’hui dans les universités américaines et européennes, c’est la réaction d’une partie des citoyens occidentaux face aux tragédies provoquées par les gouvernements occidentaux. Et la répression violente des manifestations pro-palestiniennes sur les campus universitaires prouve que les revendications en matière des droits de l’homme et de la liberté d’expression en Occident sont dépourvues de sens.
En dépit de cette répression, la mobilisation des jeunes étudiants occidentaux prend de l’ampleur, s’inscrivant dans le cadre d’un retournement de l’opinion mondiale elle-même qui exprime de plus en plus sa solidarité avec la nation palestinienne.
Ghorban-Ali Khodabandeh est un journaliste et analyste politique iranien basé à Téhéran.
(Les opinions exprimées dans cet article ne reflètent pas nécessairement celles de Press TV)